Les assises de la dentisterie fondée sur les faits

Susan E. Sutherland, DDS •

Sommaire

L’exercice de la dentisterie gagne en complexité et en difficulté. Les nouvelles tendances socio-démographiques, les patients maintenant consommateurs avertis de soins de santé, la rapidité des progrès techniques et l’explosion de l’information sont tous des facteurs qui pèsent lourdement sur la prise de décisions cliniques. La nécessité de disposer d’informations sûres et la révolution électronique se sont conjuguées de manière à ce que puisse évoluer rapidement le «changement de paradigme» en faveur des soins de santé fondés sur les faits. La dentisterie fondée sur les faits supprime l’écart entre la recherche clinique et la pratique dentaire et fournit aux dentistes de puissants moyens pour interpréter et appliquer les résultats des recherches. De prime importance pour l’exercice fondé sur les faits est l’étude méthodique de la littérature, qui résume les meilleures données et fournit une base pour les guides d’exercice clinique.

Mots clés MeSH : dentistry; evidence-based medicine

© J Can Dent Assoc 2000; 66:241-4
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.


L’exercice de la dentisterie présente chaque jour de nombreux défis. Nous tenir au courant des nouveaux matériaux et des nouvelles techniques, satisfaire aux nombreuses exigences de notre petite entreprise et remplir diverses obligations professionnelles sont toutes des tâches qui se disputent notre temps et notre attention. Toutefois, le plus grand défi, celui que les dentistes s’efforcent de relever le mieux, est de prodiguer des soins bucco-dentaires de qualité tout en faisant preuve de compétence, de compassion et d’efficacité.

Lorsque vous songez aux patients que vous avez vus au cours des dernières semaines, certains se distinguent des autres, surtout parce qu’ils ont constitué des «accrocs» dans une journée d’exercice qui sinon s’est bien déroulée. Ces incidents vous ont sans doute laissé avec un vague sentiment de malaise qui ne semble pas vouloir se dissiper. Vous savez que vous essayez, en autant que le temps vous le permette, de vous tenir au courant des dernières informations en lisant des revues et en suivant des cours de formation continue. Pourtant, vous vous demandez si vous n’auriez pas dû en savoir davantage lorsque vous aviez à traiter les problèmes de ces patients en particulier. Pour bon nombre de ces dilemmes cliniques, vous êtes reconnaissant au réseau de spécialistes des conseils qu’il vous donne et des avis que vous prisez. Cependant, vous n’avez pas toujours l’occasion de discuter des questions avec autrui et vous savez que même les experts, et ce n’est pas rare, sont incertains. Vous voudriez qu’il y ait un autre moyen de traiter ces questions cliniques avec plus d’exactitude et d’assurance.

Pour la plupart des praticiens dentistes, ce scénario est familier. La dentisterie clinique gagne en complexité, et nos patients sont plus renseignés. L’Internet et la disponibilité instantanée d’information sur la santé ont créé des consommateurs qui exigent les «tout derniers» tests et traitements. Les caractéristiques socio-démographiques, les coutumes culturelles qui s’y rattachent et les valeurs du patient changent. Les praticiens sont surchargés de données qui, pour la plupart, sont contradictoires, inexactes ou non prouvées. La nécessité de disposer de données sûres et la capacité sans précédent d’y accéder se sont conjuguées pour entraîner un «changement de paradigme» dans la façon dont les soins de santé sont administrés.

Cet article étudie le principe de la dentisterie fondée sur les faits (DFF), y compris quelques-uns des obstacles et des problèmes pour embrasser cette philosophie dans la pratique, et explique comment les «assises» des soins fondés sur les faits — études méthodiques et guides d’exercice clinique — sont utilisées pour intégrer et résumer les données existantes à l’intention des praticiens dentistes.


Le paradigme des soins fondés sur les faits

Les soins fondés sur les faits sont un mouvement global dans toutes les disciplines de la santé. Ce mouvement représente un changement philosophique dans l’approche à l’exercice — un changement qui accorde plus d’importance aux faits qu’aux opinions et, en même temps, plus d’importance au jugement qu’à l’obéissance aveugle aux règlements. Cette approche permet d’établir un lien entre la recherche et les soins donnés quotidiennement aux patients.

