Le jumelage des dents — Survol de la méthodologie et études de cas cliniques

Izchak Barzilay, DDS, Cert. Prostho., MS •

Sommaire

Même si ce procédé complique l’hygiène buccale, la pose d’un jumelage permet aux dents avoisinantes de soutenir les dents affaiblies. Le présent article décrit et illustre plusieurs méthodes pour la pose, tant extra-coronaire qu’intra-coronaire, d’un jumelage, ainsi que les matériaux couramment utilisés à cette fin. Les situations dans lesquelles la pose d’un jumelage est indiquée sont illustrées par deux études de cas.

Mots clés MeSH : dental bonding; periodontal splints; tooth mobility/therapy

© J Can Dent Assoc 2000; 66:440-3
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.


 

La pose d’un jumelage permet aux dents avoisinantes de soutenir les dents affaiblies. Il peut améliorer le confort du patient lors de la mastication lorsqu’il est effectué pour raccorder des dents dont le parodonte est affecté. Le raccord de plusieurs dents améliore aussi le soutien lorsque les dents servent de piliers à une prothèse partielle avec attaches de précision. Ce procédé complique toutefois l’hygiène buccale. Par conséquent, il faut s’attarder à renseigner le patient sur des mesures d’hygiène buccale plus approfondies après la pose de la prothèse si l’on veut préserver la longévité des dents raccordées.

Il existe plusieurs méthodes de pose d’un jumelage tant extra-coronaire qu’intra-coronaire.

Jumelage extra-coronaire

La méthode la plus simple consiste à raccorder les dents entre elles par la liaison classique de l’émail mordancé, habituellement à l’aide d’une solution à 37 % d’acide phosphorique. La résine composite peut alors se lier à la surface mordancée et être utilisée pour effectuer une liaison rigide des dents. Le jumelage en résine composite peut être renforcé par l’ajout de fibres ou d’un tissu fibreux (p. ex., Ribbond, Ribbond Inc., Seattle, WA).

Les jumelages extra-coronaires liés à la résine, que l’on peut fabriquer au laboratoire dentaire, servent à renforcer tout l’ensemble. Les jumelages sont habituellement faits de métaux fondus, normalement des alliages non nobles, qui peuvent être mordancés par électrolyse ou par des produits chimiques (Ill. 1). Les dernières innovations dans le domaine de ces matériaux permettent de traiter les jumelages au jet abrasif puis de les coller en place à l’aide d’une résine adhésive comme Metabond C&B (Parkell Inc., Farmingdale, NY), Panavia (J. Morita USA Inc., Irvine, CA) ou All Bond (Bisco Inc., Schaumburg, IL). Ce type de jumelage possède une force intrinsèque plus grande que les jumelages en résine composite créés à l’intérieur de la cavité buccale. Des caractéristiques supplémentaires, comme des rainures, des tenons et des préparations parallèles, accentuent la capacité de rétention de ces jumelages.

De nouvelles résines composites polymérisées en laboratoire comme DiamondCrown (Biodent Inc., Mont-Saint-Hilaire, QC) auraient une force de traction et une force d’adhérence améliorées. On peut envisager l’utilisation de ces matériaux pour les applications extra-coronaires (Ill. 2,3,4). Il n’existe aucune donnée clinique à longue échéance sur ces produits, mais ceux-ci semblent prometteurs pour le moment.

Jumelage intra-coronaire

Il existe aussi des jumelages intra-coronaires. On peut placer des restaurations en résine composite sur les dents adjacentes et les polymériser afin de combler toute séparation interproximale. Ces restaurations peuvent être renforcées davantage par des fils métalliques, des fibres de verre ou des tenons (Ill. 5). Si la restauration de la bouche comprend des couronnes, celles-ci peuvent être rattachées l’une à l’autre par des joints à brasure ou des attaches de précision. Les attaches facilitent la préparation des piliers non parallèles tout en donnant un effet de jumelage.

