Le magazine de l’Association dentaire canadienne 2025 • Volume 12 • Numéro 6 Comprendre la douleur chronique Page 22 - 28 + DANS CE NUMÉRO Adopter le modèle Montréal-Toulouse P. 18 Aborder le sujet de l’obésité P. 14 Dernier hommage au Dr David Sweet, O.C. P. 38 PM40064661
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Sommaire L’ADC sur le terrain 7 Éthique et professionnalisme 9 L’avenir de la médecine dentaire et le Programme de recherche des étudiants cliniciens ADC/Dentsply Sirona L’observatoire 12 À la rencontre de la communauté de la santé buccodentaire du Canada : AFDC 14 Aborder le sujet de l’obésité Point de mire 18 Adopter le modèle Montréal-Toulouse 22 Comprendre la douleur chronique 26 Lien entre la santé buccodentaire et la douleur chronique Petites annonces 36 Postes vacants, index des annonceurs Pratico-pratique 30 S’occuper des urgences médicales au cabinet dentaire 32 Gérer votre tranche d’imposition après la retraite : 10 étapes intelligentes à suivre Le magazine de l’Association dentaire canadienne 2025 • Volume12 • Numéro 6 Le saviez-vous 34 Des histoires virales 9 14 38 Dernier hommage 38 Dr David Sweet, O.C. 26 5 Numéro 6 | 2025 |
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Éthique et professionnalisme Je me souviens des résultats d’un sondage d’opinion publique d’il y a quelques années selon lesquels les Canadiens feraient autant confiance aux dentistes qu’aux mécaniciens automobiles. Mais ces résultats étaient plus nuancés; la plupart des gens avaient largement confiance en leur dentiste, mais moins envers la profession dans son ensemble. Cette nuance m’a fait réfléchir. Elle donne à penser que la plupart des dentistes exercent avec un haut niveau d’éthique et de professionnalisme. Mais dans un monde où les médias sociaux peuvent mettre l’accent sur toute maladresse éthique, les actions d’un seul dentiste peuvent nuire à l’image de toute la profession. L’éthique et le professionnalisme sont intimement liés, tout en étant différents. L’éthique renvoie aux principes moraux qui guident notre jugement, qui nous aident à déterminer ce qui est bien ou mal, juste ou injuste. Elle oriente nos choix, nos engagements, notre honnêteté, notre intégrité, et l’intérêt supérieur de nos patients. C’est la voix interne qui guide nos décisions, même quand personne ne nous observe. L’éthique dépasse le simple fait de suivre les règles. Il s’agit de défendre l’esprit de la profession, ce qui en fait une discipline de la santé et non une activité commerciale. En revanche, le professionnalisme met en pratique ces principes éthiques. Il s’agit de notre manière d’exprimer nos valeurs par nos comportements et notre façon de communiquer, de respecter l’autre, de maintenir nos compétences et de préserver la réputation de la profession. Le professionnalisme se voit, ce qui est rarement le cas de l’éthique. L’un est le fondement moral, l’autre son expression concrète. Les principes éthiques de l’ADC définissent les valeurs fondamentales qui façonnent les responsabilités morales et professionnelles des dentistes – envers les patients, la société et la profession. Ces valeurs constituent une base pour les personnes entrant dans la profession et une boussole pour celles qui en font déjà partie. Elles font que l’autorégulation et le statut de profession des dentistes sont acquis grâce à l’application consciencieuse des connaissances, des compétences et du sens de l’intégrité. La confiance est la pierre angulaire de la relation entre le dentiste et son patient, une relation fondée sur l’honnêteté, la compétence, l’équité et la responsabilité. Faire de la santé l’objectif premier de l’exercice dentaire est aussi important; cela se traduit par le respect de l’autonomie du patient, le devoir inébranlable de soigner tous les membres de la société sans préjugés, et un engagement proactif en faveur de la prévention et de la promotion de la santé dans des contextes sociaux élargis. Notre façon de traiter notre entourage atteste de notre professionnalisme. Les patients ne savent peut-être pas si la restauration que nous venons de faire est parfaite, mais ils savent si nous les traitons avec honnêteté et respect. Et notre propre personnel remarque plus de choses que nous ne le pensons. Ils et elles le sentiraient si un cabinet venait à franchir une limite éthique. Nous devons cultiver des lieux de travail qui favorisent la rétroaction et la responsabilisation. Même le dentiste le plus aguerri tire profit des voix qui peuvent dire avec confiance : « Cela ne me semble pas correct. » Notre culture professionnelle compte. Une solide culture de responsabilisation favorise le respect de normes éthiques élevées. Nous ne pouvons pas contrôler les mauvais choix d’un dentiste qui nous donnent à tous une mauvaise image, mais nous pouvons contrôler la façon dont nous exerçons la médecine dentaire, dont nous traitons nos équipes et dont nous représentons notre profession. Nous devons nous rappeler qu’une profession éthique est un privilège et une obligation que nous construisons, un choix à la fois, un patient à la fois, un jour à la fois. Mot du président Dr Bruce Ward president@cda-adc.ca Numéro 6 | 2025| L’ADC sur le terrain 7
