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Un bref aperçu de la céramique dentaire 

Derek W. Jones, PhD, FIM, C.Chem. FRSC(UK), FBSE

QUESTION DU PRATICIEN 

Les représentants des laboratoires me demandent toujours d’essayer leurs nouveaux produits. Je n’ai pas suivi de cours sur les matériaux utilisés en dentisterie depuis quelque temps et je suis un peu rouillé. Pouvez me dire ce qui distingue les différents types de porcelaines offertes pour la restauration des couronnes?

© J Can Dent Assoc 1998; 64:648-50

[ Réponse du Dr Jones | Certaines propriétés de la céramique | Premiers développements | Développements récents | Glossaire | Acknowledgements

Réponse du Dr Jones

C’est là une question très importante, car un bon nombre d’innovations fort intéressantes ont vu le jour au cours des dernières années dans le domaine de la céramique dentaire.

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Some Properties Of Ceramics

La céramique est utilisée en dentisterie depuis plus de 200 ans. Elle constitue le produit pour restauration dentaire le plus biocompatible en raison de sa très grande stabilité moléculaire. Les plus anciens artéfacts témoignant de l’activité humaine sont des fragments de poteries en céramique qui ne se sont pas dégradés avec le temps, ce qui illustre bien la grande stabilité de ce matériau.

L’apparence de la céramique peut en outre être modifiée afin d’imiter la teinte, la translucidité et la fluorescence des dents naturelles. La faible ténacité (aptitude à résister aux microfissures) des produits de céramique utilisés pour la restauration dentaire et le fait que la rupture se produit sous une déformation très faible d’environ 0,1 %, posent un problème de taille dans l’utilisation de ces produits. En d’autres termes, la structure moléculaire de la céramique offre très peu de flexibilité avant la rupture. Les céramiques posent aussi un autre problème car lorsque leur structure est formée par la condensation et le frittage de fines particules de porcelaine, la fusion s’accompagne d’un retrait de cuisson relativement important.

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Premiers développements

Les premiers produits de restauration utilisés avec succès étaient faits de porcelaine feldspathique traditionnelle dérivée du feldspath minéral naturel. Cette porcelaine feldspathique servait à la fabrication de couronnes jackets entièrement en céramique très esthétiques. La porcelaine feldspathique utilisée en dentisterie est essentiellement constituée de verre dont la structure moléculaire est amorphe (non cristalline). Le verre est principalement constitué d’une structure réticulaire tridimensionnelle de silice (silicium oxygéné) dans laquelle chaque atome de silicium se lie à quatre atomes d’oxygène pour former un tétraèdre. Ces tétraèdres se lient entre eux en partageant des liaisons avec des atomes d’oxygène et forment une structure tridimensionnelle continue. On peut aussi incorporer de très petites quantités d’autres oxydes (comme l’aluminium) comme substituts pour la formation réticulaire.

L’incorporation d’oxydes de métaux alcalins (ex. : potassium, sodium et calcium) dans le verre de silice a pour effet de perturber la structure tridimensionnelle formée par les liaisons chimiques de l’oxygène et de la silice. La perturbation des liaisons chimiques de l’oxygène et du silicium par les ions des métaux alcalins (l’oxygène ne forme plus de ponts) dégrade dans une certaine mesure la structure réticulaire tridimensionnelle, ce qui a pour effet d’abaisser la température de fusion et de donner plus de malléabilité au moment de la cuisson. Alors que la température de fusion du verre de silice pur (100 %) est d’environ 1700°C, l’incorporation d’ions alcalins perturbe les liaisons chimiques entre le silicium et l’oxygène et donne une structure réticulaire plus ouverte. Les réticulations de cette structure plus ouverte sont moins nombreuses, ce qui a pour effet d’abaisser la température de fusion et de diminuer la dureté et l’inertie chimique du matériau. La température de fusion, la dureté et l’inertie chimique dépendent donc de la quantité d’alcalis (oxygène ne formant pas de ponts) dans le verre.

Les produits céramo-métalliques ont fait leur apparition dans les années 1950. En 1962, ces produits ont été améliorés de façon appréciable lorsque l’on a ajouté une forte proportion de cristaux leucitiques à la préparation de porcelaine feldspathique en guise de couche de base sur l’alliage d’or. Les cristaux leucitiques servent à accroître le degré d’expansion thermique de la porcelaine à un niveau semblable à celui du support métallique. La leucite aide à prévenir les contraintes attribuables aux différences entre les coefficients de dilatation thermique des matériaux qui pourraient diminuer la résistance de l’ensemble. La résistance des métaux est de 10 à 100 fois supérieure à celle des céramiques; un support métallique permet donc de créer une restauration dentaire très résistante.

L’incorporation de traces d’étain ou de fer à l’alliage d’or était nécessaire pour permettre la formation des oxydes superficiels requis pour le bon mouillage par la porcelaine et à la liaison subséquente à la surface de l’alliage.

On a ensuite eu recours aux alliages de métaux communs pour concurrencer les alliages d’or. Leur utilisation nécessite une technique plus complexe, mais ils sont maintenant bien établis sur le marché. Une couche de céramique opaque, comme celle de verre à l’oxyde de titane, doit être appliquée comme couche de base afin de masquer la teinte métallique des appareils céramo-métalliques.

