Occlusion : la norme des soins

Randall Dale, B.Sc., DDS, FICCMO, FIAO •

© J Can Dent Assoc 2001; 67:83-5


«Une nouvelle vérité scientifique ne triomphe pas parce qu’elle convainc ses opposants et leur fait voir la lumière, mais plutôt parce que ses opposants meurent et qu’une nouvelle génération grandit avec elle.»

— Max Planck (physicien allemand, 1858-1947)

En tant que groupe, les dentistes sont les spécialistes de l’occlusion. Nous sommes responsables de l’harmonie physiologique des articulations temporo-mandibulaires, de la musculature masticatoire et des dents. Personne ne peut sérieusement argumenter que l’occlusion n’a pas de lien étroit avec les articulations et les muscles1. L’occlusion se limite à la capacité d’adaptation des articulations et des muscles. Sinon, il y a souffrance physiologique conduisant inévitablement à la douleur et au dysfonctionnement2.

Faisons-nous de notre mieux pour nous assurer que notre spécialité, l’occlusion, assure l’harmonie physiologique entre les dents, le muscle et l’os? Pour donner une réponse courte, non. Sur un plan optimiste toutefois, la norme des soins s’élève. Des sous-groupes de notre profession — l’Association internationale des orthodontistes, l’Association américaine des orthodontistes fonctionnels et le Collège international de l’orthopédie crânio-mandibulaire — sont à l’avant-garde de ce progrès. Les ramifications de cette science dépassent les limites de l’orthodontie.

Les faits appuient le point de vue que la méthode enseignée pour trouver la «relation centrée» n’était pas bonne. La position la plus reculée et la plus élevée des condyles empiète sur les tissus rétrodiscaux délicats, favorise la subluxation du ménisque et n’est pas dans la meilleure position pour subir la pression des muscles puissants de la mastication. Les articulations saines fonctionnent dans un mouvement «vers le bas et l’avant» connu comme étant la position Gelb 4/73. À la radiographie, les patients qui souffrent d’un problème temporo-mandibulaire (PTM) ont le plus souvent les condyles déplacés vers le haut et l’arrière, ce qui compresse les tissus nerveux et vasculaires et active donc les nocicepteurs. C’est l’occlusion qui «barre» la mandibule dans une position reculée puisque les stimuli afférents proprioceptifs qui proviennent des ligaments alvéolo-dentaires affectent la posture des muscles4. Il en résulte une douleur musculaire et la formation d’un point-déclic avec modèles de douleur référents5.

Jusqu’à récemment, nous n’avons pas été en mesure de localiser la véritable position de repos de la mandibule dépourvue d’interférence posturale musculaire. En tant que spécialistes de l’occlusion, nous devrions être capables de le faire. L’électromyographie en surface (Myotronique, biorecherche) montre clairement l’activité surélevée musculaire qui résulte de la nociception due à la malocclusion. De plus, elle montre clairement les niveaux de repos normaux après une neurostimulation transcutanée en surface. La cinésiologie mandibulaire informatisée démontre très clairement la position occlusale centrée habituelle, la véritable position de repos mandibulaire et la myotra jectoire pour obtenir une position occlusale neuromusculaire paisible6. Dans cette position, les condyles bougent vers le bas et l’avant, décompressant les tissus rétrocondyliens non porteurs et permettant la fonction physiologique des muscles. Se servir de la position occlusale neuromusculaire nous assure d’une relation efficace entre les os, les muscles et les dents. C’est notre responsabilité.

Cette approche objective, fondée sur la science et assistée par la bioinstrumentation, est pratiquée par plusieurs et donne des résultats remarquables. Les applications sont vastes. Les patients qui sont vus à des fins d’orthodontie, de prothèse fixe ou amovible, de parodontie, de PTM, de traumatismes et pour plusieurs autres raisons en sont les bénéficiaires. La thérapie qui vise à prévenir les PTM rapporte à toutes les parties. Il est évident que les PTM peuvent être plurifactoriels et qu’une approche de traitement ne vaudra pas pour tous, mais les jours où l’on posait arbitrairement une attelle, équilibrait et prescrivait des analgésiques et des myorelaxants disparaissent au profit d’une médecine objective fondée sur la science. Une fois que nous avons établi fermement l’harmonie physiologique à l’aide de cette approche, la capacité et la portée de notre pratique augmentent de façon impressionnante. Les cas complexes de prothèse fixe peuvent se réaliser avec confiance. Comme les recherches statistiques ne sont pas allées de pair avec la technologie, le traitement de la phase 2 manque actuellement de support. Cette nouvelle «fenêtre» qu’ouvre la bioinstrumentation montre clairement ce qui fait défaut et comment solutionner le problème. Évidemment, placez d’abord une orthèse réversible à votre patient. Cependant, une fois que la douleur et le dysfonctionnement auront été réglés depuis des mois, laisserez-vous le patient porter une volumineuse pièce de plastique temporaire odoriférante pour le restant de ses jours ou le traiterez-vous en recourant à la prothèse ou à l’orthodontie? Que préféreriez-vous si vous étiez le patient? Qu’il suffise de dire qu’une fois la fonction rétablie sainement de manière objective, la phase 2 est souvent dans le meilleur intérêt du patient.

