Préambule

Les programmes de médecine dentaire offerts dans les hôpitaux sont conçus pour répondre aux besoins des populations de patients à risque qui n'ont pas facilement accès à des soins buccodentaires en cabinet privé, comme les personnes nécessitant des soins médicaux spéciaux ou atteintes d'un handicap ou d'une maladie mentale. Ces programmes servent aussi de filet de sécurité sociale en offrant des soins dentaires d'urgence aux personnes qui n'ont pas les moyens de se payer les soins de santé buccodentaire dans un cabinet de dentiste du secteur privé. En plus d'offrir des soins buccodentaires primaires à ces populations à risque, les programmes offerts dans les hôpitaux associés à une université jouent aussi un rôle de soins de santé auxiliaires en offrant une expertise en matière d'évaluation et de traitement d'affections buccodentaires complexes ou de manifestations de maladies systémiques. Finalement, les programmes de médecine dentaire des hôpitaux universitaires jouent également un rôle de formation en médecine dentaire universitaire et postuniversitaire.

Dans le contexte économique actuel des soins de santé, il est possible que le gouvernement provincial décide d'accentuer les compressions budgétaires dans l'ensemble des services à la population et des programmes d'enseignement. En attendant la décision du gouvernement provincial concernant le financement des programmes dentaires, il est important de considérer l'importance de la santé buccodentaire sur l'état de santé général, ainsi que le rôle de plus en plus important que jouent les professionnels dentaires au sein des équipes de fournisseurs de soins de santé.

Soins dentaires aux populations de patients à risque

Le rôle des programmes dentaires hospitaliers est d'autant plus important en raison du vieillissement de la population et des nouveaux schémas pathologiques qui en découlent, ce qui entraîne une augmentation du nombre de personnes nécessitant des soins buccodentaires primaires ou atteintes d'une affection médicale qui complique le traitement dentaire.

Le mandat de prestation de soins aux patients d'un programme dentaire hospitalier complet comprend les soins primaires et auxiliaires suivants :

  1. Prestation de soins buccodentaires complets (y compris le traitement dentaire sous anesthésie générale, au besoin) aux personnes nécessitant des soins médicaux spéciaux ou atteintes d'un handicap ou d'une maladie mentale
  2. Prestation de services d'urgence 24 heures sur 24 à la population 3) Prestation de services diagnostics et d'expertise auxiliaires tels que :
    • Chirurgie buccale et maxillofaciale nécessitant une hospitalisation
    • Clinique multidisciplinaire de gestion de la douleur buccofaciale
    • Clinique de soins buccaux (diagnostic et traitement des affections buccales et des manifestations de maladies systémiques)
    • Restauration prothétique maxillofaciale d'anomalies anatomiques découlant d'une malformation congénitale, d'une cancérothérapie ou d'un traumatisme

Outres ces soins primaires, les programmes dentaires en milieu hospitalier offrent aussi des soins auxiliaires aux patients des autres services médicaux ou chirurgicaux, comme le traitement de complications dentaires imprévues ou une intervention d'urgence pendant une hospitalisation (p. ex., mal de dents, traumatisme dentaire pendant une intubation d'anesthésie, etc.), et des soins dentaires essentiels requis pour soigner des personnes gravement malades conformément aux normes de prestation de soins médicaux.

Dans la profession dentaire, les foyers d'infection présentent un grand éventail de risques et de complications pour les personnes malades et celles qui doivent subir une intervention médicale, comme une chirurgie à cœur ouvert, une radiothérapie ou une chimiothérapie, une greffe d'organe ou de moelle osseuse.

Dans certains cas, les compressions budgétaires relatives aux services dentaires hospitaliers peuvent avoir des incidences négatives sur la gestion des patients gravement malades. Par exemple, chez les patients atteints de leucémie, 25 p. 100 des infections graves et potentiellement mortelles qui se produisent pendant la chimiothérapie inductrice de rémission proviennent de l'exacerbation d'une infection dentaire ou parodontale préexistante.

Les mesures dentaires préventives et curatives constituent des moyens économiques de prévenir l'occurrence de morbidité et de mortalité chez ces patients. Les programmes dentaires hospitaliers constituent le meilleur milieu de soins pour ces patients, car ces derniers peuvent nécessiter des soins spéciaux visant à prévenir une complication issue des soins dentaires comme une hémorragie ou une infection, selon les résultats de la formule sanguine.

Parallèlement, les services dentaires des hôpitaux jouent un rôle important sur le plan économique dans la gestion des greffés. Chez ces patients, le risque d'infection est énorme, car ils sont immunodéprimés pour prévenir le rejet de l'organe. Par exemple, 59 p. 100 des patients qui subissent une greffe du foie contractent une infection, et de 5 à 16 p. 100 d'entre eux en meurent. L'objectif des interventions dentaires de base chez ces personnes, avant et après la greffe d'organe, est de déterminer la présence d'un foyer d'infection qui peut causer une bactériémie ou une grave infection systémique, et de le traiter. Le coût des services dentaires primaires et curatifs est minime dans le contexte général des interventions préopératoires, de la chirurgie, des médicaments immunosuppresseurs et des soins de suivi chez les greffés (cœur 149 K$, poumon 147 K$, foie 134 K$).

La gestion des greffés doit se faire dans un milieu hospitalier par des dentistes formés dans le traitement des patients nécessitant des soins médicaux spéciaux, et qui travaillent en étroite collaboration avec le médecin des patients, et ce, pour de nombreuses raisons. Les patients candidats à une greffe du foie en sont un exemple.

