Occlusion : l’approche «fondée sur la science»

James P. Lund, BDS, PhD •

© J Can Dent Assoc 2001; 67:84


Le Dr Dale énonce plusieurs choses dans son court article et cite les opinions des personnes avec lesquelles il est d’accord. Il incite les dentistes à acheter un ensemble d’instruments électroniques avec lesquels ils peuvent reconnaître «l’harmonie physiologique» des muscles de l’articulation et des dents, puis corriger toute disharmonie qu’ils découvrent en se servant de ces instruments. Il répète plusieurs des propriétés attribuées par les fabricants et par leurs alliés au cours des dernières décennies du vingtième siècle :

• que l’activité surélevée du muscle «résulte de la nociception due à la malocclusion» et qu’on peut la détecter à l’aide de l’électromyographie en surface (EMG);

• que la cinésiologie mandibulaire informatisée peut servir à localiser la «véritable position de repos de la mandibule»;

• que la stimulation électrique de la peau qui recouvre l’échancrure sigmoïde peut servir à découvrir «la myotrajectoire pour obtenir une position occlusale neuromusculaire paisible».

Il dit que ces méthodes sont «une approche objective, fondée sur la science» mais ne cite aucune étude scientifique pour appuyer ses dires. Il critique aussi le fait que les universitaires n’ont pas adopté ces instruments et nous accuse d’avoir une position qui n’est pas scientifique. Cependant, s’il lisait seulement certains articles que des universitaires comme moi ont écrits, il trouverait que nos objections à l’utilisation de ces méthodes se fondent clairement sur la science et un désir de prévenir tout préjudice pour les patients. Examinez ce qui suit :

• Il y a plusieurs preuves qui découlent d’études bien contrôlées selon lesquelles l’activité de l’EMG n’est pas supérieure à la normale chez les personnes qui éprouvent de la douleur dans le muscle et les articulations masticatoires1,2. Par conséquent, il n’y a pas de raisons pour diminuer les niveaux de l’EMG pour trouver la soi-disant «véritable position de repos de la mandibule».

• Les cinésiographes mandibulaires informatisés ont été trouvés inexacts et très difficiles à calibrer dans un cabinet dentaire3,4.

• Les stimulateurs électriques utilisés dans un cabinet dentaire activent les fibres du muscle masséter superficiel, mais pas le nerf masséter5. La soi-disant «position occlusale neuromusculaire» est en réalité une position occlusale du muscle masséter superficiel.

Les promoteurs de cette instrumentation ne citent jamais les documents qui critiquent cette méthodologie, à l’exception des lettres qu’ils adressent à des personnes comme moi ou aux doyens ou recteurs d’universités et dans lesquelles ils nous ordonnent de ne pas publier nos conclusions. Le Dr Dale emprunte la même approche lorsqu’il laisse à entendre que ceux qui ne se convertissent pas seront traînés devant les tribunaux. Cependant, si la preuve scientifique en faveur et à l’encontre des idées qu’il a acquises devait être mise dans la balance de la justice, il serait surpris de la hauteur qu’atteindrait son plateau de pesée.


Le Dr Lund est doyen de la Faculté de médecine dentaire de l’Université McGill et professeur adjoint aux Départements de physiologie des Facultés de médecine de McGill et de l’Université de Montréal.

Les vues exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques officielles de l’Association dentaire canadienne.


Références

1. Sherman RA. Relationships between jaw pain and jaw muscle contraction level: underlying factors and treatment effectiveness. J Prosthetic Dent 1985; 54(1):114-8.

2. Stohler CS, Zhang X, Lund JP. The effect of experimental jaw muscle pain on postural muscle activity. Pain 1996; 66:215-21.

3. Balkhi KM, Tallents RH, Goldin B, Catalina JA. Error analysis of a magnetic jaw tracking device. J Craniomand Disord 1991; 5(1):51-6.

4. Tsolka P, Woelfel JB, Man WK, Preiskel HW. A laboratory assessment of recording reliability and analysis of the K6 diagnostic system. J Craniomand Disord 1992; 6:273-80.

5. Dao TT, Feine JS, Lund JP. Can electrical stimulation be used to establish a physiologic occlusal position? J Prosthet Dent 1988; 60(4):509-14.