Caractéristiques socio-démographiques et charge de travail des dentistes qui ont participé au sondage national de 1995

Gillian M. McCarthy, BDS, M.Sc. •
John K. MacDonald, MA •

Sommaire

On ne dispose pas de données globales normalisées sur les caractéristiques socio-démographiques et la charge de travail des dentistes dans les différentes provinces et les différents territoires du Canada. Les auteurs ont posté un questionnaire à un échantillon aléatoire stratifié de dentistes (n = 6444) en le faisant suivre de trois rappels. Le taux de réponse a été de 66,4 %. Entre les provinces et les territoires, les différences importantes relevées dans les données socio-démographiques comprenaient le sexe, l’âge, le nombre d’années écoulées depuis l’obtention du diplôme, la situation de famille, l’effectif de la population de la ville dans laquelle le cabinet principal est situé, et le nombre de patients. La charge de travail des dentistes varie considérablement : plus de 10 % des dentistes du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard ont déclaré recevoir ³ 30 patients par jour. La majorité des répondants ont déclaré recevoir des patients de 25 à 40 heures par semaine. En comparaison avec les autres provinces et territoires, la Colombie-Britannique, l’Ontario, la Saskatchewan et Terre-Neuve connaissent la plus grande proportion de répondants approchant l’âge de la retraite ( ³ 60 ans); les jeunes dentistes auraient donc plus de débouchés dans ces provinces.

Mots clés MeSH : Canada; dentistry/manpower; dentists/supply & distribution.

© J Can Dent Assoc 2000; 66:144-6
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.


Depuis 20 ans, on débat des prévisions suggérant que le besoin des services dentaires sera à la baisse, que le nombre des dentistes deviendra trop abondant au Canada, et que les besoins et la demande touchant les services dentaires changeront en raison des modifications démographiques et épidémiologiques1-5. Le vieillissement de la population de base au Canada laisse prévoir un besoin accru dans les services de santé dentaire aux adultes, y compris les services de diagnostic, de prévention, de restauration, de prothèses fixes, d’endodontie, d’implantologie et d’orthodontie. En outre, la demande continue de s’accroître en dentisterie esthétique.

Pour les récents diplômés qui ouvrent des cabinets, le travail disponible sera fonction de la charge de travail et de la prise de retraite des dentistes travaillant dans la même région géographique qu’eux. Or, il n’y a pas de données globales normalisées sur les caractéristiques socio-démographiques et la charge de travail des dentistes dans les différentes provinces et les différents territoires du Canada. En 1995, nous avons donc effectué un sondage national auprès des dentistes du Canada afin d’étudier l’accès aux soins pour les patients portant des pathogènes à diffusion hématogène et la conformité aux pratiques recommandées de contrôle des infections6,7. Cet article présente les résultats d’une comparaison des caractéristiques socio-démographiques et la charge de travail des dentistes dans les différentes provinces et les différents territoires du Canada.

Méthodes

En 1995, les organismes de réglementation dentaires du Canada comptaient 15 232 dentistes. Les dentistes qui ne traitaient pas activement des patients n’étaient pas jugés admissibles. Un échantillon aléatoire stratifié de 6537 dentistes a été choisi pour participer au sondage. Les strates comprenaient les dix provinces et les deux territoires. Les listes des dentistes autorisés ont été fournies par chacune des autorités provinciales ou territoriales. Tous les dentistes inscrits dans les juridictions à faible population (Terre-Neuve, n = 149; Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.), n = 48; Nouvelle-Écosse, n = 418; Nouveau-Brunswick, n = 246; Saskatchewan, n = 332; Territoire du Yukon, n = 13; et Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), n = 34) ont été inclus dans le sondage. Les dentistes des autres provinces ont été échantillonnés au hasard de manière à ce que la taille des sous-échantillons puisse donner des intervalles de confiance raisonnablement faibles pour l’estimation des intérêts8-10. L’échantillon final, ajusté en fonction des questionnaires non livrés, s’est élevé à 6444 répondants.

