croato-américain Milislav Demerec a montré que la résistance aux antibiotiques apparaissait spontanément dans les cultures bactériennes à la suite de mutations génétiques aléatoires, qui se produisent rapidement dans les bactéries. L’exposition à un antibiotique en tant que telle ne menait pas directement à des mutations, mais elle permettait aux bactéries résistantes ayant muté de l’emporter sur les bactéries sensibles aux antibiotiques. La résistance aux antimicrobiens était une conséquence inévitable de la nature même des micro-organismes. Mais plusieurs facteurs en ont accéléré l’apparition. Le développement rapide de plusieurs types d’antibiotiques en peu de temps a entraîné une surutilisation générale chez l’humain. Dans l’agriculture industrielle, les antibiotiques ont été utilisés en prophylaxie pour le bétail afin d’augmenter les taux de croissance et de prévenir les maladies. Les premières recherches semblaient montrer la possibilité que des bactéries résistantes se propagent du bétail à l’humain, mais le domaine agricole continue d’utiliser des antibiotiques d’importance clinique. Depuis les années 1970, la recherche sur les antibiotiques est au point mort et les projets de recherche sur de nouveaux antibiotiques stagnent, très peu ayant atteint l’étape des essais cliniques. Pourquoi la recherche sur les antibiotiques est-elle au point mort? Seulement 5 des 20 sociétés pharmaceutiques ayant pris part à la recherche d’antibiotiques dans les années 1980 sont encore investies dans ce domaine4. La plupart des géants pharmaceutiques ont abandonné la recherche d’antibiotiques, et cette responsabilité a été reprise par de petites sociétés, des universités, de jeunes pousses et des entreprises de biotechnologie. Mais comment en sommes-nous arrivés là? À mesure que les taux de mortalité attribuables au cancer et aux maladies cardiaques augmentaient et que ceux attribuables aux maladies infectieuses diminuaient, les marges économiques pour la mise au point de nouveaux antibiotiques se rétrécissaient. Le rythme de découverte de nouveaux antibiotiques a ralenti, et les quelques médicaments spécialisés mis au point pour vaincre la résistance aux antimicrobiens sont devenus coûteux. Les antimicrobiens Chaque année, les infections causées par des bactéries antibiorésistantes tuent environ 1,27 million de personnes dans le monde. En 2018, environ un million d’infections bactériennes ont été signalées au Canada, dont un quart étaient résistantes aux antibiotiques de première intention. Les antibiotiques sont un type d’antimicrobiens, un nom plus général qui inclut une variété de médicaments contre les infections causées par des micro-organismes. Les antibiotiques servent à traiter les infections bactériennes, tandis que d’autres antimicrobiens servent à traiter les infections causées par des virus, des champignons ou des parasites. Une classe d’antibiotiques est un groupe d’antibiotiques qui partagent une structure chimique et des propriétés semblables. Les antibiotiques peuvent être classés en fonction de leur nature chimique, de leur mode d’action ou de leur spectre d’activité. Un traitement de première intention contre une affection donnée en est un que la plupart des médecins prescrivent aux patients n’ayant pas déjà reçu un traitement, généralement parce qu’il est d’une grande efficacité et d’un faible risque relatif. Si ce traitement est inefficace, le médecin passera à un traitement de deuxième intention. Causes de la résistance aux antimicrobiens Les micro-organismes sont des organismes vivants qui mutent au fil du temps. Comme tout ce qui vit, ils se reproduisent, survivent et se propagent aussi rapidement que possible. Les microorganismes s’adaptent à leur environnement et évoluent pour continuer à vivre. Waksman a défini un antibiotique comme «un composé, produit par un microbe, qui détruit d’autres microbes». Louis Pasteur, le chimiste et pharmacien français qui a découvert les principes de la vaccination, de la fermentation microbienne et de la pasteurisation, un processus qui porte son nom, a avancé au XIXe siècle que les microbes pourraient sécréter des substances pour tuer d’autres bactéries. Les micro-organismes coexistent dans tous les milieux de la planète et se disputent les ressources. Parfois, ils établissent des relations symbiotiques avec d’autres micro-organismes. D’autres fois, ils cherchent à se détruire mutuellement par des enzymes ou des substances chimiques. Des scientifiques comme Waksman ont trouvé des moyens d’utiliser ces composés à l’avantage de l’humain. Les chercheurs ont voulu comprendre comment la résistance s’est développée et savoir si les antibiotiques eux-mêmes jouaient un rôle dans la diminution de leur efficacité. Dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, le généticien 22 | 2025 | Numéro 3 Point de mire
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