L’exercice fondé sur les faits est «l’utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse des meilleures données actuelles pour décider des soins donnés à tout patient»1. C’est un processus consistant à exprimer un problème clinique sous forme de question, à adopter une démarche méthodique pour trouver et évaluer les travaux de recherche pertinents, et à intégrer cette information dans l’expérience clinique afin de gouverner les décisions cliniques2.

Pour comprendre le principe de la DFF, il est utile de préciser ce qu’il n’est pas. Ce n’est pas un «livre de recettes» pour exercer la dentisterie. La DFF exige d’intégrer les meilleures données qui soient dans l’expertise clinique et les préférences du patient et ainsi informe, mais ne remplace jamais, le jugement clinique3. Les soins de santé fondés sur les faits reconnaissent le milieu complexe dans lequel les décisions cliniques sont prises et l’importance des circonstances, des croyances, des attitudes et des valeurs de chaque patient4.

Suivant une opinion erronée courante, l’exercice fondé sur les faits n’est pas faisable ou est inefficace s’il n’y a pas d’essais sur échantillon aléatoire et contrôlé. Bien que les essais randomisés constituent la «règle d’or» pour juger les interventions thérapeutiques, il se peut qu’ils ne soient pas disponibles ou ne soient pas le modèle de recherche indiqué pour répondre à d’autres types de questions cliniques. L’exercice fondé sur les faits est une approche pratique aux problèmes cliniques, qui implique de dénicher les meilleures données disponibles, d’en évaluer la validité et d’utiliser des «règles d’évidence» pour les noter en fonction de leur solidité5.

La DFF n’est pas un moyen pour permettre aux universitaires de salon de s’isoler dans une tour d’ivoire. Elle relève plutôt du praticien dentiste. Bien que bon nombre des aptitudes pour dépouiller la littérature et en faire une évaluation critique n’aient pas été enseignées dans le passé, la plupart des facultés de médecine et de dentisterie incluent maintenant les principes de l’exercice fondé sur les faits dans leurs programmes d’études. Il se trouve de plus en plus d’ouvrages visant à aider les cliniciens praticiens à acquérir les aptitudes voulues pour se servir des données comme d’un guide d’exercice. On a démontré que les cliniciens de différentes formations peuvent, à n’importe quel moment de leur carrière, apprendre les méthodes fondées sur les faits6.

Enfin, l’exercice fondé sur les faits n’est pas une méthode dépassée que tout le monde utilise déjà dans la pratique quotidienne. Le fait que les données fournies par la recherche scientifique ont posé la base du savoir et ont toujours constitué le fondement d’une pratique judicieuse pour la profession dentaire n’est pas contesté. Cependant, le contexte qui a favorisé le changement et ce qui a rendu la pratique de la DFF possible est la révolution électronique. Des données fournies par la recherche peuvent maintenant être obtenues instantanément au niveau de «l’utilisateur» par les dentistes ou les patients. Parce que la qualité des comptes rendus de recherche et, par conséquent, l’exactitude des conclusions tirées varient énormément, les dentistes ont besoin d’outils pour bien interpréter et bien appliquer les données. «L’explosion de l’information» et la quantité de temps restreinte pour se tenir au courant de la littérature ont rendu la méthode fondée sur les faits précieuse et efficace pour distinguer avec compétence ce qui est vraiment important de ce qui ne l’est pas pour prendre une décision clinique7.


Études méthodiques

Le fondement de la méthode fondée sur les faits est l’étude méthodique de la littérature qui diffère de beaucoup de l’étude narrative. L’étude narrative (le compte rendu traditionnel) est habituellement de portée générale, est rédigée par des experts et est souvent de caractère informel et subjectif, en appuyant les vues de l’auteur. Les études faites par différentes autorités peuvent en arriver à des conclusions différentes, poussant le lecteur à se demander où se trouve vraiment la «vérité». Bien que les études narratives soient utiles pour donner un aperçu général et conviennent pour donner l’historique d’un problème ou de sa gestion8, leur choix des matières étudiées est partial, et leurs conclusions générales peuvent manquer d’exactitude.