Études de cas

Le présent article comprend deux études de cas dans lesquelles la pose d’un jumelage s’est avérée nécessaire après la mise en place de couronnes.

Cas no 1

Une femme de 60 ans a été impliquée dans un accident de la circulation. La reconstruction prothétique pratiquée a consisté en un placement de couronnes sur la plupart des dents restantes et en une augmentation du support dans la région antérieure de la bouche par l’osséointégration d’implants. Environ un an après la pose des implants, on a observé une ouverture de la région de contact entre la première et la deuxième molaires supérieures gauches. Des aliments restaient coincés dans cette ouverture, et une inflammation est apparue. Pour remédier à la situation, on a remplacé la couronne de la deuxième molaire par une nouvelle couronne avec contact mésial. Environ un an plus tard, on a observé de nouveau une ouverture du point de contact. L’occlusion a été jugée adéquate, et on a donc essayé de poser un appareil pour raccorder les deux dents et fermer l’ouverture.

Les couronnes des dents 26 et 27 étaient céramo-métalliques; le jumelage devait donc comprendre la liaison au métal et à la porcelaine. Des incrustations adjacentes et avec queue d’aronde ont été préparées (MO dans la dent 27 et DO dans la dent 26). Une empreinte en polyéther a été faite (Impregum, ESPE America Inc., Norristown, PA), et un moule en époxy a été coulé. Une incrustation basée sur ce moule a été cirée pour s’étendre de la dent 26 à la dent 27, en travers de la région interproximale. Le modèle en cire a été investi et coulé à l’aide d’un alliage nickel–chrome–béryllium (Pisces, Ivoclar/Williams USA, Amherst, NY) (Ill. 6). L’incrustation a été traitée au jet abrasif (micro-mordancé) avec de l’oxyde d’aluminium 25 µm puis mordancée par thermochimie (Assure-etch, Ivoclar/Williams USA, Amherst, NY) en vue de la cimentation.

La cimentation consiste d’abord à traiter les couronnes pour en faciliter le collage. Après isolation à l’aide d’une digue, la cavité devant recevoir l’incrustation a été traitée à la fois au jet abrasif sur la face métallique exposée et mordancée (avec une solution d’acide fluorhydrique à 10 % pendant 5 minutes) sur la surface de porcelaine préparée. La surface de porcelaine mordancée a ensuite été apprêtée au Etch Free (Parkell Inc., Farmingdale, NY), et l’incrustation a été ajustée pour l’occlusion et polie (Ill. 7 et 8).

La patiente a été examinée chaque année pendant les quatre dernières années, et l’on n’a observé aucun changement dans la région de contact. La solidité de restauration par incrustation a été vérifiée, et on n’observe aucun signe de détérioration du matériau ni du lien avec les restaurations existantes.

Cas no 2

Une femme de 50 ans vient se faire restaurer sa deuxième molaire mandibulaire gauche. Le traitement consiste en la pose d’une couronne entièrement métallique. Après 2 ans, le contact mésial de la restauration s’est ouvert, ce qui permit aux particules de nourriture de se loger entre les dents et laissa croire à un déplacement distal de la deuxième molaire. Une démarche conservatrice s’imposait, car la restauration de la deuxième molaire était relativement nouvelle, et la couronne de la première molaire (céramo-métallique) était bien faite et ne présentait aucune défaillance clinique. On a décidé de raccorder les deux restaurations existantes par une restauration coulée en travers de l’espace de contact. Cette méthode devait permettre de refermer efficacement l’espace de contact et empêcher l’accumulation de particules de nourriture.