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L’avenir de la médecine dentaire et le Programme de recherche des étudiants cliniciens ADC/Dentsply Sirona Tous les ans, un étudiant ou une étudiante de premier cycle des dix facultés de médecine dentaire du Canada se retrouve sous les feux des projecteurs du monde de la recherche au pays. Le Programme de recherche des étudiants cliniciens ADC/Dentsply Sirona met en vedette la crème de la recherche dentaire étudiante au Canada. L’édition de 2025, qui a eu lieu en août au congrès national sur la santé buccodentaire de St. John’s, à Terre-Neuve, a fait briller la prochaine génération de cliniciens-chercheurs et cliniciennes-chercheuses. À la base, ce concours est une occasion pour les étudiants et étudiantes de gagner une reconnaissance nationale en présentant leurs travaux de recherche devant un jury d’experts et d’échanger avec des pairs et des collègues de partout au Canada. «Depuis 10 ans, j’ai la chance d’être l’un des juges de ce concours, raconte le Dr Mitch Taillon, ancien président de l’ADC qui a partagé le rôle de juge avec les Drs Benoit Soucy, directeur du savoir de l’ADC et Lesli Hapak, membre du conseil d’administration de l’ADC. J’ai été très impressionné cette année par la variété et la qualité de la recherche étudiante menée dans les facultés de médecine dentaire au Canada.» Depuis plus de 50 ans, les valeurs fondamentales du programme annuel, à savoir la vivacité d’esprit et les compétences cliniques pratiques, sont mises en évidence par les étudiants cliniciens, dont le lauréat de cette année, Samer Karkout de l’Université McGill, et le finaliste, Ahmed Abbas de l’Université Western. 9 Numéro 6 | 2025 |
Premier prix : Samer Karkout Deuxième prix : Ahmed Abbas Prédire l’issue d’un cancer de la bouche Samer Karkout de l’Université McGill a reçu le premier prix pour sa recherche sur la prédiction de la survie des patients atteints d’un cancer de la bouche, une étude qui compare l’indice de comorbidité de Charlson (CCI) et la classification de la Société américaine d’anesthésiologie (ASA). «Les cancers de la bouche sont un problème d’envergure mondiale. Plusieurs milliers de cas sont diagnostiqués partout dans le monde, précise Samer Karkout dans un entretien sur CDA Oasis. La difficulté, c’est que bon nombre de ces patients n’ont pas seulement un cancer. Souvent, ils ont aussi d’autres ennuis de santé, comme une maladie cardiovasculaire, de l’hypertension et du diabète.» Ces comorbidités ont une incidence sur le traitement, la guérison et la survie. L’étude de Samer Karkout et ses collaborateurs visait à déterminer quel indice (ASA ou CCI) était le meilleur prédicteur de survie chez les personnes atteintes d’un cancer de la bouche. À partir de données de l’Hôpital général de Montréal, l’étude a examiné 348 cas de cancer de la bouche et les a classés selon le score de comorbidité associé à chacun après leur stratification. En comparant les résultats, l’étude a fait ressortir que le CCI surpassait constamment la classification de l’ASA. «Le CCI établit une séparation plus large et plus précoce entre les deux groupes, ce qui indique qu’il pourrait être un meilleur prédicteur de survie globale que l’ASA», explique-t-il. Le CCI demeure efficace après des traitements majeurs, comme une radiothérapie ou une chirurgie, tandis que l’ASA perd son pouvoir prédicteur. «Cela nous indique que le CCI pourrait être un outil fiable pour prédire la survie de nos patients atteints d’un cancer de la bouche, peu importe la modalité de traitement choisie», confie-t-il. Pour Samer Karkout, ces résultats pourraient contribuer à améliorer la survie des patients cancéreux. «Nous voulons perfectionner cet outil et voir comment le personnaliser en fonction des patients. Comment pouvons-nous l’affiner pour les cancers de la bouche afin d’individualiser les traitements pour que nos patients en tirent le meilleur parti?» Ces résultats s’inscrivent dans l’essor de la médecine de précision au lieu des modèles de traitement universels et font ressortir l’importance d’utiliser les données médicales pour améliorer l’ensemble des soins des patients. Liens entre les gencives, le vieillissement et le corps Dans une autre optique, Ahmed Abbas, étudiant de quatrième année à l’École Schulich de médecine et de médecine dentaire de l’Université Western, a exploré les liens systémiques entre la parodontite et le vieillissement biologique. Son étude, Moderate to Severe Periodontitis Contributes to Accelerated Biological Aging in Middle-Aged and Older Canadians with Multimorbidity, s’attarde à la façon dont les maladies gingivales interagissent avec les maladies chroniques pour accélérer le vieillissement. «Cette étude a nécessité de nombreuses années de travail, explique Ahmed Abbas. Notre groupe de recherche s’est penché sur l’épigénétique et le vieillissement ainsi que sur la relation entre la parodontite et la santé globale. Je tiens par ailleurs à remercier ma mentore, la Dre Noha Gomaa, dont le soutien et les conseils tout au long de mes quatre années d’études ont été indispensables à cette recherche et plus encore.» Avec des maladies individuelles telles que les maladies cardiovasculaires, la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson, il était essentiel d’en comprendre l’incidence dans le contexte des multimorbidités. «Nous voulions savoir en quoi la parodontite est associée à une combinaison de maladies chroniques, car nous savons qu’elle a un mécanisme sous-jacent d’inflammation qui peut se propager dans tout le