Les études méthodiques font appel à des normes explicites pour extraire, évaluer et résumer des données. Elles sont entreprises avec la même rigueur que celle qu’on attend d’une recherche originale, chaque point étudié étant traité comme une «unité d’analyse» et utilisant des critères d’admissibilité spécifiques pour ses déductions9. La méthodologie de l’étude est reproductible et documentée avec soin. Les avantages de l’étude méthodique comprennent une question clairement définie, une stratégie de recherche globale, des critères de déduction explicites, une évaluation de la qualité méthodologique des points étudiés, un résumé des données et un sommaire des résultats.

La question gouvernant l’étude devrait être focalisée10. Une question «bien structurée»11 comprend quatre éléments clés : la population (par exemple, les enfants avec des dents primaires), l’état des parties en cause (comme l’occlusion croisée postérieure), une exposition à un test ou à une intervention (un meulage de l’occlusion pour réduire les contacts prématurés) et un résultat spécifique (l’occlusion croisée postérieure des dents permanentes). Un exemple de question clinique claire pourrait être : «En réduisant les contacts prématurés par le meulage des dents primaires, peut-on prévenir l’occlusion croisée postérieure des dents permanentes?»

Quand les résultats de deux études ou plus peuvent être assemblés statistiquement, l’étude est appelée une étude méthodique quantitative ou méta-analyse. À l’aide de cette technique, on fait l’analyse statistique des résultats de plusieurs études afin d’obtenir une simple estimation de l’action, ce qui donne une plus grande précision de l’estimation et une efficacité statistique accrue pour déterminer l’action réelle d’une intervention devant des résultats contradictoires12. Il n’est pas toujours possible ou sensé d’inclure une analyse statistique dans une étude méthodique. Il se peut qu’aucun essai clinique contrôlé n’ait été effectué et que ces essais soient de piètre qualité ou trop différents les uns des autres quant à la population étudiée, à l’intervention utilisée ou au résultat mesuré. Quand les résultats ne peuvent pas être statistiquement assemblés, mais font quand même appel à des méthodes scientifiques rigoureuses pour minimiser le taux de partialité, l’étude est appelée une étude méthodique qualitative. Ce type d’étude est extrêmement précieux pour résumer les données existantes, aider à comprendre les divergences dans les données disponibles, renseigner sur l’absence d’études sûres et aider à déterminer des stratégies de recherche pour l’avenir.

L’expression «vue d’ensemble» est souvent utilisée pour décrire une étude méthodique, qu’elle soit qualitative ou quantitative. La préparation d’une étude méthodique est un gros travail qui demande beaucoup de temps et d’expertise.


Le Centre de collaboration Cochrane

Le Centre de collaboration Cochrane est un organisme international dont l’objectif global est de créer et de maintenir une banque de données sur les études méthodiques les plus récentes touchant les soins de santé mis à l’essai sur échantillon aléatoire et contrôlé, et de rendre ces données instantanément accessibles par voie électronique. On le désigne comme «une entreprise qui égale le Projet du génome humain quant à ses répercussions possibles pour la médecine moderne»13 et on l’a également décrit comme étant l’un des progrès cliniques les plus importants depuis la création des Instituts nationaux de santé aux États-Unis14.

L’histoire du Centre de collaboration Cochrane remonte à l’importante publication Effectiveness and Efficiency15 par le médecin-épidémiologiste britannique Archie Cochrane en 1972. Dans cet essai, le Dr Cochrane recommandait qu’on utilise, pour évaluer les soins de santé, des données de la science au lieu de l’intuition, de l’opinion des experts, de l’expérience anecdotique ou de la tradition. En 1979, il écrivait : «C’est assurément un grand tort de la part de notre profession de n’avoir pas préparé un résumé critique, par spécialité ou sous-spécialité, adapté périodiquement, de tous les essais sur échantillon aléatoire et contrôlé.»16 En 1992, le Service britannique de santé national créait, en le nommant en hommage au Dr Archie Cochrane, le Centre de collaboration Cochrane à Oxford, au Royaume-Uni, afin de faciliter la préparation et le maintien d’études méthodiques pour tous les domaines de la santé. Dans le monde entier, un immense intérêt suivit bientôt et, en 1993, des centres avaient été établis au Danemark, au Canada, aux États-Unis et en Australie. Il existe actuellement 15 Centres de collaboration Cochrane dans le monde.

