Volume 11 • 2024 • Numéro 1

la bouche. «Nous savons depuis longtemps que pour trouver la bactérie Strep salivarius, il faut chercher sur la langue», rappelle La Dre Mark Welch. Avec le séquençage génétique, les méthodes se sont affinées et les chercheurs ont remarqué que des bactéries particulières se trouvaient sur la langue, les dents et les gencives. «Certaines vivent seulement sur le palais, par exemple», ajoute-t-elle. Le hérisson Selon le modèle classique de formation de la plaque, expliqué par les Drs Paul Kolenbrander et Robert Palmer, l’émail d’une personne qui vient de se brosser les dents est propre et dépourvu de toute vie microbienne. En quelques secondes, l’émail se recouvre d’un film salivaire, des glycoprotéines, et les mucines de la salive se fixent à l’émail. Ce film contient des protéines et des hydrates de carbone auxquelles certaines bactéries peuvent ensuite se fixer. «C’est comme ce qui arrive à un écosystème après un feu de forêt. Quelques plantes commencent à recoloniser la terre, puis d’autres plantes peuvent venir pousser, donne en exemple la Dre Mark Welch. Les bactéries qui peuvent se fixer directement au film salivaire sont les premières colonisatrices et sont pour la plupart des streptocoques et des bactéries du genre actinomycès. Puis d’autres bactéries se lient aux premières colonisatrices et leur nombre se multiple successivement. » Le modèle traditionnel veut qu’il y ait des premières bactéries colonisatrices, puis des bactéries de transition appelées Fusobacterium nucleatum, et enfin des colonisatrices tardives qui peuvent causer la parodontite. « Mais ce que nous avons vu, c’est une bactérie différente qui assure une bonne partie de la structure », poursuit la DreMarkWelch. L’organisation « en hérisson » captée sur ses images comprend une bactérie clé, la corynébactérie, qui forme l’essentiel de l’énorme buisson de filaments. « Les corynébactéries semblaient partir depuis la base du biofilm et croître jusqu’aux extrémités, et d’autres bactéries étaient accrochées à ses extrémités », précise-t-elle. Les bactéries Fusobacterium nucleatum créaient une couche intermédiaire, mais sans continuité structurelle. D’autres bactéries vivent à l’intérieur de la structure des corynébactéries, tandis que les streptocoques vivent autour de l’extérieur. L’organisation « en hérisson » semble caractéristique. « Nous avons vu ces structures en hérisson chez toutes les personnes chez qui nous avons prélevé plus d’un échantillon, soutient Jessica Mark Welch. Aussi, les bactéries dans ces structures sont toutes entrecroisées. Dans les échantillons de plaque de personnes en santé, il n’y a jamais de grappes importantes d’un seul type de bactéries. « Elles ont besoin les unes des autres, explique-t-elle. Dans une bouche en santé, les bactéries vivent en équilibre, comme dans tout écosystème. » Le microbiome en cabinet dentaire Lors d’un examen dentaire, la Dre Mark Welch s’est vue remettre un gratte-langue cannelé en plastique et s’est fait dire qu’elle avait une langue velue. « Bien sûr, je me suis sentie obligée d’examiner ce que j’avais sur la langue avec notre technique de microscope, avoue-t-elle. Et nous avons vu ces fantastiques structures qui diffèrent complètement de la plaque dentaire. » Sur les papilles filiformes de la langue, il y a un noyau de cellules épithéliales humaines depuis lequel les bactéries se développent en colonnes, en triangles et en pyramides. Il y a des hypothèses selon lesquelles les bactéries de la langue pourraient avoir une influence sur la transformation des nitrates. Gena Tribble, Ph. D., a publié une recherche suggérant que le microbiome des personnes qui se nettoient la langue, ne seraitce qu’à l’occasion, diffère de celui des personnes qui ne se la nettoient jamais5. « Le nettoyage de la langue semble modifier la structure du microbiome, probablement de manière positive », remarque Jessica Mark Welch. Il y a plus de 700 bactéries différentes dans la base de données sur lemicrobiome buccal, mais un échantillon prélevé dans la bouche de n’importe quelle personne n’en contiendra probablement que 150 types différents. « Généralement, nous avons tous à peu près les mêmes espèces bactériennes, explique la Dre Mark Welch. Parmi celles-ci, il y a quelques grands joueurs qui sont presque toujours présents, et chacun d’entre eux représente environ 2 ou 5 % de la communauté. » Même si nous avons tous les mêmes types de bactéries présents dans la bouche, chaque personne a ses propres souches. «On peut distinguer une personne d’une autre à partir du microbiome de sa bouche, précise la Dre MarkWelch. Si je testais toutes les personnes à une fête, puis les retestais un an plus tard, je serais en mesure d’identifier qui est qui à partir des souches, de leur abondance et de la proportion de différentes bactéries. Ce profil est assez stable dans le temps. » Jessica Mark Welch a réalisé une étude dans laquelle elle a prélevé des échantillons de bactéries buccales chez des personnes mariées depuis au moins 10 ans. « Nous n’avons pas dit à la personne chargée d’analyser les données qui était marié à qui, mais elle a pu le découvrir parce que les couples mariés partageaient des souches bactériennes, raconte-t-elle. Assez romantique, non? » Il y a plus de 700bactéries différentes dans la base de données sur le microbiome buccal, mais un échantillon prélevé dans la bouche de n’importe quelle personne n’en contiendra probablement que 150 types différents. 28 | 2024 | Numéro 1 Point de mire

RkJQdWJsaXNoZXIy OTE5MTI=