La science et l’éthique de la fluoruration de l’eau — Réplique

Mary McNally, MSc, DDS •
• Jocelyn Downie, MA, MLitt, LLM, SJD • 

© J Can Dent Assoc 2001; 67(10):580


Bien que les Drs Cohen et Locker aient utilisé une approche philosophique différente pour aborder le problème éthique posé par la fluoruration de l’eau, une grande partie de leurs observations est semblable aux nôtres. Nous comprenons qu’il s’agit d’un problème politique important en dentisterie organisée; nous comprenons que la littérature scientifique actuelle sur le sujet donne des arguments faibles et que des recherches scientifiques de meilleure qualité doivent être entreprises (même si nous pensons que de telles recherches devraient inclure des paramètres économiques et socioéconomiques); nous comprenons également que les dimensions morales des problèmes concernant les politiques publiques sont complexes et difficiles à résoudre. La conclusion de ces auteurs déclarant qu’il existe un conflit non résolu entre la bienfaisance et l’autonomie est parfaitement exacte. En termes simples, ce qui apparaît comme un bienfait aux yeux d’un membre de la société peut s’avérer être une violation des droits et libertés d’un autre individu. Les conflits de valeurs constituent l’essence même du concept de bioéthique.

Alors, que faut-il faire? Actuellement au Canada, certains groupes de population sont alimentés par des systèmes de distribution d’eau fluorurée et d’autres non. La société canadienne se tourne vers l’Association dentaire canadienne (ADC) et la profession en général, afin que celles-ci les épaulent et prennent une position claire à propos des problèmes nécessitant leurs connaissances et leur interprétation en tant que spécialistes. Les Drs Cohen et Locker semblent suggérer que l’ADC ne devrait pas prendre position en faveur de la fluoruration. Ils affirment que «la question morale de la défense de cette pratique est au mieux laissée en suspens ou au pire délibérément bafouée». Nous nous permettons d’élever des objections contre cette affirmation. Même devant des preuves peu claires et en présence d’un conflit entre valeurs et principes abstraits, la profession ne peut pas ne pas prendre position, surtout en sachant que la fluoruration de l’eau a traditionnellement été présentée comme une mesure importante touchant la santé publique. Les recherches nécessaires prendront du temps et l’ADC aura la responsabilité de préconiser le statu quo ou de recommander un changement, lorsque suffisamment de preuves auront été rassemblées. Il semble que nous sommes tous d’accord que l’ADC ne doit pas se montrer intransigeante, et qu’elle doit encourager la poursuite des recherches et une révision de la politique dans le cas où de nouvelles découvertes significatives seraient mises à jour. En tant que responsable de la politique dentaire qui in fluence la vie des Canadiens, l’ADC a aussi la responsabilité de rester à l’écoute des problèmes de justice sociale liés au domaine de la dentisterie. 


Le Dr McNally est professeure adjointe, Département des sciences cliniques dentaires, Faculté de médecine dentaire, Université Dalhousie, Halifax (N.-É.). Elle est membre du Comité de déontologie de l’ADC.

Le Dr Downie est professeure adjointe aux facultés de droit et de médecine et directrice de l’Institut de droit de la santé, Université Dalhousie.

Les vues exprimées sont celles des auteures et ne reflètent pas nécessairement les opinions ou politiques officielles de l’Association dentaire canadienne.