Combler les lacunes en matière de financement des soins dentaires :

Mettre sur pied un programme durable et efficace financé par le gouvernement fédéral

EN

Annexe A – Contexte

Historique des soins dentaires financés par l’État au Canada

Lorsque le régime d’assurance-maladie canadien a été mis sur pied en vertu de la Loi sur les soins médicaux de 1966, la dentisterie n’en faisait pas partie.18 À cette époque, plusieurs provinces ont commencé à mettre sur pied des initiatives de soins dentaires financés par l’État pour promouvoir et améliorer la santé buccodentaire, surtout chez les enfants. Même si ces programmes, et plusieurs autres, ont eu des résultats positifs, plusieurs ont été annulés ou réduits par la suite, en raison des changements de priorités du gouvernement. Comme ces programmes ont été lancés de manière ad hoc – à l’extérieur d’une approche nationale plus vaste en matière de soins de santé – la santé buccodentaire est une cible facile pour réduire les coûts.

Aujourd’hui, au Canada, les soins dentaires financés par l’État continuent à être fournis principalement par des cliniques dentaires privées, généralement détenues et exploitées par des dentistes. Il existe des différences importantes entre les programmes offerts par les provinces et les territoires, y compris en ce qui concerne les critères d’admissibilité et ce qui est couvert dans chaque territoire de compétence. La Loi canadienne sur la santé couvre certaines chirurgies dentaires effectuées par un dentiste en milieu hospitalier, lorsque cela est nécessaire pour réaliser correctement l’intervention. Parce que les soins de santé relèvent principalement de la compétence des provinces et des territoires (à quelques exceptions près), plusieurs provinces continuent à consacrer la majorité de leurs fonds pour les soins de santé à des programmes d’aide sociale et de santé publique, laissant les programmes publics de soins dentaires constamment sous-financés.

La fluoruration des eaux communautaires, qui a commencé au Canada dans les années 40, est une mesure de santé publique qui a un impact positif sur la santé buccodentaire de millions de Canadiens.20 Le milieu de la dentisterie fait depuis longtemps la promotion de cette mesure préventive rentable et accessible, qui a démontré son effet pour réduire l’incidence des caries.

L’état de la santé buccodentaire au Canada

Même si les données sur l’état de la santé buccodentaire des Canadiens sont limitées, une étude nationale exhaustive, l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS), a été effectuée en 2007-08 pour fournir des données cliniques sur la santé buccodentaire. Santé Canada a publié un rapport sur la santé buccodentaire des Canadiens en 2010, fondé sur les résultats de l’ECMS, qui a révélé que 75 % des Canadiens consultaient un dentiste tous les ans et 86 % le faisaient au moins une fois tous les deux ans. Cela représente une amélioration importante par rapport aux résultats de l’enquête effectuée par Nutrition Canada au début des années 70, alors qu’à peine la moitié de la population consultait un dentiste tous les ans.21

L’indice CAOD (dents cariées, absentes ou obturées) est l’une des principales mesures de la santé buccodentaire utilisées à des fins de comparaison. Il est mesuré chez les enfants de 12 ans. Au Canada, l’indice CAOD moyen est de 1,02, ce qui est mieux que l’indice moyen pour la majorité des pays à revenu élevé, où la moyenne se situe à 1,60, selon les plus récentes données de 2006.22 Le Canada se classe également favorablement par rapport à d’autres pays à revenu élevé pour ce qui est de la prévalence de maladies des gencives chroniques graves (moins de 10 % de la population de 15 ans et plus) et de l’incidence de cancer de la bouche et des lèvres (de 2,5 à 4,9 pour 100 000 personnes).23

Toutes les données sur la santé buccodentaire des Canadiens ne sont pas aussi positives. Plusieurs études ont révélé que la santé buccodentaire des peuples autochtones était largement moins bonne que celle de la population allochtone. D’autres études ont démontré que les Canadiens à faible revenu sont moins susceptibles de consulter un dentiste.24

Les maladies buccodentaires entraînent des coûts économiques au Canada. Le pourcentage de Canadiens qui n’ont pu vaquer à leurs activités normales à cause de problèmes dentaires est de 39,1 %, et plus de 2 millions de jours d’école sont perdus chaque année pour consulter un dentiste ou prendre congé à cause d’un problème buccodentaire. Selon les estimations, les adultes perdent plus de 4 millions de jours de travail pour consulter un dentiste ou prendre un jour de congé de maladie à cause d’un problème buccodentaire.21 D’autres coûts sont également associés à des visites à l’urgence pour des maladies buccodentaires.

