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Biomatériaux
composites dentaires
Derek W. Jones, PhD, FIM, C.Chem., FRSC(UK), FBSE
QUESTION DU PRATICIEN
Je reçois sans cesse des fournisseurs qui insistent pour me montrer tous les
composites qui existent sur le marché. J'aimerais avoir une description des types ou
marques de composites les plus populaires et de leurs utilisations.
© J Can Dent Assoc 1998; 64:732-4
[Introduction | Caractéristiques physiques | Types de composites | Radio-opacité | Composites
pour restaurations postérieures | Inquiétudes au sujet des matériaux
composites | Utilisation des matériaux composites]
Réponse du Dr Jones
Introduction
La prolifération des matériaux composites sur le marché a jeté la confusion dans
l'esprit des dentistes praticiens. Cependant, malgré le nombre élevé de composites
dentaires qui ont fait leur apparition sur le marché au cours des 15 dernières années,
tous ces produits ont en commun des caractéristiques simples. En effet, tous sont des
combinaisons de particules inorganiques recouvertes de silane et de résine
diméthalcrylique (soit le BISGMA, soit le diméthacrylate d'uréthane [UDEMA]). Dans
certains cas, un monomère de plus faible masse moléculaire, comme le TEGDMA, est ajouté
pour abaisser la viscosité. Le matériau d'obturation est fait de particules de verre de
silicate de baryum, de quartz ou de silicate de zirconium, habituellement combinées avec
une proportion de 5 à 10 %, en poids, de très petites particules (0,04 µm) de silice
colloïdale. Les composites dentaires modernes sont donc un mélange de particules de
verre ou de céramique, dispersées dans une résine matrice organique de synthèse,
photopolymérisable. Les matériaux du polymère sont mélangés avec un matériau
inorganique finement morcelé, comme le verre d'alumino-silicate de baryum ou d'autres
mélanges de verre contenant une quantité suffisante d'oxyde radio-opaque, de manière à
obtenir un verre opaque aux rayons X.
Un grand nombre de praticiens dentaires s'interrogent sur la signification exacte des
termes suivants : traditionnel, classique, polyvalent, universel, antérieur, postérieur,
petite particule, particule fine, hybride, matériau à micro-particules, compomère,
fluidifiable et compactable. Les qualificatifs «traditionnel» et «classique» font
référence aux matériaux qui ont été mis au point durant les années 70 et qui ont
tendance à être moins utilisés de nos jours, malgré les modifications qui y ont été
apportées au fil des ans. Pour leur part, les termes «polyvalent», «universel»,
«antérieur» et «postérieur», qui font référence aux usages des composites, posent
moins de problèmes pour le dentiste.
Caractéristiques physiques
Il arrive souvent que la taille moyenne des particules soit indiquée pour
caractériser le type de matériau. Malheureusement, cette information peut également
être trompeuse, car la taille moyenne des particules ne renseigne d'aucune façon sur la
plage granulométrique des particules incorporées. Il faut préciser toutefois que, même
si la plage granulométrique était indiquée, ceci ne renseignerait pas pour autant sur
la distribution des particules, à l'intérieur de cette plage.
Une autre caractéristique importante est la superficie des particules du matériau.
Plus la taille de la particule est petite, plus la superficie est grande. A titre
d'exemple, un cube mesurant 2 µm sur 2 µm aurait une superficie de 24 µm2.
En coupant le cube en deux, la superficie augmenterait alors de 8µm2 , pour
atteindre 32 µm2. La superficie des particules est habituellement exprimée en
mètres carrés par gramme (m2/g). La superficie de la silice sublimée de
taille submicronique, qui est incorporée en faibles quantités dans la plupart des
composites, est très élevée et atteint environ 130 m2/g. La superficie des
particules qui entrent dans la fabrication d'un certain nombre de composites offerts dans
le commerce varie entre 4,4 et 65,6 m2/g.