corps.» Cette inflammation peut créer un cercle vicieux : «Le mécanisme inflammatoire peut accélérer le vieillissement, et l’accélération du vieillissement peut causer plus d’inflammation, souligne Ahmed Abbas. En tant que dentistes, nous devons bien comprendre le lien entre la parodontite et d’autres maladies chroniques afin de bien prendre en charge nos patients et traiter l’inflammation générale de l’organisme.» À partir de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé de 2007-2009, son équipe a analysé les données de plus de 1000 personnes âgées de plus de 45 ans. « Les patients qui présentaient une multimorbidité et une parodontite avaient une prévalence de vieillissement accéléré de 20 à 40 % supérieure », affirme Ahmed Abbas. Cette étude fait ressortir l’importance des soins dentaires dans la prise en charge holistique de la santé, surtout pour les populations vieillissantes. «Ces résultats sont utiles pour la profession, parce qu’ils nous aident à bien connaître notre population, indique Ahmed Abbas. Nos recherches nous permettent de comprendre les interactions entre la parodontite, la multimorbidité et le vieillissement, ce qui peut orienter les prochaines recherches.» Pour en savoir plus sur les deux gagnants, rendez‑vous sur CDA Oasis [en anglais] : bit.ly/4oSR1ju 10 | 2025 | Numéro 6
Les juges du programme de cette année (de gauche à droite) : Dr Benoit Soucy, directeur du savoir de l’ADC; Dre Lesli Hapak, membre du conseil d’administration de l’ADC; Dr Mitch Taillon, ancien président de l’ADC. La Dre Heather Carr, administratrice canadienne de l’APF, s’adresse aux étudiants participants lors du dîner de l’APF. La portée de ce programme Destiné à célébrer les réalisations de tous les étudiants et étudiantes ayant pris part au concours, le dîner de l’Académie Pierre Fauchard (APF) a constitué l’un des moments forts des événements organisés pour eux à Terre-Neuve. L’APF est une société honorifique internationale composée de dentistes reconnus pour leur professionnalisme et leur contribution à la profession. Académie Pierre Fauchard Chaque participant et participante a reçu une bourse de 1000 $ de l’APF en reconnaissance de son dévouement, son esprit d’innovation et sa contribution à l’avancement de la recherche en médecine dentaire. En soutenant la Fondation pour la santé buccodentaire de l’APF, la section canadienne de l’APF continue de montrer qu’elle est engagée à encourager la relève en médecine dentaire. Son soutien continu envers la recherche et l’excellence reste un pilier de l’événement organisé par l’ADC et Dentsply Sirona. La Dre Lisa Bentley (photo ci-dessus et membre du conseil de l’APF au moment du concours) et la Dre Heather Carr (récemment élue membre du conseil de l’APF) ont eu l’honneur de remettre les bourses. « Ces étudiants cliniciens sont les chefs de file de demain et méritent pleinement cette reconnaissance pour leurs travaux, convient la Dre Carr. Ce fut un plaisir de les rencontrer et d’assister à leurs excellents exposés. J’espère que davantage de membres de la profession assisteront à ces exposés, car ils sont instructifs et offrent des perspectives uniques sur les recherches et les enjeux actuels de notre profession ». L’APF Canada prévoit de tenir un dîner de gala le 17 avril 2026, à l’occasion du congrès dentaire Prairie Lights de l’ADC/ Association dentaire du Manitoba. «Cet événement rendra hommage aux étudiants cliniciens et aux membres méritants de la section canadienne de l’APF, explique la Dre Carr. Nous espérons y voir nos membres de l’APF et nos invités à ce dîner qui célébrera l’excellence dans notre profession.» Les participants et participantes au programme ont vécu une expérience mémorable à St. John’s. Pour Ahmed Abbas, «cet événement aidera à orienter la recherche future visant à dresser le portrait des interactions entre la santé buccodentaire et la santé globale». Quant à Samer Karkout, le concours a été autant une source de validation que de motivation. «Nous voulons perfectionner cet outil en vue de personnaliser les traitements, déclare-t-il. Ainsi, les patients atteints d’un cancer de la bouche pourront en tirer le meilleur parti. Je tiens également à exprimer ma gratitude envers les Drs Amal Idrissi et Nicholas Makhoul pour leur soutien, leurs conseils et leurs encouragements inestimables tout au long de cette étude. Leur mentorat et leur dévouement ont profondément influencé ce travail et ont mené à cette réussite» ajoute-t-il. Les deux recherches étudiantes incarnent l’esprit du programme : elles sont interdisciplinaires, axées sur le patient et profondément pertinentes pour l’avenir des soins de santé. «Je n’ai aucun doute que ces étudiants cliniciens seront des figures de proue de la profession dentaire canadienne», conclut le Dr Taillon. 11 Numéro 6 | 2025 |