Le Canada dans le monde

D’autres modèles de soins ou de financement dans d’autres pays pourraient suggérer des façons d’atténuer les inégalités dans l’accès aux soins au Canada, même s’il est important de souligner que les programmes dentaires dans d’autres pays ne fonctionnent pas de manière autonome, mais sont plutôt intégrés au système de soins de santé national. L’organisation de systèmes de prestation de soins de santé buccodentaire et la couverture des soins dentaires varient dans les pays à revenu élevé; les obstacles à l’accès aux soins constituent toutefois le dénominateur commun. Plusieurs services dentaires font l’objet d’un partage de coûts important dans la majorité des pays, exigeant des dépenses élevées de la part des patients. Le statut socioéconomique est un déterminant principal pour l’accès aux soins dentaires à l’échelle internationale, mais d’autres facteurs comme la géographie, l’âge et les comorbidités peuvent également limiter l’accès et avoir des répercussions sur les résultats. La majorité des systèmes de santé buccodentaire couvrent principalement les traitements, au détriment des soins de santé buccodentaire préventifs.

Graph of global dental care

Allin S, Farmer J, Quiñonez C, Peckham A, Marchildon G, Panteli D et al. Do health systems cover the mouth? Comparing dental care coverage for older adults in eight jurisdictions. Health Policy. 2020;124(9):998-1007.

Avec un taux d’utilisation annuel de 75 %, le Canada est un chef de file parmi les pays à revenu élevé, même si on le compare à des pays ayant des niveaux élevés de soins dentaires financés par l’État : l’Australie (taux d’utilisation annuel de 48 %), les États-Unis (66 %), le Royaume-Uni (51 %) et la France (64 %). Même si l’utilisation annuelle est relativement élevée au Canada, l’accès aux soins dentaires par les groupes les plus vulnérables de la population reste un enjeu majeur. Vous trouverez ci dessous les principales caractéristiques des systèmes de prestation de soins de santé buccodentaire de sept autres pays, basés sur une vaste gamme de modèles de financement et fortement influencés par l’organisation du système de soins de santé.25, 26, 27, 28, 29

En Suède, il existe des fournisseurs de soins de santé buccodentaire aussi bien publics que privés. Le service de soins dentaires public est exploité par les 21 conseils régionaux ou conseils de comté. Moins de la moitié des dentistes travaillent dans des cliniques privées. La majorité des dentistes travaillent dans des cliniques dentaires publiques ou des centres de santé municipaux axés sur la prestation de soins dentaires pour les enfants et les adolescents. Environ 60 % des patients adultes consultent des fournisseurs de soins dentaires privés, alors que 40 % font appel au service public. Les soins dentaires sont gratuits jusqu’à l’âge de 23 ans et toutes les autres personnes reçoivent une allocation annuelle générale pour les soins dentaires afin d’encourager les examens dentaires réguliers et les soins préventifs. Les personnes atteintes de certaines maladies reçoivent une subvention spéciale pour les soins dentaires. De plus, la majorité des soins dentaires en Suède font l’objet de mesures de protection qui visent à protéger les patients des coûts très élevés des soins dentaires. Même si plus de 60 % de tous les soins dentaires sont payés par des sources de financement privé ou par les patients, seulement 2 % de la population du pays signale des besoins de soins dentaires non comblés. Les soins dentaires ne sont toutefois pas inclus dans le forfait d’avantages sociaux de base, et font l’objet d’une quote-part plus élevée pour les adultes de plus de 24 ans. Un récent rapport du gouvernement a recommandé une réforme majeure du système de soins dentaires en 2026 pour régler les inégalités en matière d’accès.30, 31, 32, 33

L’Allemagne a un système d’assurance-maladie prévu par la loi, principalement fondé sur l’assurance-maladie sociale comme source de financement pour plus de 80 % des soins de santé et la moitié des soins dentaires. Près de 90 % des Allemands sont inscrits à des caisses de secours en cas de maladie sans but lucratif, qui sont tenues de fournir un ensemble de soins de santé prescrits par la loi. L’adhésion à cette assurance sociale est obligatoire, et est basée sur un seuil de revenu pour les personnes qui travaillent. Les primes pour la participation à ces caisses sont partagées entre employés et employeurs. Les caisses de secours en cas de maladie sont des organismes sans but lucratif, et l’adhésion à ces caisses donne aux membres l’accès à un forfait de soins dentaires de base gratuits, alors que les traitements plus complexes nécessitent parfois le paiement d’une quote-part importante par les patients. L’un des problèmes en Allemagne, c’est que les fonds publics diminuent (et sont fusionnés) et que les services ont donc été réduits pour contenir les coûts. Le système entraîne aussi un important fardeau administratif et des retards de traitement; pour certains problèmes, les patients attendent souvent pendant un an avant d’obtenir des soins. Si on tient compte de tous ces facteurs, on peut dire que le filet de sécurité de l’Allemagne a entraîné des coûts excessifs pour le système de santé buccodentaire, et qu’il reste des occasions d’améliorer l’efficacité et l’efficience des soins dentaires en Allemagne.34, 35, 36