L’instrument du sondage, les tests de fiabilité, l’administration du sondage, la pondération des données et l’analyse du biais de non-réponse sont décrits ailleurs6,7,11. Afin d’assurer l’anonymat des réponses, l’étude a été conçue de manière à ce que personne ne puisse lier les noms et les réponses. Chacune des observations dans l’échantillon a été pondérée afin de permettre une différente probabilité de sélection et de non-réponse entre les provinces et les territoires. Pour chacun des sujets, le coefficient de pondération a été calculé en prenant les scores individuels, en les multipliant par le nombre de dentistes dans la juridiction et en les divisant par le nombre de répondants concernés, dans la même juridiction12. Bien que le coefficient de pondération soit raisonnable pour l’estimateur de la population globale, il est inapproprié pour le calcul de la variance utilisée dans les variables à tester et les intervalles de confiance. C’est pourquoi le coefficient de pondération relatif a été calculé en divisant le coefficient de pondération par la moyenne des coefficients de pondération de tous les répondants concernés12. Tous les calculs statistiques ont été effectués en utilisant le coefficient de pondération relatif comme coefficient de pondération d’échantillonnage. Le test d’association de Pearson a servi pour comparer les catégories à l’aide du SPSS/PC+ (SPSS Inc., Chicago, IL).

Résultats

Le taux de réponse ajusté suivant les questionnaires non livrés a été de 66,4 %; en tout, 174 répondants n’étaient pas admissibles, donnant 4107 réponses pour l’analyse des données. Sur le nombre de participants au sondage, 89 % étaient des dentistes généralistes. Nous avons relevé des différences provinciales et territo riales importantes dans les caractéristiques socio-démographiques (Tableau 1), y compris le sexe (les femmes : de 10 à 30 %), le nombre d’années écoulées depuis l’obtention du diplôme (³ 30 ans : de 4 à 15 %), la situation de famille (mariés : de 40 à 88 %), le nombre de patients (³ 20 patients par jour : de 10 à 52 %), le nombre d’heures par semaine passées à recevoir des patients (de 25 à 40 heures : de 39 à 81 %; > 40 heures : de 9 à 56 %), la population de la ville dans laquelle le cabinet principal est situé (> 500 000 : de 0 à 67 %) et l’âge. La proportion des dentistes âgés de 50 ans et plus au moment du sondage variait de 5 % (T.N.-O.) à 26 % (Ontario); le nombre de dentistes âgés de 60 ans et plus variait de 0 % (T.N.-O. et Territoire du Yukon) à 10 % (Terre-Neuve). Et le nombre de dentistes âgés de 55 à 59 ans variait de 0 % (T.N.-O.) à 10 % (Territoire du Yukon).

Discussion

D’importantes différences ont été relevées entre les juridictions pour l’âge, le sexe et la situation de famille. Des proportions plus élevées de dentistes âgés de moins de 30 ans ont été déclarées dans les T.N.-O., dans le Territoire du Yukon et au Québec. Inversement, moins de 10 % des dentistes exerçant en Colombie-Britannique, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et à l’Î.-P.-É. étaient âgés de moins de 30 ans. À l’autre bout du spectre, plus d’un quart des répondants de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et de Terre-Neuve étaient âgés de plus de 50 ans. De plus, la Colombie-Britannique, l’Ontario, la Saskatchewan et Terre-Neuve avaient une plus grande proportion de répondants de 60 ans et plus comparativement aux autres provinces et territoires. Ces résultats indiquent que, dans ces provinces, il y a sans doute plus de débouchés pour les jeunes dentistes en raison des prises de retraite. Les données de 1998 fournies par les organismes de réglementation en Colombie-Britannique et au Manitoba révèlent que la proportion des dentistes âgés de plus de 50 ans continue d’augmenter dans ces provinces.