Le traitement réversible de la phase 1, associé aux thérapies pratiquées par des professionnels de la santé connexes, augmente considérablement la qualité de vie de nos patients. Pourquoi y a-t-il une résistance à localiser objectivement la position occlusale neuromusculaire? Dans le passé, l’ignorance était une excuse acceptable. Aujourd’hui, les divergences d’opinion relèvent davantage de la politique que de la science. Au centre de ces divergences, il y a la question de l’argent7. Les sociétés d’assurance ont réussi à esquiver leur responsabilité, comme si les PTM n’étaient pas une réalité. Dans le même ordre d’idées, les universitaires ont leur propre position — obtenir des subventions de recherche, solliciter la reconnaissance de leur spécialité et défendre les méthodes désuètes qu’ils enseignent encore — mais cette position n’empêchera pas le progrès scientifique objectif. La bioinstrumentation a reçu le «sceau d’approbation» de l’Association dentaire américaine. L’ADC est-elle en retard? Si nous avons l’intention de perpétuer le mythe de la relation centrée plutôt que d’opter pour la position occlusale neuromusculaire, il y aura des conséquences. Des personnes raisonnables qui agiront à titre de jurés dans nos tribunaux prendront la décision finale. Si nous voulons être des chefs de file de la santé bucco-dentaire dans notre pays, nous devons reconnaître la preuve scientifique et aller de l’avant en faisant la promotion de l’orthopédie fonctionnelle de la mâchoire et de l’occlusion neuromusculaire. Compte tenu qu’il «est possible de démontrer un lien causal tel que la gestion occlusale réussie de certains problèmes myogènes entraînant une amélioration répétée des paramètres et des symptômes pertinents»7, la gestion occlusale non réussie peut avoir un rapport causal avec certains de ces problèmes. Le traitement occlusal non réussi est souvent le résultat de forces distalisantes qui agissent sur la mandibule et de la perte de la dimension verticale postérieure.

Soyez sur vos gardes, la norme des soins s’élève. La vibratologie des articulations, les techniques d’imagerie modernes, l’électromyographie, la localisation de la mâchoire et la neurostimulation transcutanée nous permettent de suivre notre traitement avec une précision objective. Actuellement, les facultés de médecine dentaire les plus progressistes se servent de cette technologie. Nous devons accepter cette science et commencer à l’appliquer pour que tous en profitent. Ne soyez pas sur la défensive à son égard. Adoptez-la comme un nouvel outil thérapeutique qui vous donne la confiance d’étendre la portée de votre pratique.


Le Dr Dale exerce maintenant dans un cabinet privé à Keller (Texas).

L’auteur n’a aucun intérêt financier déclaré dans la ou les sociétés qui fabriquent les produits mentionnés dans cet article.

Les vues exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques officielles de l’Association dentaire canadienne.


Références

1. Mulrooney R. Les controverses au sujet des troubles de l’ATM — un deuxième avis. J Can Dent Assoc 1998; 64(7):529-30.

2. Travell J, Simons D. Myofascial pain and dysfunction, the trigger point manual. Vol 1. Upper half of body. 2nd ed. Baltimore, MD: Williams and Wilkins; 1999.

3. Witzig J, Spahl T. The clinical management of basic orthopedic appliances. Vol III. Temporomandibular joint. St. Louis, MI: Mosby-Year Book Inc.; 1991.

4. Dale R. TMD: it’s our responsibility. J Gen Orthod 1999; 10(3):15-20.

5. Mackley RJ. The role of trigger points in the management of head, neck and face pain. Funct Ortod 1990; 7(5):4-14.

6. Jankelson R. Neuromuscular diagnosis and treatment. St. Louis (MI): Ishiyaku Euro America Inc., Publishers; 1990.

7. Moses A. Politics, philosophy and “TMD”, anthology Vol V. Seattle, WA: The International College of Cranio-Mandibular Orthopedics; 1999.