Volume 10 • 2023 • Numéro 1

À la croisée des cultures coloniales et autochtones En 2012, sept ans après avoir commencé à travailler dans les communautés, la Dre McKinstry reprend des études à temps partiel pour faire une majeure en études autochtones et une mineure en sociologie. « J’explorais ce que cela signifiait pour moi d’être membre d’une Première Nation. Je voulais savoir pourquoi mon enfance avait été tellement différente de celle des autres Canadiens. » Aussi, elle s’interroge sur son incidence dans les communautés où elle travaille. À ses débuts, elle veut contribuer à des changements positifs en matière de santé buccodentaire pour ses patients, mais, au fil des années, elle a le sentiment de ne pas y arriver. «Je me suis demandé pourquoi je n’arrivais pas à changer le cours des choses. Je continuais à envoyer des enfants se faire opérer à l’hôpital à l’extérieur de la communauté», explique la Dre McKinstry. Quand la possibilité de faire une maîtrise en santé publique portant précisément sur la santé des peuples autochtones s’offre à elle à l’Université de Victoria, elle n’hésite pas et met de côté ses études de baccalauréat. «Ce n’était pas tant pour mon éducation, mais plus pour mon parcours personnel, reconnaît-elle. J’avais beaucoup à apprendre sur l’histoire autochtone au Canada. Mon père est allé dans un pensionnat autochtone, mais il n’en parlait jamais. J’ai l’impression que ce que lui et ses frères et sœurs ont vécu au pensionnat a eu une énorme incidence sur mon enfance et a contribué au fait que ma famille n’a pas profité de grand-chose, surtout après que mon grand-père eut servi dans l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale. » Durant ses études à l’Université de Victoria, où elle fait de la recherche sur la réconciliation et les milieux sécurisants culturellement en médecine dentaire, la Dre McKinstry commence à sentir de plus en plus que le moyen le plus efficace pour elle d’aider les communautés autochtones consisterait à travailler avec des enfants. «J’ai toujours aimé interagir avec les enfants de toute façon; je les ai toujours eus à cœur», concèdet-elle. Le Dr Lekic lui suggère, comme tous les ans, de faire une maîtrise en dentisterie pédiatrique à l’Université du Manitoba, et en 2017 la Dre McKinstry accepte. Sa thèse porte sur ce que vivent les enfants des Premières Nations qui doivent être traités sous anesthésie générale pour des caries de la petite enfance. «Ma recherche était fondée sur des données qualitatives, plus précisément sur une approche empirique. Il se trouve que c’est la première thèse qualitative à avoir été déposée au programme de maîtrise en dentisterie pédiatrique à l’Université du Manitoba, grâce à mes directeurs, les Drs Andrew Hatala et Robert Schroth, précise-t-elle. À bien des égards, elle attestait ce que nous savions déjà grâce à la recherche antérieure et au travail dans les communautés pendant 12 ans.» Les résultats de sa recherche font ressortir les nombreuses difficultés auxquelles font face les Premières Nations pour obtenir des soins. Par exemple, une communauté peut ne pas avoir de dentiste ou ce dernier peut être trop occupé pour voir toutes les personnes qui ont besoin d’être vues dans le peu de temps où il se trouve sur place. Les résultats ont aussi montré que l’accès au matériel nécessaire à l’hygiène buccodentaire présente des difficultés pour la santé buccodentaire, car le dentifrice et les brosses à dents étaient chers ou difficiles à obtenir. La Dre McKinstry précise qu’elle a posé des questions sur la fluoruration de l’eau lors de ses recherches. «Mais par la suite, je me suis rendu compte que l’eau de certaines des familles que j’interrogeais était livrée chez eux par camion et stockée dans des citernes ou dans des sceaux. J’ai appris plus tard que certaines communautés du Manitoba peuvent passer des jours ou des semaines sans eau. L’absence de fluoration était le dernier de leurs soucis.» Il faut souligner que ses résultats ont mis en lumière le racisme en médecine dentaire dont sont victimes les À la sortie de la clinique à l’Université du Manitoba. 25 Numéro 1 | 2023 | Point de mire

RkJQdWJsaXNoZXIy OTE5MTI=