On a préparé une restauration en «double queue d’aronde» sur la face disto-occlusale de la dent 36 et la face mésio-occlusale de la dent 37. On a préparé une empreinte en polyéther et fabriqué un moule en époxy. On a créé un modèle en cire que l’on a coulé dans un alliage non noble. On a laissé une petite poignée à la restauration coulée afin d’en faciliter la manipulation (Ill. 9). Après avoir vérifié l’ajustement de la restauration, on l’a traité au jet abrasif puis mordancé par thermochimie. On a appliqué une digue puis traité les restaurations intra-buccales selon leur composition matérielle. La préparation de la couronne en or (dent 37) s’est faite au jet abrasif et celle de la couronne céramo-métallique (dent 36), à l’acide fluorhydrique (10 %) pendant 5 minutes puis avec un agent de couplage au silane (Ill. 10). La restauration a ensuite été fixée à la colle Metabond C&B. Une fois la colle polymérisée, la poignée a été coupée, l’occlusion ajustée et la restauration polie. L’espace de contact est scellé efficacement depuis les trois dernières années (Ill. 11).

Discussion

Les jumelages sont habituellement utilisés pour raccorder les dents dans le but d’en améliorer le soutien. On peut aussi y recourir pour refermer des espaces de contact ouverts ou qui ne peuvent demeurer fermés. Si les dents adjacentes à l’espace de contact n’ont jamais subi de restauration, on peut refermer un espace de contact par une simple liaison sur émail. Dans le cas des dents avec restaurations intra-coronaires, on peut enlever les restaurations et les remplacer par de nouvelles qui seront raccordées en travers de l’espace de contact. Les dents avec couronnes peuvent aussi être raccordées au moyen de préparations restauratrices en travers de l’espace de contact; en pareil cas, la restauration est fabriquée en laboratoire avant sa mise en bouche. Le succès de cette méthode repose sur la capacité de liaison avec la restauration existante. Les colles et les traitements de surface actuellement offerts permettent la liaison intra-buccale. L’usage intra-buccal du jet abrasif (micro-mordançage) permet de rendre rugueuses et de nettoyer les surfaces métalliques. Le mordançage de la porcelaine à l’acide fluorhy drique rend aussi la surface rugueuse et propre. L’application d’un agent de couplage au silane, d’un agent de liaison à la porcelaine, puis l’utilisation d’une résine adhésive permettent de sceller et de maintenir en place la restauration complète.

Dans le premier cas, on a utilisé Etch Free au lieu de l’agent de couplage au silane pour faciliter l’adhérence à la porcelaine. Etch Free est un matériau semblable au silane qui ne nécessite pas le mordançage de la porcelaine pour qu’il y ait adhérence; il est conçu pour être utilisé avec la colle Metabond C&B. Selon l’auteur, le mordançage aurait pour effet d’étendre la surface et d’accroître la force d’adhérence. Dans le deuxième cas, on a utilisé un agent de couplage au silane traditionnel avec la colle.

La colle Metabond C&B adhère à plusieurs surfaces métalliques ainsi qu’à la porcelaine mordancée et apprêtée. Sa polymérisation s’effectue dans un milieu aérobie, et elle durcit en 10 mi nutes environ. Ce temps de durcissement plutôt long peut être un inconvénient, mais ce produit a été mis en marché en Amérique du Nord depuis plus de dix ans, et son efficacité a été démontrée dans une vaste gamme d’applications cliniques. On a utilisé un alliage non noble pour la force de son adhérence à la colle Metabond C&B et pour sa force accrue dans les sections minces.

Les cas décrits ci-dessus illustrent l’application des méthodes de liaison aux restaurations existantes. Il faut porter une attention particulière aux différents matériaux à coller pour bien choisir les méthodes et les agents garants d’une intervention réussie.


Le Dr Barzilay est directeur de la division de prosthodontie et de dentisterie restauratrice de l’Hôpital Mount Sinai de Toronto (Ontario), et professeur adjoint à l’Université de Toronto. Il exerce aussi dans un cabinet privé, spécialisé en prosthodontie et en implantologie à Toronto.

Écrire au : Dr Izchak Barzilay, 905-2300, rue Yonge, C.P. 2334, Toronto, ON M4P 1E4. Courriel : ibarzilay@tdc.on.ca.  

L’auteur n’a aucun intérêt financier déclaré.