Restaurations molaires sur double implant : une solution de rechange
à l’utilisation de larges implants

Michael Moscovitch, DDS, CAGS – Prosthodontie •

Sommaire

La restauration de dent unique est devenue une des interventions les plus pratiquées en dentisterie sur implant, les progrès réalisés dans la conception de l’interface pilier-implant, l’élargissement de la plate-forme des implants et l’usage accru des restaurations scellées ayant contribué à améliorer sensiblement cette procédure. Cependant, les limites imputables au volume osseux sous-jacent et aux lourdes charges occlusales, avec ou sans habitudes parafonctionnelles, expliquent toujours les problèmes occasionnels liés à la stabilité des restaurations.

Il a été démontré que l’utilisation de 2 implants pour la restauration d’une molaire élimine les problèmes liés au volume osseux et à la stabilité de la prothèse. La taille des implants et des composants prothétiques connexes était jusqu’à maintenant un des principaux obstacles à l’usage répandu de cette technique. Le présent article porte sur l’utilisation de 2 implants pour le remplacement d’une seule molaire, au moyen des implants et des composants prothétiques du système Astra Tech Dental Implant.

Mots clés MeSH : dental implantation, endosseous/methods; dental implants, single-tooth; dental prosthesis, implant-supported/methods

© J Can Dent Assoc 2001; 67(9):535-9
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.


La restauration implanto-portée d’une seule molaire posait jusqu’à maintenant un défi, tant au niveau de la forme que du fonctionnement. En effet, les dimensions mésio-distales d’une molaire dépassent celles de la plupart des implants standards (3,75 à 4,0 mm), d’où le risque de surcharge fonctionnelle pouvant mener à l’échec des dispositifs de rétention ou de l’implant1. Autre conséquence de ces contraintes d’ordre dimensionnelle influant sur les restaurations molaires sur implants standards (Ill. 1a, 1b, 2a, 2b) consiste en des contours défavorables pouvant nuire à l’esthétique et mener à une mauvaise hygiène2.

Les améliorations apportées au cours des dernières années au niveau de la stabilité des composants viennent de l’élargissement de la plate-forme des implants, l’utilisation de vis plus solides, l’application de forces de rotation plus élevées sur les vis de rétention, la conception de modèles hexagonaux plus larges sur les implants à dessus plat et la mise au point de dispositifs d’assemblage internes, par exemple des cônes et des configurations hexagonales ou octogonales. Ces améliorations ont contribué au plus grand succès des restaurations molaires3.

L’utilisation d’implants de large diamètre est limitée par la capacité d’insérer ces implants dans les sites récepteurs osseux en raison des dimensions bucco-linguales réduites, et certains rapports font état d’une plus grande perte de la crête osseuse, si on les compare aux implants de diamètre standard1. De plus, la plupart des restaurations sur implants uniques plus larges ont toujours tendance à se desserrer et à entraîner ainsi la défaillance des composants3. Dans la partie postérieure de la cavité buccale, la densité et le volume osseux sont souvent réduits. En revanche, les forces occlusales sont plus grandes dans cette région et peuvent, avec ou sans habitudes parafonctionnelles, facilement compromettre la stabilité des restaurations4.

Les implants de large diamètre sont indiqués là où l’espace molaire est restreint (8 à 11 mm) et où la largeur de la crête est supérieure ou égale à 8 mm1. Les paramètres cliniques à l’appui d’une restauration proposée devraient être évalués avec soin en regard de la variété d’implants et de composants disponibles, quant à leur diamètre, à la configuration de la plate-forme et aux dispositifs d’assemblage3. Bon nombre des nouveaux systèmes de restauration ont donné des résultats prometteurs lors de récents essais cliniques3,5,6. La plupart des articles publiés récemment portent sur les systèmes Brånemark, Astra Tech, ITI-Straumann et Endopore et certains sur Friadent, Calcitek et Implant Innovations3.

Selon certains, il serait avantageux, dans bien des cas mettant en cause des dents plus larges, si les implants larges de dimensions occluso-apicales uniformes avaient une racine conique qui offrirait plus de flexibilité pour la mise en place et si le contour occlusal de l’implant était ovale plutôt que circulaire7. D’autres, notamment Davarpanah et autres,1 Balshi et autres,4 English et autres7 et Bahat et Handelsman8, ont proposé que l’usage d’implants multiples pourrait offrir la solution idéale aux restaurations d’une seule molaire. La plupart des implants standards et des composants prothétiques connexes, lorsqu’utilisés pour supporter une restauration molaire sur double implant, n’entrent pas dans l’espace occupé par la molaire, à moins que cet espace n’ait été élargi (12 mm ou plus)4. L’auteur est d’avis que la technique par double implant requiert l’utilisation d’un implant solide et stable d’un diamètre minimal de 3,5 mm et, idéalement, les composants prothétiques connexes ne devraient pas dépasser ces dimensions.