À la rencontre de la communauté de la santé buccodentaire du Canada : Association des facultés dentaires du Canada (AFDC) Nous nous sommes entretenus avec le président de l’AFDC, le Dr Ben Davis, pour en savoir plus sur les efforts de son association. Le Dr Ben Davis est un dentiste et chirurgien maxillofacial qui agit comme doyen de la Faculté de médecine dentaire de l’Université Dalhousie et président de l’Association des facultés dentaires du Canada. Que fait l’AFDC, en gros? L’AFDC est le porte-parole national et une ressource pour la médecine dentaire universitaire au Canada. Elle représente les membres du corps professoral, à temps plein et à temps partiel, des dix facultés de médecine dentaire du pays, une communauté de plus d’un millier de personnes qui enseignent, mènent de la recherche et assurent la formation clinique. L’AFDC a pour rôle de faire avancer l’enseignement, la recherche et les services du monde universitaire de la médecine dentaire. L’association défend les intérêts des facultés sur la scène nationale, en particulier auprès de Santé Canada, et appuie aussi chaque faculté dans ses discussions avec les gouvernements provinciaux au sujet du financement et des politiques. L’AFDC compte plusieurs comités permanents, qui représentent des domaines tels que les affaires académiques, les affaires cliniques, la recherche et la direction des facultés, et qui offrent des occasions structurées de collaboration. Ces comités se réunissent régulièrement pour parler de leurs défis, échanger des idées et élaborer des solutions à des problèmes communs en matière de conception des programmes d’études ou encore de fonctionnement clinique et d’initiatives de recherche. Le financement versé à l’Université du Manitoba par le Fonds d’accès à la santé buccodentaire de Santé Canada pour élaborer des modules d’études communs à l’ensemble des dix facultés de médecine dentaire au pays constitue un exemple récent de l’approche collaborative de l’AFDC. Ces modules couvrent des sujets essentiels, tels que l’éthique et le professionnalisme, les soins aux personnes âgées et la médecine d’urgence. Tous les programmes de médecine dentaire doivent enseigner ces modules, mais il est coûteux en temps et en argent pour les facultés de les monter chacune de leur côté. En élaborant centralement ces ressources et en les partageant à l’échelle du pays, l’AFDC et ses facultés membres garantissent la cohérence de ce qui est enseigné, réduisent le dédoublement des efforts et tirent le meilleur parti des budgets limités. Ce modèle illustre la force d’une communauté universitaire unifiée qui travaille ensemble à l’élaboration de normes éducatives communes et à l’amélioration des résultats en santé buccodentaire. Comment l’AFDC contribue-t-elle à la profession et à la santé buccodentaire? Le cœur de la mission de l’AFDC consiste à former la prochaine génération de professionnels et de professionnelles de la santé buccodentaire. La plupart des dentistes exerçant actuellement au Canada ont obtenu leur diplôme des facultés de médecine dentaire d’ici, ce qui fait que les membres de l’AFDC sont à la base de la profession dentaire du pays. À ce titre, la principale responsabilité de l’AFDC consiste à veiller à ce que les étudiants et étudiantes obtiennent leur diplôme en étant prêts à répondre aux besoins de la population canadienne en matière de santé buccodentaire. Au-delà de l’instruction, les facultés abritent la plus grande concentration d’expertise dentaire du pays. Les gouvernements, les associations dentaires et d’autres organisations font souvent appel à cette expertise pour obtenir de l’information fondée sur des données probantes concernant des questions telles que la fluoruration de l’eau municipale, les cancers de la bouche ou l’accès aux soins. Ainsi, les facultés, et par extension l’AFDC, constituent une ressource nationale pour la profession et les stratèges politiques. 12 | 2025 | Numéro 6
La recherche est un autre pilier de la contribution de l’AFDC. Les facultés de médecine dentaire canadiennes mènent des recherches dans des domaines très variés, allant de la science traditionnelle des biomatériaux (tels la céramique et les adhésifs) à des sujets interdisciplinaires qui touchent à la médecine et à l’ingénierie. Certains chercheurs s’affairent à mettre au point des systèmes d’administration de médicaments contre le cancer ou à étudier les mécanismes biologiques à l’origine des maladies buccodentaires et systémiques. D’autres travaillent en santé publique, en épidémiologie ou en économie de la santé, des domaines qui contribuent à définir la prestation et la compréhension des soins buccodentaires au Canada. dentaires (RCSD), qui a alourdi la charge administrative des facultés de médecine dentaire et a eu des répercussions tant sur l’expérience clinique des étudiants et étudiantes que sur les revenus des cliniques. L’AFDC collabore activement avec Santé Canada afin de trouver des solutions à long terme qui permettront aux facultés de se concentrer sur l’enseignement et les soins aux patients tout en s’adaptant à l’évolution du contexte politique. En coulisses, l’Association dentaire canadienne (ADC) travaille en étroite collaboration avec l’AFDC en vue d’atténuer les répercussions du RCSD sur les facultés. Les efforts du conseil d’administration et du président de l’ADC reflètent la collaboration discrète, mais essentielle, que les deux associations entretiennent et qui passe souvent inaperçue. Cela nous rappelle que la communauté de la santé buccodentaire est plus forte lorsque nous travaillons ensemble. L’AFDC représente le monde universitaire à l’assemblée générale annuelle de l’ADC. L’érosion du financement provincial des facultés de médecine dentaire est un autre de nos dossiers urgents. La hausse du coût de l’équipement et du matériel, alliée à un soutien gouvernemental statique ou en baisse, exerce une pression considérable sur des programmes qui comptent