La durabilité des appareils intra-buccaux pour le traitement du ronflement et de l’apnée du sommeil : Autre point de vue

Alan A. Lowe, DMD, Dip. Ortho., PhD, FRCD(C), FACD •

© J Can Dent Assoc 2000; 66:486-7


Au cours de la dernière décennie, nous avons observé une hausse sensible de l’utilisation des appareils buccaux pour le traitement du ronflement et de l’apnée obstructive légère du sommeil, ainsi que pour les patients qui ne tolèrent pas les appareils de ventilation spontanée en pression positive continue. L’apnée obstructive du sommeil est une maladie évolutive qui a de graves conséquences sur le plan cardiovasculaire et du point de vue de la mortalité. L’accroissement de la mortalité associée à cet état est dû non seulement à la progression de la maladie cardiovasculaire, mais également aux erreurs de jugement qui surviennent durant la conduite ou l’utilisation de machineries diverses — ces erreurs étant une conséquence de la somnolence excessive durant le jour souvent observée chez ces patients. Les recherches canadiennes ont permis d’approfondir sensiblement les connaissances dans le domaine de l’apnée obstructive du sommeil. Les résultats récents nous renseignent sur la façon d’utiliser les appareils et sur les appareils qui conviennent le mieux aux différents patients1,2.

Les appareils buccaux titrables, comme les deux décrits par le Dr Tyler, permettent un avancement mandibulaire progressif, ainsi qu’un certain degré de mouvement latéral et vertical de la mâchoire3. Des 57 appareils buccaux actuellement vendus sur le marché, deux appareils couramment utilisés — le Klearway3,4 et le Silencer5 — ont été mis au point au Canada. Le Dr Tyler décrit les défauts de fabrication de ces appareils et ceux des matériaux qui les composent, chez deux patients portant le Klearway et deux autres utilisant le Silencer. Malheureusement, l’auteur ne précise pas la fréquence de ces défauts en proportion du nombre total de ces cas, ni ne fournit aucune information quant à la durée pendant laquelle l’un ou l’autre de ces quatre appareils a été porté. Il semble par ailleurs que les quatre patients étaient fortement enclins au bruxisme — un état qui constitue le plus grand défi pour tout appareil intra-buccal porté durant la nuit. Le bruxisme est ex trêmement fréquent chez les personnes souffrant d’apnée du sommeil 6 et se produirait durant les périodes de réveil nocturne; ce problème serait en outre plus fréquent chez les patients atteints d’apnée à un niveau moins avancé. Lorsque l’architecture du sommeil s’améliore, la fréquence du bruxisme diminue. Les cliniciens expérimentés dans ce domaine informent leurs patients, au début du traitement, que ces appareils ne durent en moyenne que deux ans et qu’il faut les remplacer, comme on le fait pour les verres de contact qui, eux aussi, s’usent et se déforment à l’usage.