La principale réalisation du Centre de collaboration Cochrane est la Bibliothèque Cochrane, une bibliothèque numérique qui publie tous les trois mois et qui contient des banques de données sur les essais contrôlés et les études méthodiques. Le gros du travail est abattu par des groupes d’études formés par des personnes qui ont un intérêt commun dans un problème de santé et qui travaillent ensemble par des moyens électroniques pour préparer une étude méthodique sur un sujet choisi17.

Le Groupe de santé bucco-dentaire Cochrane travaille à l’Université de Manchester, au Royaume-Uni. Ce groupe compte des membres dont le nombre s’accroît avec enthousiasme dans le monde entier. Il a déjà terminé trois études18-20, et a sept protocoles d’enregistrés qui sont censés être terminés au cours de la prochaine année. De plus, trois des protocoles enregistrés sont en train d’être révisés en profondeur et 13 autres sujets sont débattus. Le groupe tient un Registre spécialisé des essais qui contient plus de 6800 dossiers d’essais cliniques ayant trait à la santé bucco-dentaire dans une banque de données numérique21. Le service d’enregistrement a été créé grâce à des recherches électroniques et au travail assidu de bénévoles qui ont fait des recherches à la main. Le programme de recherche à la main a débuté au printemps de 1998 et, jusqu’à présent, plus de 251 années de revues ont été dépouillées. Ce rendement est remarquable, étant donné que 58 % des essais trouvés n’avaient pas été identifiés électroniquement (par Medline, par exemple) en utilisant des stratégies de recherche à rendement élevé.


Guides d’exercice clinique

Les guides d’exercice clinique (GEC) sont «des énoncés conçus méthodiquement pour aider les praticiens et les patients à prendre des décisions sur les soins de santé appropriés à des cas cliniques précis.»22 L’objectif primordial des guides est d’améliorer, et non de dicter, la prise de décisions cliniques et de fournir des recommandations pratiques afin d’aider les praticiens à améliorer les soins qu’ils offrent à leurs patients.

Différentes méthodes ont servi pour élaborer des guides, y compris l’opinion des experts, le consensus de groupe et les méthodes fondées sur les faits9. Bien que les experts puissent posséder un savoir scientifique abondant, une expérience clinique et de la crédibilité, les guides fondés sur leur opinion sont ordinairement non structurés, dénués de caractère officiel et susceptibles d’être critiqués pour être entachés de partialité et de conflits d’intérêt.

Les guides émanant de consensus sont plus structurés et de caractère plus officiel. Ils représentent les vues de différents intervenants et peuvent être utiles pour élaborer des politiques d’exercice uniformes, surtout dans les domaines prêtant à controverse. Cependant, les points sur lesquels la recherche a porté peuvent représenter un échantillonnage partial, et les données ne sont généralement pas disponibles pour un examen rigoureux. Or, c’est dans les domaines de controverse clinique que la méthode fondée sur les faits est la plus utile pour évaluer des données et en déterminer les points faibles.

Les guides d’exercice clinique fondés sur les faits (GEC-FF) sont structurés, possèdent un caractère officiel et font appel à des méthodes rigoureuses, explicites et reproductibles pour assembler et évaluer les données. Ces guides sont fondés sur des études méthodiques tout en tenant compte des valeurs et des préférences des patients et des praticiens. Le processus pour créer des GEC-FF bien conçus comprend une révision externe et des commentaires de la part de ceux qui les utiliseront — par exemple, un large éventail de cliniciens de même que de patients ou de leurs représentants23.