Pour obtenir une charge plus élevée, il faut utiliser des particules à large
composition granulométrique. Dans la plupart des cas, c'est le pourcentage massique du
matériau de remplissage qui est indiqué; malheureusement, une telle mesure n'est pas
aussi utile qu'un pourcentage volumique, puisque c'est le volume de la résine matrice
exposée à l'abrasion, ainsi que le volume de la résine matrice qui doit polymériser,
qui sont importants. Il est évident qu'à poids égal un matériau plus dense occupera un
volume plus petit. Prenons l'exemple suivant : pour une même charge par poids, si le
matériau «A» avait une densité de 2 g/cc et que le matériau «B» avait une densité
de 3 g/cc, alors le matériau moins dense «A» occuperait un volume presque 50 %
supérieur au matériau «B». Comme on peut le constater, le fait d'exprimer la charge de
particules en pourcentage massique peut être trompeur. Par contre, le contenu par volume
caractérise assez bien les matériaux composites.
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Types de composites
Un certain nombre de matériaux composites sont dits polyvalents ou universels, ce qui
laisse croire qu'ils pourraient aussi bien servir à des restaurations antérieures que
postérieures. Cependant, certains ne conviennent qu'aux petites restaurations
postérieures. La confusion augmente lorsque certains de ces mêmes matériaux sont
également décrits comme des composites hybrides, par exemple les produits Charisma,
Herculite XRV, Prodigy, Tetric, TPH (Total Performance Hybrid) et Z-100. D'autres
matériaux sont décrits comme étant des composites pour restaurations postérieures;
c'est le cas notamment des produits Adaptic II, Clearfil, Heliomolar RO, Marathon,
Occlusin, P-50 et Post Com II. Enfin, parmi les matériaux composites pour restaurations
antérieures, mentionnons Silux Plus et Durafill.
Le composite à micro-particules a été mis au point pour répondre au besoin d'avoir
un composite polissable. Ces matériaux sont faits de très fines particules (0,04 µm) de
silice colloïdale ou sublimée, mises en dispersion dans une résine matrice. Cependant,
la très grande superficie de la silice sublimée (130 m2/g) limite de façon
significative le volume de matériau d'obturation qui peut être incorporé. Les
fabricants ont tenté de résoudre ce problème en dispersant le matériau dans une
résine polymérisée à chaud, puis pulvérisée pour obtenir des particules d'environ 25
µm. Ces particules composites de charge élevée sont ensuite dispersées dans une
résine matrice moins dense et de viscosité relativement faible. Ces résines de
micro-particules ont une charge inférieure à celle des matériaux hybrides, polyvalents
ou universels.
Comme leur volume de résine est plus élevé, les composites de micro-particules ont
des propriétés mécaniques moindres. Certains de ces composites affichent malgré tout
une résistance à l'usure qui est comparable à celle des composites résistants plus
denses. Parmi les matériaux à micro-particules figurent Denta-colour, Durafill,
Heliomolar RO et Silux Plus. On ne comprend pas encore parfaitement le mécanisme d'usure
des composites, mais on sait que la dégradation de ces matériaux est liée à celle qui
résulte de l'hydrolyse et des phénomènes mécaniques et enzymatiques.
Le terme compomère, qui est né de la combinaison des mots COMPosite et ionOMERE, a
été introduit il y a quelques années pour définir l'association du composite et du
verre ionomère. Bien que ces matériaux contiennent un verre de fluorure réactif et une
composante acide insaturée, ils sont anhydres. Aucune réaction acido-basique ne se
produit durant la prise initiale de ces matériaux, laquelle se compare donc à la prise
initiale obtenue avec les composites photopolymérisables réguliers. Toute réaction
entre le verre à ions lixiviables et le monomère acide ne peut se produire que lorsque
le compomère absorbe de l'eau. Ces matériaux ont des coefficients de résistance
supérieurs aux matériaux en verre ionomère classiques, mais inférieurs à ceux des
matériaux composites hybrides, polyvalents ou universels. Compoglass et Dyract sont deux
exemples de compomères.