L’implant de 3,5 mm de diamètre (Ill. 3), mis au point par Astra Tech Dental Implant System (Molndal, Suède), confère la stabilité fonctionnelle et les contours exigés des doubles implants, pour tous les espaces molaires normaux et offre une solution de rechange à l’utilisation de l’implant ovale mentionné précédemment. Cet implant consiste en un dispositif vissé cylindrique avec une surface de dioxyde de titane. Les composants prothétiques s’insèrent dans un récepteur conique. Des composants pour restaurations vissées et scellées sont offerts3.

Études de cas

Le premier cas (Ill. 4a, 4b, 4c) illustre le remplacement de la première molaire mandibulaire droite.

Les 2 implants standards Astra Tech de 3,5 mm de diamètre ont été mis en place dans un espace édenté depuis longtemps, préalablement restauré par un pont lié à la résine. La deuxième molaire mandibulaire droite a dû être restaurée au moyen d’une couronne complète normale à cause d’une lésion carieuse, et un traitement endodontique subséquent a été pratiqué.

L’implant mésial a été mis en place dans la face buccale pour permettre l’engagement de la corticale. L’implant distal a été posé dans la face linguale, pour la même raison. Une période de cicatrisation de 4 mois a été observée avant de procéder à la restauration. Des piliers coniques standards d’une angulation de 20º ont été choisis pour la restauration vissée. En raison des dimensions et de la conception parallèle de ces implants, et compte tenu du fait que les piliers ne dépassaient pas la face extérieure du corps de l’implant, un septum osseux suffisant a pu être maintenu et les tissus mous entre les implants sont demeurés en bon état. Une couronne métallo-céramique d’un contour visant à faciliter l’hygiène buccale a été fabriquée. De plus, l’espace entre les implants a été conçu de manière à permettre l’usage d’une brosse interproximale. L’occlusion a été équilibrée en fonction de l’occlusion habituelle du patient. Cet implant sur vis laisse suffisamment d’espace pour mettre en place une infrastructure métallique stable pour supporter la céramique et permettre l’hygiène buccale.

Le deuxième cas (Ill. 5a, 5b, 5c) montre le remplacement d’une dent manquante à la suite d’une fracture, au niveau de la première molaire supérieure gauche. Deux implants standards Astra Tech de 3,5 mm de diamètre ont été mis en place immédiatement après l’extraction et une greffe osseuse du sinus a été pratiquée simultanément. Une période de guérison de 9 mois a été observée avant de procéder à la restauration. Comme dans le cas précédent, des piliers standards d’une angulation de 20º ont été utilisés, et une couronne métallo-céramique a été fabriquée. Cependant, la face linguale de la cuspide linguale a été faite uniquement de métal, car l’espace était trop limité pour utiliser de la céramique et pour maintenir le contour lingual en harmonie avec la dent adjacente. Dans le cas illustré ici, la restauration sur double implant pourrait s’avérer particulièrement utile pour assurer la stabilité à long terme, en raison des antécédents de bruxisme qui a contribué à la perte initiale de la dent. Un protecteur occlusal en résine acrylique a été préparé pour le patient, au maxillaire supérieur.

Le troisième cas (Ill. 6a, 6b, 6c) propose une méthode alternative pour la restauration d’une première molaire mandibulaire droite manquante. Dans cet exemple, une mésostructure en or a été fabriquée sur mesure en laboratoire et a été fixée au moyen de 2 vis, à des piliers standards d’une angulation de 20º. Une couronne de porcelaine et de métal a ensuite été scellée sur cette structure. Dans ce cas, le contour nécessaire au maintien de l’hygiène a été établi au niveau de la mésostructure, et les marges de la couronne ont été laissées en position supra-gingivale.

Discussion

Lorsque cela est indiqué, la mise en place de 2 implants pour supporter une restauration à une seule dent peut conférer une plus grande stabilité1,4. Les 2 implants peuvent être mis en place de façon parallèle, être décalés l’un de l’autre dans l’axe bucco-lingual ou se chevaucher dans l’axe mésio-distal; ils peuvent aussi être posés à différents angles l’un par rapport à l’autre. Les doubles implants offrent non seulement une plus grande surface de contact osseux, mais il est en outre plus facile d’assurer une mise en place optimale de chacun qu’avec les implants plus larges1,4,7,8. La rétention et la stabilité au niveau de la crête osseuse, par ce traitement, sont comparables à celles obtenues avec les autres applications du Astra Tech System9,10. Enfin, les tissus mous et durs réagissent généralement très bien à ce type d’implant et il est facile d’obtenir de bons résultats9,10.

Les restaurations se prêtent à un dispositif de rétention vissé ou scellé, ce dernier pouvant être réalisé au moyen de tenons préfabriqués individuels, modifiés au besoin, ou de piliers coulés sur mesure, jumelés ou non (Ill. 6a). De plus, les embrasures mésiale et distale, de même que l’espace entre les implants (pour assurer l’hygiène), peuvent être conçus de manière à permettre le passage de la soie et de l’enfileur ou de petites brosses interdentaires. On peut enfin utiliser des matériaux de restauration faits d’un mélange métal-céramique, entièrement de métal ou entièrement de céramique, selon les besoins fonctionnels et esthétiques du patient.