Le Japon a un système d’assurance-maladie et dentaire universelle, auquel tous les fournisseurs de soins sont inscrits et dans le cadre duquel ils facturent à l’acte. Les patients paient généralement une quote-part de 30 % pour les soins dentaires. Des exceptions sont possibles pour les personnes qui n’ont pas les moyens d’assumer la quote-part. Les indicateurs de santé buccodentaire varient d’une région à l’autre du Japon, même si des progrès ont été enregistrés en général au cours des dernières décennies. Le Japon a également un système unique et bien conçu pour la prestation de soins de santé buccodentaire à sa population de personnes âgées en croissance rapide, qui intègre les soins médicaux et dentaires dans son approche. 37, 38, 39

Le Royaume-Uni a un service national de soins dentaires public qui finance plus de 40 % des soins, mais il existe également un secteur privé qui finance environ la moitié des soins dentaires. Un récent rapport du gouvernement a révélé des inégalités marquées dans la santé buccodentaire au Royaume-Uni pour les personnes à toutes les étapes de la vie et selon différents indicateurs cliniques, comme la carie dentaire et les mesures connexes de qualité de vie. Les inégalités relatives en matière de prévalence des caries ont augmenté chez les enfants de 5 ans au Royaume-Uni. Il existe également des inégalités dans la disponibilité et le recours aux soins dentaires, quels que soient l’âge, le genre, la région ou le groupe social. De plus, un nombre croissant de dentistes font peu ou pas d’interventions financées par l’État, prétextant des problèmes liés au contrat de services dentaires, et cela a mené à des « déserts dentaires », des régions comptant un nombre très faible de dentistes financés par l’État, en particulier dans les régions rurales et côtières.40, 41

Le Brésil est le seul pays au monde ayant un système de soins de santé universel visant à garantir la prestation de tous les types de soins de santé, gratuitement, à une population de plus de 200 millions d’habitants. Dans le cadre de cette initiative, le Brésil a mis en œuvre une politique nationale de santé buccodentaire en 2004, qui a rendu la prestation de soins de santé buccodentaire universelle. Des études récentes démontrent que même s’il y a eu une réduction du pourcentage de personnes n’ayant jamais consulté un professionnel des soins dentaires, de nombreuses personnes n’ont toujours pas accès aux soins dentaires. La réduction des obstacles financiers n’a pas entraîné à elle seule un accès adéquat aux soins dentaires et des politiques complètes pour régler les déterminants plus vastes des inégalités sont nécessaires.42

Aux États-Unis, un rapport des National Institutes of Health de 2021 a évalué l’état du système de soins de santé buccodentaire américain, les progrès réalisés depuis 2000 et les problèmes restants. Le pourcentage d’Américains ayant consulté un dentiste tous les ans a augmenté entre 2000 et 2018, particulièrement chez les enfants de moins de 18 ans. Le taux de consultations annuelles chez les adultes plus âgés (plus de 65 ans) a augmenté à 66 % en 2018, mais n’a pas changé chez les adultes plus jeunes. Il existe des différences dans l’accès aux soins de santé buccodentaire en fonction de la race et du revenu chez les adultes de plus de 18 ans. L’accès à des soins complets reste l’un des principaux enjeux et un facteur important des inégalités en matière de soins de santé buccodentaire; de nombreux Américains n’ont pas les moyens de payer les montants élevés des franchises et des quotes-parts des programmes d’assurance dentaire privés. La couverture d’assurance publique a augmenté depuis 2000, mais elle demeure limitée pour de nombreuses personnes à faible revenu, issues des minorités et adultes plus âgés.43, 44

En Australie, le gouvernement ne couvre pas les coûts de la majorité des soins dentaires, comme il le fait pour d’autres services de santé. Moins de 20 % des soins dentaires sont financés par l’entremise du gouvernement; 20 % le sont par des assurances privées et plus de 60 % sont payés directement par les patients. L’assurance-maladie paie toutefois certains soins dentaires essentiels pour certains enfants et adultes admissibles. L’objectif est de fournir de l’assurance dentaire aux enfants de 2 à 17 ans, et que l’admissibilité soit fonction du revenu. Les enfants admissibles reçoivent jusqu’à 1 000 $ de soins dentaires de base et préventifs. Les données révèlent que 10 % des personnes qui ont consulté un professionnel des soins dentaires en Australie ont reçu des soins financés par des fonds publics, 33 % de celles qui avaient besoin de consulter un professionnel des soins dentaires ont retardé leur rendez-vous ou n’en ont pas pris, une personne sur sept indiquant qu’elle l’a fait en raison du coût.45