Volume 11 • 2024 • Numéro 1

Il n’y apas de techniqueparticulièreni de liste de vérificationpour adopter une approchede soins tenant compte des traumatismes. Il faut plutôt une attention de tous les instants, de la compassion, de la sensibilité et peut-être un changement dans la culture d’un cabinet. Bien que dans l’idéal le patient serait capable de dire luimême combien certaines situations lui sont difficiles, la victime d’un traumatisme peut ne pas avoir la confiance nécessaire pour verbaliser ses émotions et ainsi éviter les situations pénibles. Ces patients peuvent ne se présenter chez le dentiste que lorsqu’ils ont une douleur insoutenable, tout en étant en proie à une nervosité extrême. Si une consultation chez le dentiste peut devenir un déclencheur, il est important de faire preuve d’empathie à leur égard. Le plus grand défi des dentistes consiste à apprendre à reconnaître que de telles situations peuvent se produire et à y être sensibles. Lorsqu’un déclencheur pousse un patient à vouloir combattre ou fuir, il est important de le reconnaître et d’essayer de créer un espace sûr pour lui. Les dentistes doivent garder en tête que des soins qui tiennent compte des traumatismes n’exigent pas nécessairement que le patient dévoile ce qu’il a subi, s’il ne se sent pas à l’aise de le faire. Les dentistes n’ont pas besoin de connaître tous les menus détails; ils peuvent quand même s’occuper des besoins émotionnels de leur patient; tout est dans la manière. jugera très pénible à vivre ne provoquera pas la même réaction émotionnelle chez une autre. Le traumatisme n’est pas qu’un événement qui s’est produit dans le passé. Il a souvent laissé des traces dans l’esprit, le cerveau et le corps. Des patients ayant vécu des traumatismes psychologiques à divers degrés se présenteront au cabinet. « Nous devons tenir compte des cas de violence émotionnelle, physique et sexuelle quand nous envisageons les traumatismes psychologiques, parce qu’ils touchent souvent le visage et la bouche, explique la Dre Ruth Lanius, professeure de psychiatrie à l’UniversitéWestern, où elle est aussi directrice du programme de recherche clinique sur le trouble de stress post-traumatique. Par exemple, si une personne a reçu des coups au visage ou autour de la bouche, elle pourrait avoir perdu des dents. Ainsi, tout contact avec cette partie du corps pourrait faire resurgir ces souvenirs traumatisants », précise-t-elle. Pour une personne qui a vécu un traumatisme, l’événement traumatisant n’est pas simplement remémoré, il est revécu. C’est l’une des caractéristiques des souvenirs traumatiques. Alors, le fait qu’un dentiste touche la bouche d’un patient ou lui demande de l’ouvrir peut être un déclencheur qui renvoie la personne dans le passé et lui fait revivre l’événement. L’état d’hyperréactivité aiguë ou d’hyporéactivité dans lequel se trouve alors le patient inclut de l’anxiété et des peurs qui le poussent à se refermer, comme s’il était replongé dans la scène du traumatisme. Un dentiste peut remarquer qu’un patient dans son fauteuil est inquiet et anxieux, mais le contraire peut aussi se produire, c’est-à-dire que le patient peut devenir passif. Il peut devenir insensible, soumis et avoir du mal à communiquer avec le dentiste, l’hygiéniste ou l’assistante dentaire. Plus difficiles à détecter, ces cas nécessitent une bonne compréhension de la manière dont une personne revit son ou ses traumatismes. Il n’y a pas de technique particulière ni de liste de vérification pour adopter une approche de soins tenant compte des traumatismes. Il faut plutôt une attention de tous les instants, de la compassion, de la sensibilité et peut-être un changement dans la culture d’un cabinet. « En tant que dentistes, nous connaissons bien l’expression “précautions universelles” en contexte de lutte contre les infections, explique le Dr Clive Friedman, dentiste pédiatrique de London (Ontario) et professeur adjoint de clinique à l’Université Western et à l’Université de Toronto. Nous pourrions appliquer le même principe aux traumatismes et tenir pour acquis que toute personne qui entre dans nos cabinets en montrant des signes d’anxiété a subi une forme ou l’autre de traumatisme dans son monde ou dans sa vie. » 31 Numéro 1 | 2024 | Pratico-pratique

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