déjà parmi les plus coûteux du réseau universitaire. L’AFDC demande le renouvellement des investissements provinciaux afin de maintenir la qualité de l’enseignement sans imposer un fardeau excessif aux étudiants et étudiantes, qui terminent déjà leurs études avec une dette importante. Il faudra aussi bientôt revoir les programmes d’études. Les facultés réévaluent actuellement ce qui doit être enseigné et la manière de le faire et se penchent sur l’intégration de nouveaux domaines, tels que les soins des personnes âgées, les soins adaptés aux besoins particuliers, la santé des populations autochtones et racialisées, ainsi que la médecine dentaire numérique. L’objectif consiste à moderniser les programmes tout en veillant à ce que les personnes diplômées aient les compétences requises dans les domaines traditionnels de la pratique. Enfin, l’AFDC supervise la Formation passerelle vers la pratique dentaire au Canada, une initiative pilote qui crée une nouvelle voie d’accès à la profession pour les personnes formées à l’étranger dans des programmes de médecine dentaire non accrédités et qui sont résidentes permanentes au Canada. Ce programme, actuellement à l’essai dans plusieurs universités, vise à offrir une troisième voie d’accès à la profession au Canada tout en maintenant des normes de compétence rigoureuses. Pour tout savoir sur l’AFDC : acfd.ca/fr En quoi vos efforts touchent-ils à la vie des dentistes de partout au pays? L’AFDC a une influence qui transcende les murs des universités grâce à la formation continue, à l’élaboration de politiques et à la formation en leadership. Bon nombre des possibilités de formation continue offertes aux dentistes en exercice sont dispensées par des professeurs et professeures des facultés membres de l’AFDC. L’association cultive la prochaine génération d’éducateurs et d’éducatrices en veillant à ce que ces personnes soient compétentes, efficaces et capables de maintenir la qualité de l’enseignement en médecine dentaire au Canada. L’AFDC et ses membres jouent aussi un rôle clé dans la définition de politiques et de guides qui touchent la pratique dentaire. Les membres des facultés collaborent souvent avec les associations et les organismes gouvernementaux pour rédiger des énoncés de position, contribuer à l’élaboration de politiques de santé publique et promouvoir des pratiques exemplaires. Le Sommet canadien de la santé buccodentaire, qui a lieu tous les deux ans, est une initiative majeure qui rapproche le monde universitaire et la profession dans son ensemble. En 2024, ce congrès s’est tenu à Halifax et en 2026, il aura lieu à Saskatoon. Cet événement rassemble des personnes issues de tous les horizons des soins buccodentaires pour discuter de recherche, de politiques et de santé publique. Il s’agit d’un forum qui favorise la collaboration et aide à aligner les branches universitaires et cliniques de la profession vers des objectifs communs. Que réserve l’avenir pour l’AFDC? Pour l’avenir, l’AFDC se concentre sur plusieurs grands défis et possibilités. L’une des principales priorités consiste à s’occuper des conséquences imprévues du Régime canadien de soins L’AFDC collabore activement avec Santé Canada afin de trouver des solutions à long terme qui permettront aux facultés de se concentrer sur l’enseignement et les soins aux patients tout en s’adaptant à l’évolution du contexte politique. 13 Numéro 6 | 2025 | L’observatoire
© World Obesity Aborder le sujet de l’obésité Une nouvelle étude montre que la population est largement d’accord pour que l’obésité soit abordée dans les cabinets dentaires, et les experts sont d’avis que, comme les caries et l’obésité ont certains facteurs de risque communs — et que la santé buccodentaire est étroitement liée à la santé globale —, les dentistes ont un rôle essentiel à jouer. 14 | 2025 | Numéro 6
Les dentistes parlent déjà aux familles de consommation de sucre, de collations santé et d’habitudes saines pour les dents. Les comportements afférents – ce que nous buvons, la fréquence à laquelle nous grignotons et l’organisation de nos repas – jouent aussi sur le poids corporel et la santé globale. Alors pourquoi les dentistes n’incluraient-ils pas aussi ces comportements dans leurs discussions avec les familles? «Le fait que les dentistes voient régulièrement leurs patients est très intéressant, indique la Dre Sarah Hampl, professeure de pédiatrie à l’Université du Missouri-École de médecine de la Ville de Kansas et sommité du traitement de l’obésité chez les enfants. Les enfants d’âge scolaire voient peut-être leur pédiatre une fois par an, mais s’ils suivent ce qui est recommandé, ils verront l’équipe dentaire deux fois par an. Ce sont deux occasions valides de parler de boissons sucrées, de grignotage et d’habitudes familiales.» Un portrait des attitudes D’abord, la Dre Large s’est penchée sur les pratiques en cours au Royaume-Uni et ailleurs ainsi que sur les attitudes de la population et des professionnels. Le soutien de la population est marquant : 83 % des répondants étaient favorables au dépistage de l’obésité dans les cabinets dentaires, et 85 % étaient d’accord avec l’idée d’aborder le sujet du poids et de la santé2. À l’heure actuelle, la plupart des équipes dentaires ne parlent pas de poids ni de santé avec les patients, mais la recherche suggère que la majorité des étudiants et des professionnels