Volume 12 • 2025 • Numéro 6

Une cascade de conséquences La douleur n’existe pas isolément – elle a une influence sur presque tous les aspects du quotidien. Le Dr VachonPresseau souligne que la relation entre la douleur et la santé mentale ou physique est circulaire et s’auto-renforce. « Bien sûr, si vous soulagez la douleur d’une personne, son humeur et d’autres aspects de sa vie s’amélioreront. Ainsi, la douleur peut, à certains égards, causer ces facteurs de risque, mais ceux-ci sont également présents avant l’apparition de la douleur. Tout est lié. » Pour ses récents travaux, le Dr Vachon-Presseau s’est servi de l’une des plus grandes banques de données biomédicales du monde, la UK Biobank, qui comprend les données de près d’un demi-million de personnes. À partir de cette vaste ressource, ses collègues et lui ont entraîné des modèles d’apprentissage automatique afin de déterminer comment différents facteurs (biologiques, psychologiques et sociaux) permettent de prédire la douleur chronique. «Quand nous utilisons uniquement des mesures biologiques, comme des analyses sanguines, qui révèlent des marqueurs inflammatoires, ou une imagerie des réseaux cérébraux, nous arrivons à formuler des prédictions au sujet de troubles de santé particuliers, comme déterminer qui sera susceptible de souffrir d’arthrite», explique-t-il. Mais pour prédire la douleur ainsi que l’intensité et la répartition du mal déclarées par les patients eux-mêmes, les données biologiques se sont révélées insuffisantes. «Juste avec les données biologiques, il n’a pas été possible de prédire qui souffrirait de douleurs chroniques, avoue le Dr Vachon-Presseau. Nous n’avons pas trouvé de mesures biologiques permettant de prédire avec précision l’intensité de la douleur d’une personne.» Ce sont plutôt les informations psychosociales, notamment la qualité du sommeil, le niveau de stress, l’humeur, les difficultés financières et les habitudes de vie, qui se sont révélées être les prédicteurs les plus fiables. «À partir d’une centaine de caractéristiques sociales et psychologiques décrivant la personne, nous avons pu prédire comment elle allait décrire sa douleur», explique-t-il. En d’autres mots, la douleur chronique peut déclencher une cascade de conséquences : mauvais sommeil, stress accru, dépression et réduction de l’activité. « Si l’on examine différentes maladies – sclérose en plaques, lésions nerveuses, fibromyalgie –, ces caractéristiques psychosociales sont de bons prédicteurs qu’une personne utilisera pour décrire sa douleur », note-t-il. Lorsque la douleur nuit au sommeil ou affecte l’humeur, ces mêmes facteurs intensifient à leur tour la perception de la douleur, ce qui crée un cercle vicieux difficile à briser, dans lequel la biologie, la psychologie et le comportement s’influencent constamment les uns les autres. La recherche du Dr Vachon-Presseau donne aussi l’espoir que des interventions pour améliorer le sommeil, réduire le stress et aider la santé mentale puissent avoir un effet réel sur la douleur. Les thérapies, comme la thérapie cognitivo-comportementale, la pleine conscience et les programmes pour apprendre à vivre avec la douleur, ciblent toutes l’aspect psychologique de la souffrance. « Il n’y a pas une approche unique pour prendre en charge la douleur, ajoute le chercheur. Il faut une approche multidisciplinaire qui mise sur des psychologues, de l’activité physique, de la sensibilisation et parfois des médicaments. Ce sont autant d’outils qui aident à mieux vivre avec la douleur chronique. » La douleur n’existe pas isolément – elle a une influence sur presque tous les aspects du quotidien. La relation entre la douleur et la santé mentale ou physique est circulaire et s’auto‑renforce. 23 Numéro 6 | 2025 | Point de mire

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