Dans son rapport, le Dr Tyler décrit trois types de problèmes — les fissures de l’acrylique, les cassures de fils et le bris des tiges. Les fissures de l’acrylique peuvent survenir n’importe où dans l’appareil, mais elles se remarquent surtout aux extrémités des gouttières en acrylique. À cet égard, la résine d’acrylique thermoactif est plus sensible à de telles fissures que l’acrylique dur obtenu par polymérisation, mais les caractéristiques de rétention nettement supérieures du premier type de résine font plus que compenser pour cet inconvénient. De plus, les fissures simples peuvent être réparées en cabinet, avec de l’acrylique autopolymérisable. À mon cabinet, j’ai constaté que les fissures des extrémités surviennent fréquemment chez les patients qui ne se rincent pas la bouche à l’eau tiède avant d’enlever l’appareil le matin et qui doivent donc appliquer une force excessive pour retirer l’appareil. Les fissures à la jonction entre l’acrylique et le métal se produisent avec tous les appareils intra-buccaux (y compris ceux utilisés en orthodontie et en prosthodontie); aussi ne faut-il pas se surprendre que de tels problèmes surviennent également avec les appareils pour le traitement de l’apnée du sommeil. Il arrive aussi souvent que le fil se sépare de l’acrylique au palais chez les patients qui essaient de retirer la partie qui repose sur les dents inférieures, en ouvrant grand la bouche. Ce mouvement, notamment s’il est appliqué alors que l’appareil n’est pas réchauffé, exerce une force excessive sur la jonction entre la vis et le fil, et ceci peut provoquer des fractures et des fissures dans l’acrylique au moment du retrait de l’appareil ou durant une parafonction subséquente. Si le clinicien soupçonne que son patient souffre de bruxisme marqué, il devrait dès le départ demander qu’on utilise une quantité supplémentaire d’acrylique dur au moment de la fabrication de l’appareil, afin de réduire les risques de fracture à cet endroit. Il faudrait aussi informer tous les patients qui portent des appareils faits de résine acrylique thermoactif qu’ils doivent se rincer la bouche avec de l’eau tiède avant d’enlever l’appareil et qu’ils doivent retirer d’abord la partie qui repose sur l’arc dentaire inférieur en poussant vers le haut et en gardant les mâchoires assez rapprochées l’une de l’autre. Une fois la partie inférieure délogée, ils enlèvent la partie supérieure en poussant vers le bas, jusqu’à ce que l’appareil se détache et sorte de la bouche. Ces instructions, qui ont été définies à la lumière de l’expérience acquise auprès de plusieurs centaines de patients, sont fournies avec chaque appareil Klearway.

Quant aux bris qui se produisent à la jonction entre la vis et le fil, il arrive que les soudures au laser cèdent et qu’un des fils antérieurs se sépare de la vis et se desserre dans la bouche durant le sommeil, pendant que le patient nettoie l’appareil, ou même lorsque le dentiste tente d’ajuster le fil à la jonction de la vis ou ailleurs. Il faut savoir qu’il n’existe pas encore de métal idéal pour les appareils intra-buccaux, et que des bris se produisent à cause du durcissement du métal, de défauts de fabrication, d’une mauvaise utilisation de la part du patient et de bien d’autres facteurs. Il existe également d’autres types fréquents de bris qui ne sont pas reliés au traitement de l’apnée du sommeil; mentionnons par exemple des sections d’arcs orthodontiques qui se brisent, des crochets Adam qui cèdent à la jonction entre l’acrylique et le fil et les nombreuses défaillances du métal et de l’acrylique des pro thèses partielles. Même si l’auteur prétend qu’un patient «s’était réveillé avec un long segment de fil métallique dans le pharynx» — pour indiquer plus loin que le fil se trouvait dans la gorge du patient — il semble plus probable que cette section de fil se trouvait dans la cavité buccale et non dans les voies respiratoires ou l’oesophage du patient. Les bras antérieurs de l’appareil Klearway mesurent entre 33,0 et 36,0 mm de longueur et ils sont conçus de manière à être extrêmement difficiles à avaler ou à aspirer. Des sections plus petites de fil, comme celles fréquemment utilisées dans les appareils orthodontiques fixes ou amovibles, risquent davantage de poser des problèmes; selon mon expérience, toutefois, de tels phénomènes sont extrêmement rares. Les voies respiratoires et le tube digestif chez les humains sont en effet bien protégés par des mécanismes sensoriels neuronaux complexes qui sont testés régulièrement en dentisterie clinique.

Qu’importe, des bris de fils comme ceux décrits par le Dr Tyler sont très troublants, à la fois pour le clinicien et le patient. Deux options s’offrent au moment de la conception initiale de l’appareil buccal, pour réduire les risques que de tels bris se produisent, et ces options peuvent être précisées sur l’ordonnance. La première est de demander au laboratoire dentaire de souder à l’or une barre horizontale entre les deux tiges antérieures, à environ 5,0-7,0 mm devant la vis. Cette option est souvent celle qui est privilégiée par les cliniciens et les laboratoires de fabrication. Une autre possibilité consiste à placer un coude à l’extrémité des fils antérieurs, à leur sortie des tubes sur la partie inférieure; cette dernière option rend cependant impossible toute séparation ultérieure des deux arcs pour faire des ajustements, des réfections ou des réparations. Comme pour tout appareil intra-buccal, la décision finale revient au clinicien et elle doit être prise au moment où l’ordonnance initiale est envoyée au laboratoire.