sont d’avis que les dentistes ont un rôle à jouer. Pour elle, tout est clair : «Si le sujet est abordé avec tact et cohérence et si les professionnels ont la formation nécessaire, les gens ne se sentent pas mal d’en parler.» Ensuite, elle s’est concentrée directement sur le public. Selon un sondage britannique auprès de plus de 3500 adultes, 60 % des gens étaient à l’aise que leur taille et leur poids soient pris en note chez le dentiste, et 10 % ont répondu «peut-être»3. Plus de la moitié des répondants (57 %) ont déclaré qu’il serait acceptable que l’équipe dentaire leur offre du soutien pour perdre du poids, tandis que 15 % ont jugé qu’une telle offre serait peut-être acceptable. Les formes de soutien obtenant le taux d’acceptation le plus élevé étaient simples : informations sur les services locaux de perte de poids (84 %), orientation vers un médecin généraliste (81 %) ou orientation vers un service local de perte de poids (78 %). En revanche, les répondants aimaient le moins les rendez-vous séparés; ils préféraient des actions lors du rendez-vous chez le dentiste. Il faut noter que les hommes étaient plus susceptibles d’accepter le dépistage de l’obésité et un soutien que les femmes, contrairement à la tendance générale en matière d’intérêt porté aux soins de santé. La Dre Jessica Large, experte-conseil en médecine dentaire pédiatrique à Sheffield et chercheuse postdoctorale à l’Université de Loughborough en Angleterre, a commencé à faire de la recherche sur les liens entre la médecine dentaire et un poids santé en 2018, pendant sa formation en médecine dentaire pédiatrique à Édimbourg. Après la visite d’un programme local de promotion d’un mode de vie sain à son cabinet, elle s’est demandé pourquoi il n’y avait pas davantage de rapports entre la médecine dentaire et les programmes de santé communautaire. «Si ces services existent, et vu le lien entre la carie et l’obésité, pourquoi ne changeons-nous pas nos façons de faire?», s’est-elle demandé. Son équipe a repensé les rendez-vous avec les nouveaux patients : le poids et la taille de chaque enfant ou jeune personne qui le voulait ont été mesurés, leur IMC a été calculé, et les familles se sont vu proposer une consultation gratuite avec le programme de promotion d’un mode de vie sain. L’évaluation a montré que le personnel et les familles ont très bien réagi1. Cette initiative pilote a été la genèse du projet de thèse de la Dre Large. «L’obésité et les interactions entre la santé buccodentaire et le reste du corps sont devenues mon sujet de recherche», explique-t-elle. Sa thèse porte précisément sur la façon dont les équipes dentaires peuvent aider la population à perdre du poids. Les enfants d’âge scolaire voient peut-être leur pédiatre une fois par an, mais s’ils suivent ce qui est recommandé, ils verront l’équipe dentaire deux fois par an. Ce sont deux occasions valides de parler de boissons sucrées, de grignotage et d’habitudes familiales. 15 Numéro 6 | 2025 | L’observatoire
© World Obesity La Dre Large met actuellement à l’essai son modèle dans des cabinets dentaires. Elle se joindra à des équipes dentaires en Angleterre pour mesurer la taille et le poids de patients, avec leur consentement, lors de rendez-vous de routine. Les personnes touchées par l’obésité seront invitées avec leur équipe dentaire à se soumettre à une brève intervention : une discussion, des ressources et des options d’orientation. Pour le groupe témoin, il y aura seulement une discussion et de l’information. En suivant les patients et leur équipe dentaire, la Dre Large souhaite déterminer si son modèle est à la fois acceptable et réalisable dans l’exercice quotidien. « Cette étude rassemble tous les éléments : dépistage, discussion et orientation dans un contexte de soins dentaires de routine. » Au fil de ses analyses et de ses enquêtes, la Dre Large a souvent entendu parler de la crainte de contrarier les patients, de la stigmatisation de l’obésité, du manque de formation et de directives, des contraintes de temps et de l’absence de rémunération. « Les équipes dentaires sont occupées, et certains soins préventifs ne sont pas rémunérés, déplore-t-elle. Si nous voulons que les équipes dentaires fassent de la prévention globale, elles ont besoin de formation, de directives claires, d’une assurance et d’un soutien réglementaire, ainsi que d’une reconnaissance et d’une rémunération. » La stigmatisation, en particulier, est un thème qui est revenu souvent. « Il y a de la stigmatisation liée au poids dans le domaine de la santé, confirme-t-elle. Tout programme d’études doit comprendre une formation pour contrer cette stigmatisation et enseigner à demander la permission d’aborder le sujet et à en discuter avec tact. Les directives nationales au Royaume-Uni commencent à intégrer cet aspect, mais il n’y a encore rien de propre à la médecine dentaire. » Des discussions efficaces Les conseils cliniques de la Dre Hampl font écho à l’importance de faire preuve de tact. Pour elle, les professionnels dentaires ont déjà une entrée en matière : les boissons sucrées, les collations ultra-transformées et le grignotage fréquent favorisent à la fois les caries et l’obésité. «Parfois, on peut tout naturellement commencer par parler de prévention de la carie», confie-t-elle. Elle suggère de demander au patient la permission de parler de boissons sucrées et de collations, puis à