L’élaboration de GEC-FF en dentisterie en est à ses débuts. En 1995, une étude des guides élaborés par différents organismes et spécialités dentaires aux États-Unis24 a révélé un défaut d’analyse méthodique de la littérature et une confiance en l’opinion des experts acquise grâce à des méthodes de consensus non structurées et non éprouvées. Depuis ce temps, plusieurs initiatives ont été lancées. En 1997, au Canada, l’Association dentaire canadienne a parrainé un Atelier sur les guides d’exercice clinique dont l’un des objectifs était de commencer à concevoir une méthode concertée pour l’élaboration et la mise en application de guides au cours des cinq prochaines années25. Cet atelier a conduit à la tenue, en octobre 1999, de la première assemblée de la Collaboration canadienne sur les guides d’exercice clinique en médecine dentaire (CCGMD). À titre d’organisme national autonome chargé de l’élaboration de GEC-FF, la CCGMD jouira d’une large représentation provenant de la profession dentaire. La structure planifiée comprend un soutien administratif et méthodologique et elle embrasse les principes de l’exercice fondé sur les faits et d’une élaboration judicieuse des guides.

Il faut relever de nombreux défis pour mettre en application l’exercice fondé sur les faits, produire des études méthodiques de qualité et élaborer des guides d’exercice clinique utiles. Les obstacles à l’utilisation des méthodes fondées sur les faits dans l’exercice quotidien comprennent le manque d’aptitudes appropriées pour formuler des questions claires, effectuer des recherches efficaces par voie électronique et évaluer la littérature. Cependant, ces aptitudes peuvent s’apprendre à toutes les étapes d’une carrière. Ce qu’il faut, c’est un désir et un engagement pour mettre en application ce genre d’exercice ainsi que des programmes de formation continue et des ateliers accessibles et pratiques. Nos facultés de médecine dentaire et nos organismes professionnels devraient faire figure de proue dans ces initiatives. Certains pensent que l’exercice de la DFF exige trop de temps. Comme pour toute nouvelle aptitude, il y a une courbe d’apprentissage à franchir et, avec l’expérience, les problèmes cliniques confus deviendront rapidement des questions bien définies, et les meilleures données pourront être efficacement retracées.

On cite souvent comme obstacle à la DFF le défaut de bonnes recherches cliniques sous la forme d’essais randomisés bien conçus et convenablement autorisés. La méthodologie rigoureuse imposée par les études méthodiques pour organiser et analyser la littérature dans un domaine donné fournit un précieux outil pour déterminer les domaines dans lesquels les données sont faibles et les recherches, requises et faisables. Les vues d’ensemble devraient faire partie de l’élaboration des futurs programmes de recherche et, de fait, la présence d’une étude méthodique antérieure influera vraisemblablement sur les décisions touchant le financement de la recherche à l’avenir (L. O’Toole, du Conseil des recherches médicales du Royaume-Uni, prenant la parole lors du 6e Colloque Cochrane en octobre 1998).

Sans doute les plus grands obstacles au mouvement en faveur des soins de santé fondés sur les faits sont, de la part des praticiens, la crainte et la méfiance que les données seront mal utilisées par les preneurs de décision, en particulier les bailleurs de fonds agissant comme tierces parties et les organismes de réglementation, et que l’autonomie individuelle des dentistes, en soignant leurs patients, sera menacée. Manifestement, quiconque — dentistes, patients, politiciens, décideurs et bailleurs de fonds — choisit à son gré des données de recherche pour défendre ou promouvoir ses propres opinions, peut en abuser. C’est là un autre motif irrésistible pour lequel la profession doit embrasser la DFF et fournir l’autorité nécessaire pour protéger l’intégrité scientifique des données. Les praticiens dentistes doivent s’assurer, en adoptant directement le processus, que les méthodes pour l’élaboration des guides sont ouvertes et transparentes et que les guides qui sont produits sont pratiques, utiles et pertinents.

En surmontant ces obstacles, en exploitant les possibilités de la technologie de l’information et en appliquant des principes scientifiques sûrs dans leur exercice quotidien, les dentistes pourront en relever le plus grand défi — la prestation de soins bucco-dentaires efficaces et de qualité.


Le Dr Sutherland est membre de la faculté à temps plein du Département de la dentisterie, au Centre des sciences de la santé du Collège Sunnybrook et des femmes, à Toronto.

Écrire au : Dr S.E. Sutherland, Département de la dentisterie, bureau H126, Centre des sciences de la santé du Collège Sunnybrook et des femmes, 2075, avenue Bayview, Toronto ON, M4N 3M5.

Courriel : susan.sutherland@swchsc.on.ca  

L’auteure n’a aucun intérêt financier déclaré.


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