Les deux bris sur des charnières en titane, qui se sont produits avec l’appareil Silencer, sont probablement reliés à des facteurs similaires à ceux décrits précédemment. La profession dentaire doit être consciente qu’il n’existe aucun métal, aucune vis, aucune plaque ni aucune tige parfaits pour les usages intra-buccaux, et que des bris peuvent se produire et qu’ils surviennent en fait régulièrement. L’élément important qui distingue les appareils utilisés pour le traitement du ronflement et de l’apnée obstructive du sommeil est que les sujets (et leurs conjoints) deviennent très dépendants de ces appareils pour soulager la somnolence durant le jour, les maux de tête du matin et une myriade d’autres symptômes. La non-utilisation de l’appareil provoque en effet la réapparition des symptômes chez le patient et cette option ne devrait être envisagée qu’en cas d’absolue nécessité, en particulier pour les patients fortement apnéïques. Souvent, un appareil temporaire de type thermoformable est utilisé pendant que l’appareil fait sur mesure est envoyé au laboratoire pour y être réparé.

Enfin, le Dr Tyler insiste sur l’importance de mettre en place «un programme de rappel régulier (...) pour vérifier si l’appareil ne présente aucun défaut», et cette exigence est justifiée. Il faut en outre s’assurer de l’efficacité de ces appareils et y apporter des améliorations au besoin, examiner les appareils pour déceler tout signe d’usure et s’assurer qu’ils sont conformes aux besoins3. En outre, comme dans tout autre type d’intervention, un certain nombre d’effets secondaires à court et à long termes peuvent survenir avec des appareils intra-buccaux. Deux études récentes ont évalué ces effets secondaires en détail7,8, et les cliniciens qui utilisent des appareils buccaux pour le traitement du ronflement et de l’apnée obstructive du sommeil devraient être bien au fait de ces effets potentiels, afin de pouvoir en informer leurs patients à l’avance et de prendre les mesures préventives appropriées, s’il y a lieu.


Le Dr Lowe est professeur et directeur de la Division d’orthodontie, au Département des sciences de la santé bucco-dentaire, à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de la Colombie-Britannique. Courriel : alowe@interchange.ubc.ca

Les recherches menées par l’auteur, et citées dans cet article, ont été subventionnées par le Conseil de recherches médicales du Canada, l’Association pulmonaire de la Colombie-Britannique et le Réseau de centres d’excellence en santé respiratoire Inspiraplex.

Les vues exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques officielles de l’Association dentaire canadienne.


Références

1. Lowe AA. Oral appliances for sleep breathing disorders. In: Kryger M, Roth T, Dement W, editors. Principles and practice of sleep medicine. 3rd ed. Philadelphia: Saunders Co.; 2000. p. 929-39.

2. Pack A, Lenfant C, editors. Pathogenesis, diagnosis and treatment of sleep apnea. New York: Marcel Decker, 2000.

3. Lowe AA, Sjoholm TT, Ryan CF, Fleetham JA, Ferguson KA, Remmers JR. Treatment, airway and compliance effects of a titratable oral appliance. Sleep 2000; 23(Suppl 4):S172-8.

4. Lowe AA. Les appareils buccaux titrables pour le traitement du ronflement et de l’apnée obstructive du sommeil. J Can Dent Assoc 1999; 65:571-4.

5. Ferguson KA, Ono T, Lowe AA, Al-Majed S, Love LL, Fleetham JA. A short-term controlled trial of an adjustable oral appliance for the treatment of mild-moderate obstructive sleep apnea. Thorax 1997; 52:362-8.

6. Sjoholm TT, Lowe AA, Miyamoto K, Fleetham J, Ryan F. Sleep bruxism in patients with sleep disordered breathing. Arch Oral Biol 2000; 45:889-96.

7. Pantin CC, Hillman DR, Tennant, M. Dental side effects of an oral device to treat snoring and obstructive sleep apnea. Sleep 1999; 22:237-40.

8. Clark GT, Sohn JW, Hong CN. Treating obstructive sleep apnea and snoring: assessment of an anterior mandibular positioning device. JADA 2000; 131:765-71.