Soins dentaires aux patients indigents

En plus de fournir des soins buccodentaires aux personnes nécessitant des soins médicaux spéciaux ou atteints d'affections physiques, les programmes dentaires hospitaliers peuvent jouer un rôle important dans la prestation de soins dentaires d'urgence aux personnes qui n'ont pas accès aux soins dans le secteur privé en raison de leur situation financière. Un grand nombre de ces personnes n'ont pas accès aux programmes d'aide sociale en matière de soins dentaires, et les programmes dentaires hospitaliers leur servent de derniers recours pour soulager la douleur ou traiter une infection aiguë. Le fardeau de la prestation de soins dentaires d'urgence aux populations démunies est en grande partie à la charge des programmes dentaires des hôpitaux. Dans de nombreux cas, ces programmes doivent radier d'importants revenus potentiels parce que les patients sont incapables de payer et avoir recours aux budgets opérationnels pour compenser les dépenses encourues de la prestation de ces services essentiels à la population.

Formation universitaire et postuniversitaire

Le vieillissement de la population et les nouveaux schémas pathologiques qui en découlent font que les nouveaux dentistes auront à faire face à des problèmes de santé de divers degrés de complication qui nécessiteront des traitements dentaires complexes. Parallèlement, la spécialisation de la profession dentaire entraîne une fragmentation des soins de santé dentaires qui limite l'accès aux soins spécialisés des personnes vivant dans les petites collectivités et les régions rurales. Les facultés de médecine dentaire ont abordé ce problème en offrant des stages en milieu hospitalier dans leur programme d'études supérieures. Ces programmes offrent aux dentistes l'occasion d'acquérir une expérience uniquement accessible en milieu hospitalier, dont la prestation de soins dentaires aux personnes nécessitant des soins médicaux spéciaux ou atteintes d'un handicap ou d'une maladie mentale dans un contexte ambulatoire, l'apprentissage de l'évaluation des risques médicaux des patients de soins dentaires, l'apprentissage de la gestion des urgences médicales et dentaires, l'apprentissage de techniques de sédation consciente pour offrir un traitement dentaire complet aux patients anxieux, la gestion des patients dentaires hospitalisés, de l'admission au congé, y compris les protocoles opératoires habituels.

La plupart des stages en milieu hospitalier des programmes universitaires ne durent que deux semaines, ils ne fournissent donc qu'une expérience sommaire. Par conséquent, les hôpitaux offrent aux diplômés en médecine dentaire des programmes de formation postuniversitaire comme le Programme de résidence en médecine générale. Occasions offertes aux nouveaux diplômés en médecine dentaire par le Programme de résidence en médecine générale :

  1. Meilleure compréhension des liens entre les affections médicales, les maladies buccodentaires et les soins dentaires.
  2. Apprentissage de la prestation de soins dentaires complets à des personnes nécessitant des soins médicaux spéciaux ou atteintes d'un handicap.
  3. Apprentissage de la gestion des urgences, ainsi que la prise en charge des urgences médicales communes d'une pratique en clinique dentaire.
  4. Apprentissage pédagogique et clinique prolongé dans diverses disciplines de spécialité dentaire.

Les résultats des sondages indiquent que les dentistes ayant participé à un Programme de résidence en médecine générale présentent un éventail de pratique élargi, et qu'ils ont moins besoin de diriger leurs patients à des spécialistes. Lorsqu'un jeune dentiste participe à ce programme, il est en mesure d'établir son cabinet dans une petite collectivité ou une collectivité rurale en toute confiance, sans se soucier d'avoir un réseau de spécialistes à sa disposition.

L'aide provinciale servant à financer la participation des dentistes diplômés au Programme de résidence en médecine générale représente un investissement «à effet multiplicateur», car ces dentistes servent aussi de mentor aux étudiants en médecine dentaire en stage dans les programmes dentaires en milieu hospitalier. Il est certainement raisonnable de s'attendre à ce que ces résidents génèrent des revenus de pratique, dans le cadre de la prestation de soins aux patients, pouvant servir à assumer les coûts opérationnels du programme dentaire en milieu hospitalier. Toutefois, la pression indue sur les résidents en médecine dentaire en vue d'accroître les revenus de pratique entraîne une réduction des éléments pédagogiques du programme et des rotations en consultation externe, tous des éléments essentiels au Programme de résidence en médecine générale, ainsi que des exigences d'agrément. Si un Programme de résidence en médecine générale doit être entièrement autonome financièrement par la génération de revenus de pratique, il sera impossible de maintenir la qualité de la formation et de satisfaire aux exigences d'agrément du programme.

Résumé et recommandations

  1. Les planificateurs de politiques de soins de santé doivent reconnaître que la prestation de soins buccodentaires est une partie essentielle des concepts de responsabilité envers la population, de soins complets aux patients et de normes de soins pour un grand nombre de schémas pathologiques et de diagnostics médicaux.
  2. En raison du vieillissement de la population et des nouveaux schémas pathologiques qui en découlent, un plus grand nombre de patients ont de la difficulté à accéder à des soins buccodentaires dans un cabinet dentaire privé. Les programmes dentaires offerts dans les hôpitaux répondent aux besoins particuliers de ces patients, et servent de filet de sécurité sociale pour les patients indigents. Le gouvernement provincial doit continuer de financer ces programmes.
  3. Compte tenu de l'évolution de la formation dentaire et de la pratique clinique, l'interaction avec la médecine est essentielle, et celle-ci ne peut être offerte dans les écoles de médecine dentaire, ce qui souligne l'importance des rotations cliniques en milieu hospitalier pour tous les étudiants en médecine dentaire et la valeur des programmes de résidence en médecine générale. Le gouvernement provincial doit continuer de financer ces programmes d'enseignement.

Conseil d'administration de l'ADC
Ratification de la version anglaise: Février 2005
Références disponibles sur demande.