partir de techniques d’entretien motivationnel, d’explorer les priorités et contraintes de la famille. Au lieu d’imposer des interdits, elle préfère le concept de «remplacer au lieu de supprimer» : remplacer trois boissons gazeuses quotidiennes par de l’eau aromatisée ou une boisson infusée aux fruits qui reste agréable à boire. Il vaut mieux y aller à petits pas, choisir un ou deux objectifs réalistes et amener toute la famille à changer pour ne pas cibler seulement les enfants. «Je n’ai jamais rencontré de parents qui ne voulaient pas que leurs enfants aient la meilleure santé possible», assure la Dre Hampl, en ajoutant qu’il est important pour les parents de donner l’exemple. Si un parent garde des boissons sucrées à la maison, il est déraisonnable de s’attendre à ce qu’un enfant n’en veuille pas. Il faut aussi s’attarder à l’équité et à l’accès. La Dre Hampl rappelle que le risque de caries et d’obésité est supérieur chez les enfants de milieux défavorisés et souligne qu’il faut adapter les conseils à ce dont les familles peuvent réellement disposer, qu’il s’agisse d’eau potable ou d’aliments frais abordables. Une petite question respectueuse pour déterminer ce à quoi la famille a accès et une courte liste de ressources locales peuvent aider à transformer un bon plan en un plan réaliste. «Les bons conseils ne servent à rien si les familles ne peuvent pas les mettre en pratique», signale-t-elle. Pour la Dre Hampl, l’entretien motivationnel ne consiste pas vraiment à dire aux familles quoi faire, mais plutôt à les aider à déterminer leurs propres priorités et les mesures réalistes à prendre. Elle décrit cet entretien comme une discussion ouverte pour amener les parents à choisir eux-mêmes de changer. Au lieu d’exiger qu’un enfant arrête complètement de boire des boissons gazeuses, par exemple, le dentiste peut demander la permission de parler de boissons sucrées, déterminer si elles constituent un problème, puis aider la famille à choisir une solution de rechange réaliste vers laquelle elle pourrait se tourner. L’objectif n’est pas d’améliorer toute l’alimentation du jour au lendemain, mais d’amener un ou deux petits changements à l’échelle de la famille pour lui donner confiance en ses moyens et l’inciter à poursuivre sur cette lancée. Tout programme d’études doit comprendre une formation pour contrer cette stigmatisation et enseigner à demander la permission d’aborder le sujet et à en discuter avec tact. 16 | 2025 | Numéro 6 L’observatoire
L’obésité au Canada Au cours des cinquante dernières années au Canada, l’obésité est passée d’un problème de santé publique marginal à un problème omniprésent chez tous les groupes d’âge. En 1979, 23 % des enfants de 2 à 17 ans étaient touchés par l’embonpoint ou l’obésité. En 2017, c’est 30 % des enfants de 5 à 17 ans qui l’étaient. Une enquête nationale menée en 2021 a montré que 29,5 % des adultes du pays avaient un IMC (autodéclaré corrigé) se situant dans la catégorie de l’obésité et que 35,5 % de plus étaient en surpoids, ce qui signifie que 65 % des adultes entrent dans la catégorie combinée du surpoids et de l’obésité. Les coûts reflètent l’ampleur du problème. En 2010, les coûts directs et indirects de l’obésité et des maladies connexes, ce qui comprend les soins hospitaliers, les services médicaux et la perte de productivité, ont été estimés à 7,1 milliards de dollars au Canada. Plus l’obésité augmente, plus les risques associés augmentent, qu’il s’agisse du diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires, des troubles musculosquelettiques ou de l’accroissement de la mortalité. L’obésité chez les enfants accroît non seulement les problèmes de santé précoces, mais a aussi tendance à se perpétuer à l’âge adulte, ce qui maintient les risques tout au long de la vie. Les statistiques proviennent de l’Agence de la santé publique du Canada. Références : 1. Large JF, O’Keefe E, Valentine C, Roebuck EM. Weight screening in paediatric dentistry: What do families and staff think? Int J Paediatr Dent. 2022 Sep;32 Suppl 1:64-66. 2. Large JF, Madigan C, Graham H, Biddle GJH, Sanders J, Daley AJ. Public and dental teams’ views about weight management interventions in dental health settings: Systematic review and meta-analysis. Obes Rev. 2024 Jun;25(6):e13726. 3. Large JF, Roalfe A, Madigan C, Daley AJ. Acceptance among the public of weight screening and interventions delivered by dental professionals: observational study. Obesity. 2024 Dec;32(12):2364-75. Ajouter la voix de la médecine dentaire Pourquoi la médecine dentaire? La Dre Large avance deux réponses : l’accès et la science. Les cabinets de médecine dentaire familiale voient des millions d’enfants et d’adultes, souvent plus que les médecins de famille. Cet accès offre la possibilité d’améliorer la santé buccodentaire ainsi que la santé globale et le bien-être. Et les liens entre la santé buccodentaire et la santé globale sont bien établis, en particulier ceux entre les maladies parodontales et les affections tels le diabète et les maladies cardiovasculaires, dont l’obésité est un facteur de risque. La médecine dentaire fait déjà de la prévention; inclure une approche holistique de la santé constitue donc une suite logique. La Dre Hampl ajoute que des messages cohérents dans tous les contextes (dentaire, médical, scolaire et communautaire) peuvent réduire la fragmentation du secteur