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Développements récents

Même si les appareils céramo-métalliques sont très résistants, l’opacité des infrastructures métalliques a encouragé l’élaboration de matériaux tout céramique contenant des composantes cristallines plus résistantes que la porcelaine feldspathique traditionnelle (principalement porcelaine vitreuse amorphe). On peut ensuite appliquer une couche de matière céramique translucide sur ce type de matériau de base. La couche de base des appareils de restauration In-Ceram est beaucoup plus résistante que celle des autres appareils à base tout céramique.

On utilise les appareils tout céramiques (voir tableau I) pour la production de couronnes et d’incrustations. Il est important de noter que tous les produits en céramique énumérés ci-dessus se rompent sous la même contrainte critique (c.-à-d. avec le même degré de flexibilité avant la rupture) d’environ 0,1 %. La seule façon d’améliorer la résistance de ces produits en céramique est de les rendre plus rigides — d’accroître leur module d’élasticité. C’est pourquoi le module d’élasticité beaucoup plus élevé du matériau de base In-Ceram donne une céramique beaucoup plus résistante. La phase de renforcement des premiers produits avec base en alumine In-Ceram était en alumine; en fait, ils sont beaucoup plus résistants que les produits In-Ceram (spinelle) plus récents contenant des spinelles plus translucides.

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 Tableau I
 Les appareils tout céramiques pour la production de couronnes et d’incrustations.
Type Description Procédé Exemples
Porcelaine avec base en aluminium Renforcement par diffusion de particules d'alumine cristalline à haut module d'élasticité dans une matrice vitreuse Condensation de la porcelaine, frittage et application d'une porcelaine feldspathique plus translucide Vitadur et Hi-Ceram
Porcelaine renforcée de leucite Renforcement par diffusion de particules de leucite cristalline dans une matrice vitreuse Moulage par pression de la porcelaine, frittage et application d'une porcelaine feldspathique translucide IPS Empress et Optec
Alumine avec inclusion vitreuse Alumine cristalline très dense dans une matrice vitreuse Barbotine pour coulage dans un moule poreux, frittage, inclusion de verre à faible viscosité et couverture avec une porcelaine feldspathique plus translucide Alumine In-Ceram
Spinelle avec inclusion vitreuse Spinelle cristallin très dense dans une matrice vitreuse Barbotine pour coulage dans un moule poreux, sintérisation, inclusion de verre à faible viscosité et placage avec une fritte feldspathique plus translucide Spinelle In-Ceram
Verre coulable Verre pouvant être cristallisé par un traitement thermique Moulage à la cire perdue suivi d'un traitement thermique visant à précipiter une phase cristalline Dicor
CFAO de vitrocéramique Vitrocéramique facile à usiner Rodage (surtout des incrustations) assisté par ordinateur Dicor, MGC et Vitabloc

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Glossaire

Alumine : Oxydes d’aluminium cristallins très résistants.

CFAO : Conception et fabrication assistées par ordinateur. En dentisterie, on peut transmettre les données de la cartographie au laser d’une préparation pour obturation de carie au microprocesseur d’une fraiseuse assistée par ordinateur.

Renforcement par diffusion : Mécanisme par lequel une phase cristalline très résistante et de haut module d’élasticité se disperse dans une matrice vitreuse amorphe afin d’obtenir un produit très résistant.

Feldspath : Groupe de minéraux cristallins à base d’aluminium, de silicium et d’oxygène combinés à de plus petites quantités de sodium, de potassium et de calcium. Les alcalis permettent de contrôler la température de ramollissement du feldspath qui diminue en présence de sodium mais qui augmente en présence du potassium.

Vitrocéramique : Composition de verre amorphe qui, si elle est cuite dans les limites d’un écart de température spécifique, peut être convertie par précipitation en une structure poly-cristalline très résistante.

Opacifiant : Oxyde de teinte blanche ou crème pâle utilisé pour réduire la translucidité et servir de substance masquante; il s’agit souvent d’oxyde d’étain ou d’anhydride titanique.

Frittage : Procédé de fusion par contact à pointe entraînant, par cuisson ou par cuisson et pression à froid, l’agglomération par un écoulement visqueux des particules d’une céramique ou d’une poudre de verre.

Barbotine pour coulage : Dispersion de fines particules de céramique dans un liquide aqueux que l’on verse dans un moule permettant l’extraction rapide du liquide et la formation de structures de particules de céramique fragiles mais denses.

Spinelles : Groupe de composés présentant des structures cristallines spécifiques. Les composés de magnésium et d’aluminate sont les spinelles qui suscitent depuis peu l’intérêt en dentisterie.

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Acknowledgements

Le Dr Jones est professeur de biomatériaux à l’Université Dalhousie, à Halifax (Nouvelle-Écosse).

L'auteur n'a aucun intérêt financier déclaré dans la ou les sociétés qui fabriquent les produits mentionnés dans cet article.

Note de la rédaction: Nous invitons les lecteurs à nous faire parvenir des questions au sujet des problèmes d’ordre clinique qu’ils peuvent avoir en exerçant. Nous soumettrons ces questions à des experts canadiens reconnus. Vous pouvez nous faire parvenir vos questions par courrier électronique, par télécopieur ou par courrier ordinaire. Au plaisir de vous lire!

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