Volume 12 • 2025 • Numéro 3

les plus récents sont souvent vendus seulement dans les pays à revenu élevé, alors que les pays à revenu faible ou moyen sont les plus touchés par les décès d’origine infectieuse. Qu’en est-il de la situation au Canada? Chaque année, les infections causées par des bactéries antibiorésistantes tuent environ 1,27 million de personnes dans le monde. En 2018, environ un million d’infections bactériennes ont été signalées au Canada, dont un quart étaient résistantes aux antibiotiques de première intention5. L’antibiorésistance est directement responsable de la mort de quelque 5400 personnes au Canada, ce qui a coûté plus de 2 milliards de dollars au réseau de la santé, selon le rapport Quand les antibiotiques échouent publié en 2019 par le Conseil des académies canadiennes (CAC). Ce rapport explique que, dans un monde où l’efficacité des antibiotiques est décroissante, le risque de contracter une maladie infectieuse et d’en mourir sera plus élevé pour tous. D’ici 2050, si la résistance à tous les antimicrobiens de première ligne atteint 40 %, un scénario jugé comme hautement plausible par le rapport, 13700 personnes au Canada mourront chaque année d’une infection bactérienne résistante, et la baisse cumulée de la population canadienne atteindra près de 400000 personnes. Rôle de la profession dentaire Auparavant, les dentistes prescrivaient des antibiotiques contre les maux de dents. Toutefois, cette pratique n’est pas fondée sur des données probantes, parce qu’il est possible de soulager plus efficacement la douleur par une intervention dentaire ou des antidouleurs6. En 2022, les dentistes étaient à l’origine de près de 10 % de toutes les prescriptions d’antibiotiques au Canada. La profession dentaire peut faire sa part pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens. «Les antibiotiques sont très importants en médecine dentaire, confie la Dre Susan Sutherland, cheffe du service de médecine dentaire au Sunnybrook Health Sciences Centre et présidente de l’Association canadienne des dentistes en milieu hospitalier. Nous avons vraiment besoin de ces médicaments, et vraiment besoin qu’ils soient efficaces contre les infections». Elle reconnaît que les infections dentaires étaient l’une des principales causes de décès il y a quelques siècles. «Mais la recherche a montré que jusqu’à 80 % des antibiotiques prescrits par les dentistes pourraient être inutiles», admet-elle. L’organisme Choisir avec soin, qui travaille à limiter les examens et les traitements inutiles, recommande aux dentistes de ne pas prescrire d’antibiotiques contre un mal de dents ou un abcès dentaire localisé. Les maux de dents surviennent lorsque la pulpe dentaire est endommagée par une carie, un traumatisme ou une obturation de grande taille. La douleur intense est causée par l’inflammation de la pulpe et des tissus entourant la racine, et non Comment influencer les pratiques d’utilisation des antibiotiques en médecine dentaire? L’emploi abusif d’antibiotiques en médecine dentaire, par opposition à la médecine générale, fait rarement l’objet d’une attention publique ou scientifique1. Les dentistes déclarent prescrire des antibiotiques par volonté d’éviter des complications cliniques, par peur de perdre un patient ou en raison de l’insistance perçue de la part des patients. Selon un article paru dans Virulence2, « les médecins prescripteurs d’antimicrobiens ont une double responsabilité quelque peu contradictoire. D’une part, ils veulent offrir un traitement optimal à chaque patient dont ils s’occupent; d’autre part, ils ont la responsabilité, envers ce même patient et les prochains et envers la santé publique, de préserver l’efficacité des antibiotiques et de réduire le plus possible la progression de la résistance». Les autrices suggèrent que la résistance aux antimicrobiens et l’utilisation appropriée des antibiotiques soient abordées à toutes les étapes de la formation des médecins. Une petite étude menée aux États-Unis a montré qu’après avoir été formés à l’utilisation raisonnée des antibiotiques par des experts en maladies infectieuses, les dentistes rationalisaient la prescription d’antibiotiques3. Une étude canadienne sur la prescription d’antibiotiques contre les infections des voies respiratoires et les infections urinaires a montré que des efforts de sensibilisation auprès des médecins étaient assez efficaces et suggère que des cours de formation continue sur l’utilisation rationnelle des antibiotiques seraient utiles pour tous les médecins4. Références : 1. Löffler C, Böhmer F. The effect of interventions aiming to optimise the prescription of antibiotics in dental care—A systematic review. PLoS ONE. 2017. 12(11): e0188061. 2. Pulcini C, Gyssens IC. How to educate prescribers in antimicrobial stewardship practices. Virulence. 2013 Feb 15;4(2):192-202. 3. Goff DA, Mangino JE, Trolli E, Scheetz R, Goff D. Private Practice Dentists Improve Antibiotic Use After Dental Antibiotic Stewardship Education From Infectious Diseases Experts. Open Forum Infect Dis. 2022 Jul 25;9(8):ofac361. 4. Leis JA, Born KB, Ostrow O, Moser A, Grill A. Prescriber-led practice changes that can bolster antimicrobial stewardship in community health care settings. Can Commun Dis Rep. 2020 Jan 2;46(1):1-5. 23 Numéro 3 | 2025 | Point de mire

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