de la santé avec laquelle doivent parfois composer les familles. Grâce à des discussions menées avec tact et à des systèmes de soutien, les équipes dentaires peuvent aider les familles à s’y retrouver face à l’un des défis majeurs de notre époque en matière de santé. «Les dentistes sont bien placés, admet-elle. Avec de la formation et des directives, nous pouvons en faire une habitude, faire preuve de compassion et être efficaces.» La Dre Hampl le dit clairement : si la profession dentaire parle elle aussi de santé globale, «les enfants entendront plus souvent que la santé est importante, et c’est ce qui compte». La médecine dentaire fait déjà de la prévention; inclure une approche holistique de la santé constitue donc une suite logique. Des messages cohérents dans tous les contextes (dentaire, médical, scolaire et communautaire) peuvent réduire la fragmentation du secteur de la santé avec laquelle doivent parfois composer les familles. Dre Jessica Large Dre Sarah Hampl 17 Numéro 6 | 2025 | L’observatoire
Adopter le modèle Montréal-Toulouse Face à des défis croissants – accès aux soins, inégalités sociales, isolement professionnel, pressions économiques –, une question fondamentale se pose à la profession dentaire : comment exercer sans renoncer à l’excellence clinique et technique, tout en donnant un sens à notre travail? Cette question est au cœur du modèle Montréal-Toulouse, développé par le Dr Christophe Bedos et son équipe à l’Université McGill et à l’Université de Toulouse en France. Proposant l’adoption d’une approche biopsychosociale des soins, ce modèle encourage à repenser le rôle du dentiste, non seulement en tant que clinicien, mais aussi en tant que défenseur de la santé publique, partenaire communautaire et professionnel engagé socialement. Une profession façonnée par le modèle biomédical Parmi les professions de la santé, la médecine dentaire conserve une identité forte axée sur la précision, la technique et la restauration. Cet ancrage dans le modèle biomédical a formé des générations de professionnels dentaires compétents et experts, mais les a parfois éloignés des dimensions sociales et humaines de leurs patients. Selon le Dr Bedos, professeur à l’Université McGill et codirecteur du Réseau québécois de recherche intersectorielle en santé buccodentaire et osseuse durable (RSBO), cette dépendance à la technicité est structurelle. «La médecine dentaire a une forte culture biomédicale, car elle est probablement l’une des dernières professions de santé à avoir mis en place des soins centrés sur la personne», expliquet-il. «La nature chirurgicale de la pratique dentaire génère une 18 | 2025 | Numéro 6
forte dépendance aux technologies et les dentistes ont fait de cette technicité une petite idéologie, une forme d’art dentaire, de recherche de la perfection», ajoute-t-il. Bien que cette approche valorise l’efficacité, elle risque de faire oublier le quotidien du patient. Le modèle dominant privilégie souvent le raisonnement en termes de traitement optimal, oubliant parfois que l’objectif des soins doit être défini du point de vue du patient. Le Dr Bedos espère voir cette logique descendante évoluer. Cette perspective plus large nous permet d’aborder la santé buccodentaire comme un phénomène complexe, influencé par des facteurs tels que l’alimentation, le logement, l’éducation, l’isolement, la pauvreté et la discrimination. Le modèle Montréal-Toulouse : une vision biopsychosociale Le modèle Montréal-Toulouse encourage à dépasser la dichotomie traditionnelle entre soignant et patient pour adopter une vision plus systémique. Il repose sur trois niveaux : • Individuel : Comprendre les attentes, les ressources et les obstacles personnels du patient, partager la prise de décision et l’intervention. • Communautaire : intégrer l’environnement immédiat du patient, les services disponibles et les réseaux de soutien. • Sociétal : prise en compte des politiques publiques, des déterminants sociaux et des inégalités structurelles. «Les professionnels dentaires doivent être des participants actifs et des leaders dans leurs communautés, en établissant des relations avec d’autres prestataires de services médicaux et sociaux afin de faire partie d’une équipe», explique le Dr Bedos. «De cette manière, nous pouvons faire partie d’un réseau local intersectoriel qui soutient le bien-être des membres de notre communauté», ajoute-t-il. «Cette perspective plus large nous permet d’aborder la santé buccodentaire comme un phénomène complexe, influencé par des facteurs tels que l’alimentation, le logement, l’éducation, l’isolement, la pauvreté et la discrimination», ajoute-t-il. Une innovation issue de ce modèle est la prescription sociale, qui consiste à orienter les patients vers des ressources locales non médicales qui favorisent leur bien-être, telles que les transports, l’aide alimentaire, le soutien psychologique et « Beaucoup d’étudiants me disent : "Ce patient a besoin de ceci ou de cela". Je leur demande : “Tu le sais parce qu’il te l’a dit ou parce que tu le penses?” », explique-t‑il. « Ce qui est bien pour la dent n’est pas forcément bien pour la personne dans laquelle se trouve la dent. » Lorsque ce décalage se produit, il peut créer une distance, une incompréhension, voire un rejet du plan de traitement. 19 Numéro 6 | 2025 | Point de mire
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