Les cas cliniques illustrés ici font partie d’un groupe de 20 restaurations molaires sur double implant pratiquées sur 19 patients (2 restaurations ayant été pratiquées chez le même patient), entre 1994 et 2001. De ce nombre, 16 étaient des restaurations mandibulaires et 4, des restaurations maxillaires. Toutes les restaurations sont toujours fonctionnelles et aucun patient n’a souffert jusqu’à maintenant de complications ou de réactions négatives au niveau des tissus mous ou durs. En général, tous les implants ont été mis en place conformément aux instructions du fabricant, et des procédures de régénération osseuse connexes ont été utilisées pour réduire au minimum l’irrégularité de la crête osseuse. Une période post-chirurgicale de 4 à 9 mois a été observée, selon la qualité de l’os et les procédures de régénération pratiquées au moment de la pose. La mise en place de la prothèse a ensuite été faite selon les méthodes habituelles, selon qu’il s’agissait d’un implant vissé ou scellé. Le contact occlusal a été corrigé en fonction de l’occlusion centrée et des excursions latérales acquises par le patient. Les ouvertures d’accès des restaurations vissées ont été scellées au moyen d’un matériau composite. Les couronnes scellées l’ont été à l’aide d’un cément provisoire (Temp Bond, Kerr Manufacturing, Orange, CA, É.-U.). Des radiographies ont été prises immédiatement après l’intervention puis, dans la mesure du possible, à intervalles d’un an.

L’utilisation de 2 implants pour supporter une restauration molaire comporteraient plusieurs avantages à l’utilisation d’un seul implant, plus large. Ainsi, la première solution offre une surface plus large pour supporter la restauration, à la fois dans les axes mésio-distal et bucco-lingual. Le dentiste dispose en outre d’une plus grande marge de manoeuvre pour assurer une pose optimale dans les sites récepteurs osseux restreints, sans perforer les plaques corticales, et il s’ensuit une meilleure rétention au niveau de la crête osseuse. L’utilisation de 2 implants diminue également le risque de desserrement sous l’action des forces normales ou parafonctionnelles et pourrait aussi réduire le risque de surcharge occlusale. Cette méthode offre en outre un plus grand choix quant au type de restauration, entre les techniques scellées ou vissées. Par ailleurs, le coût potentiellement plus élevé peut être compensé par la diminution des risques d’échec de l’implant ou de la restauration, à la suite des complications mentionnées précédemment. Enfin, le double implant ne requiert aucun composant ni aucune intervention spéciale qui diffère de ceux exigés pour les autres types de restauration.

Conclusion

La méthode décrite ici pour la restauration d’une molaire sur 2 implants offre aux cliniciens une solution de rechange à l’utilisation de larges implants pour le traitement de cas auparavant associés à des problèmes inattendus liés à la perte graduelle de l’intégrité de l’os et de la restauration. 


Le Dr Moscovitch est professeur adjoint en clinique en prosthodontie postdoctorale au département des sciences de restauration et des biomatériaux, Université de Boston, Goldman School of Dental Medicine, Boston (Mass).

Écrire au : Dr Michael Moscovitch, 4150, rue Ste-Catherine O., bureau 370, Westmount (Qué.) H3Z 2Y5. Courriel : mospros@total.net

L’auteur n’a aucun intérêt financier déclaré dans la ou les sociétés qui fabriquent les produits mentionnés dans cet article.


Références

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2. Graves SL, Jansen CE, Siddiqui AA, Beaty KD. Wide diameter implants: indications, considerations and preliminary results over a two-year period. Aust Prosthodont J 1994; 8:31–7.

3. Binon PP. Implants and components: entering the new millennium. Int J Oral Maxillofac Implants 2000; 15(1):76-94.

4. Balshi TJ, Hernandez RE, Pryszlak MC, Rangert B. A comparative study of one implant versus two replacing a single molar. Int J Oral Maxillofac Implants 1996; 11(3):372-8.

5. Kemppainen P, Eskola S, Ylipaavalniemi P. A comparative prospective clinical study of two single-tooth implants: a preliminary report of 102 implants. J Prosthet Dent 1997; 77(4):382-7.

6. Norton MR. The Astra Tech Single-Tooth Implant system: a report on 27 consecutively placed and restored implants. Int J Periodontics Restorative Dent 1997; 17(6):574-83.

7. English C, Bahat O, Langer B, Sheets CG. What are the clinical limitations of wide-diameter (4 mm or greater) root-form endosseoous implants? Int J Oral Maxillofac Implants 2000; 15(2):293-6.

8. Bahat O, Handelsman M. Use of wide implants and double implants in the posterior jaw: a clinical report. Int J Oral Maxillofac Implants 1996; 11(3):379-86.

9. Karlsson U, Gotfredsen K, Olsson C. A 2-year report on maxillary and mandibular fixed partial dentures supported by Astra Tech dental implants. A comparison of 2 implants with different surface textures. Clin Oral Implants Res 1998; 9(4):235-42.

10. Makkonen TA, Holberg S, Niemi L, Olsson C, Tammisalo T, Peltola J. A 5-year prospective clinical study of Astra Tech dental implants supporting fixed bridges or overdentures in the edentulous mandible. Clin Oral Implants Res 1997; 8(6):469-75.