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Radio-opacité
Une des exigences liées à l'utilisation d'un composite pour les restaurations
postérieures est que celui-ci soit radio-opaque. Selon l'Organisation internationale de
normalisation (ISO), un matériau peut être qualifié de radio-opaque s'il a une
radio-opacité équivalente à 1 mm d'aluminium, ce qui est à peu près l'équivalent de
la dentine. Certains ont proposé que la radio-opacité soit augmentée à un équivalent
de 2 mm d'aluminium, soit l'équivalent environ de l'émail des dents. Une majorité des
composites qualifiés d'universels ou de polyvalents a un niveau de radio-opacité
supérieur à 2 mm d'aluminium.
Composites pour restaurations postérieures
Bien que la qualité des matériaux composites se soit considérablement améliorée au
cours des dernières années, il n'est généralement pas recommandé d'utiliser ces
produits couramment pour les restaurations postérieures. Les essais cliniques ont
révélé un taux d'usure typique de 7 à 12 µm par année, pour les matériaux
composites modernes (polyvalents ou universels) pour restaurations postérieures.
Cependant, les essais cliniques décrits dans la documentation ont été réalisés par
des chercheurs dans des conditions contrôlées et ne reproduisent pas nécessairement les
résultats obtenus dans un cabinet dentaire achalandé. L'usure occlusale se produit là
où il y a contact occlusal et peut causer une supra-éruption de la dent opposée.
L'analyse des données recueillies sur deux ans sur l'usure clinique révèle une forte
corrélation avec la résistance à la flexion _ les matériaux plus résistants affichant
l'usure la plus faible. Les essais in vitro indiquent que les matériaux composites qui
causent l'usure la plus grande de l'émail de la dent opposée sont aussi ceux qui
subissent eux-mêmes les plus grandes pertes par abrasion. Il a également été
démontré que l'amalgame dentaire est le produit qui cause le moins d'usure de l'émail
et qu'il y résiste mieux que tout autre composite.
La mise en place de composites en position postérieure est considérée comme une
intervention difficile, en raison de la difficulté à obtenir des contacts proximaux
idéaux. La protection de la pulpe dentaire est essentielle. De plus, la restauration doit
obligatoirement se faire de façon progressive; le matériau doit ainsi être mis en place
en plusieurs couches, pour réduire au minimum la contraction de polymérisation qui se
produit durant la photopolymérisation. Cette contraction _ qui est de l'ordre de 1,5 à
2,5 % par volume _ est inévitable. L'occlusion doit être ajustée avec soin. Il est
extrêmement difficile de polir les composites dans les parties proximales de la gencive.
Par ailleurs, les matériaux composites sont sensibles à la technique utilisée et
exigent environ deux fois plus de temps à mettre en place que l'amalgame.
La polymérisation des matériaux composites est incomplète, et de 40 à 60 % des
liaisons carbonées restent non saturées. L'inhibition par oxygène nuit à la
polymérisation _ un problème qui a toutefois été quelque peu atténué par la mise au
point des systèmes de photopolymérisation _ lesquels réduisent les risques
d'incorporation d'oxygène durant le malaxage des matériaux chimiques de durcissement. La
plupart des résines composites de restauration sont aujourd'hui obtenues par
photopolymérisation. Enfin, le modulus d'élasticité des matériaux composites plus
rigides indiqués pour les restaurations postérieures équivaut environ à la moitié de
celui de l'émail des dents et des autres matériaux de restauration, comme l'amalgame
dentaire et la porcelaine dentaire.
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Inquiétudes au sujet des matériaux composites
On n'a sans doute pas encore réussi à profiter pleinement des propriétés du verre
et des biomatériaux composites faits de verre, de céramique et de résine, car les
matériaux composites actuels sont incapables de résister complètement à l'agressivité
de la cavité buccale. Les matériaux composites ont été critiqués, par ceux qui leur
préfèrent l'amalgame dentaire, en raison de leur résistance insuffisante, de leur
faible élasticité, de leur ductilité insuffisante et de leur faible résistance à
l'usure. En outre, contrairement aux amalgames, les composites exigent l'utilisation d'une
technique où il y a un contrôle très rigoureux de l'humidité. On sait par ailleurs que
la polymérisation des matériaux composites est incomplète. Certains produits de
dégradation des polymères, comme le bisphénol A (une substance à action oestrogène),
TEGDMA, le formaldéhyde, l'acide méthacrylique et l'acide benzoïque, ont été obtenus
par élution des résines dentaires. Il a également été démontré que les particules
génèrent des produits de dégradation comme le silicium, le bore et l'aluminium. La
plupart de ces critiques ne constituent toutefois pas des préoccupations majeures.
Les principaux problèmes associés à l'utilisation des matériaux composites pour
restaurations postérieures sont les suivants : faible résistance à l'usure, faible
modulus d'élasticité, polymérisation incomplète et contraction de polymérisation qui
nuit à la durée du produit à long terme.
Le modulus d'élasticité des composites dentaires est considéré comme une
propriété fondamentale importante, car un matériau à faible modulus se déformera plus
facilement sous l'action des pressions fonctionnelles. Or une déformation élastique
excessive, provoquée par la pression fonctionnelle, peut causer une fracture de l'émail
friable autour ou accroître les défauts microscopiques d'étanchéité. Une restauration
à l'aide d'un composite à modulus d'élasticité plus élevé procurera un soutien au
niveau de l'interface avec l'émail et protégera ainsi les bâtonnets d'émail contre les
fractures
L'utilisation de composites à base de polymères, de verre ou de céramique pour les
restaurations postérieures, lesquels sont soumis à des pressions beaucoup plus grandes
que les matériaux pour restaurations antérieures, laisse croire que l'utilisation de
matériaux à modulus d'élasticité plus élevé peut réduire au minimum les risques de
fracture de la cuspide. Pour accroître le modulus d'élasticité et réduire la
contraction de polymérisation, on utilise une charge plus forte combinée à un agent de
couplage acceptable à long terme (silane) entre la charge et la résine matrice. Les
principaux avantages des matériaux composites se situent au plan de l'esthétique ainsi
que dans l'utilisation d'adhésifs qui peuvent lier le composite à l'émail et à la
dentine.
Il est extrêmement important de choisir avec soin la situation clinique où l'on
optera pour une restauration postérieure par matériau composite. En effet, un grand
nombre de facteurs peuvent influer sur l'usure à long terme des matériaux composites
pour restauration postérieure, notamment les suivants:
- la chimie de la résine matrice (la plupart des matériaux sont très
similaires);
- la chimie de la charge (la plupart des matériaux sont très similaires);
- l'efficacité de l'agent de couplage au silane (la plupart des matériaux sont assez
similaires);
- la taille, la distribution, la forme et le volume de la charge (les matériaux
diffèrent considérablement);
- la taille et l'emplacement de la préparation pour l'obturation de la cavité dentaire
(variation considérable);
- l'ampleur, l'emplacement et la direction des forces occlusales (peuvent varier
considérablement);
- le degré de polymérisation (similaire, bien que la technique utilisée influe
également);
- la technique utilisée par le clinicien (facteur le plus important).
Utilisation des matériaux composites
Les matériaux soumis à de fortes pressions devraient être des matériaux à charge
élevée (ou des matériaux qui, après plusieurs années d'essais cliniques, se sont
révélés efficaces pour les restaurations postérieures), qui possèdent une bonne
radio-opacité, de préférence égale à celle de l'émail des dents. Par contre, tout
matériau composite pour restauration antérieure devrait avoir une bonne translucidité,
une propriété que l'on retrouve dans les composites à charge moins élevée. Cependant,
plusieurs des matériaux dits «hybrides», qui contiennent des matériaux très
translucides, peuvent donner d'excellents résultats.
Le Dr Jones est professeur de biomatériaux à
l'Université Dalhousie, à Halifax (Nouvelle-Écosse)
L'auteur n'a aucun intérêt financier déclaré dans la ou les sociétés qui
fabriquent les produits mentionnés dans cet article.
Note de la rédaction
Nous invitons les lecteurs à nous faire parvenir des questions au sujet des problèmes
d'ordre clinique qu'ils peuvent avoir en exerçant. Nous soumettrons ces questions à des
experts canadiens reconnus. Vous pouvez nous faire parvenir vos questions par courrier
électronique, par télécopieur ou par courrier ordinaire. Au plaisir de vous lire!
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