Les résultats de cette étude indiquent que, en 1995, la proportion la plus élevée de femmes dentistes se trouvait dans le Territoire du Yukon (40 %), au Québec (30 %), dans les T.N.-O. (22 %) et en Nouvelle-Écosse (20 %), alors que la proportion la plus faible se trouvait dans l’Î.-P.-É. Les données récentes fournies par les organismes de réglementation indiquent qu’il y a peu de changement dans la proportion de dentistes hommes par rapport à celle des dentistes femmes au Manitoba. Cependant, la proportion de dentistes femmes au Yukon a chuté. Les pourcentages plus élevés de dentistes jeunes et non mariés exerçant au Yukon et dans les T.N.-O. sont sans doute dus aux stimulants économiques offerts dans ces régions.

Dans les provinces, la charge de travail présentait des variations importantes. Les répondants de l’Î.-P.-É., du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et de la Colombie- Britannique ont déclaré recevoir un plus grand nombre de patients par jour. Par contraste, presque un tiers des dentistes du Yukon ont déclaré recevoir moins de 10 patients par jour comparativement à ceux des autres provinces et territoires. À l’exception des T.N.-O., environ les trois quarts des répondants ont déclaré qu’ils recevaient des patients de 25 à 40 heures par semaine; plus de la moitié des répondants des T.N.-O. ont déclaré exercer plus de 40 heures par semaine.

Cette étude fournit pour l’année 1995 des données transversales pouvant servir d’indication des différences socio-démographiques et professionnelles entre les dentistes travaillant dans les différentes provinces et les différents territoires. De plus, les données sur l’âge peuvent être utilisées pour évaluer les ressources humaines qui plus tard seront nécessaires pour fournir des services dentaires dans les différentes parties du Canada. Les erreurs de mémoire ont probablement été mineures, étant donné qu’on demandait aux répondants de se rappeler du nombre moyen d’heures de travail par semaine et du nombre de patients reçus dans une journée des trois mois précédents. Une étude antérieure a prouvé que le biais de non-réponse était minimal11. Il est évident, cependant, que d’autres études des variations géographiques dans les ressources humaines et la charge de travail des dentistes s’imposent. En outre, nous avons besoin de prévisions à jour touchant la demande de services dentaires et de traitements dont la population vieillissante du Canada et d’ailleurs auront besoin au cours du nouveau millénaire13,14.


Remerciements : Cette étude a bénéficié d’une subvention du Programme national de recherche et de développement en matière de santé, de Santé Canada (6606-5463-AIDS).

Le Dr McCarthy est actuellement une scientifique de carrière attachée au Programme de perfectionnement du personnel de recherche dans le domaine de la santé, du ministère de la Santé de l’Ontario. Elle est également professeure agrégée à l’École de dentisterie du Département de l’épidémiologie et de la biostatistique, à l’Université Western Ontario.

Le Dr MacDonald est adjoint à la recherche à l’École de dentisterie du Département de l’épidémiologie et de la biostatistique, à la Faculté de médecine et de dentisterie de l’Université Western Ontario.

Écrire au : Dr Gillian M. McCarthy, Division de la biologie buccale, Faculté de médecine et de dentisterie, Université Western Ontario, London, ON N6A 5C1. Courriel : gmccarth@julian.uwo.ca 

Les auteurs n’ont aucun intérêt financier déclaré.


Références

1. Douglass CW, Gammon MD. The future need for dental treatment in Canada. J Can Dent Assoc 1985; 51:583-90.

2. Beagrie GS. Dental manpower. An FDI/WHO viewpoint. J Can Dent Assoc 1986; 52:52-5.

3. Lewis DW. Dental manpower supply and demand projections and changing demography and dental disease. J Can Dent Assoc 1986; 52:33-40.

4. House RK. Estimating future dental care requirements. The implications for dental manpower. J Can Dent Assoc 1987; 53:99-105.

5. Stangel I. Factors affecting the future need for dental manpower in Canada and Quebec. J Can Dent Assoc 1992; 58:1005, 1008-10, 1014.

6. McCarthy GM, Koval JJ, MacDonald JK. Factors associated with refusal to treat HIV-infected patients. The results of a national survey of dentists in Canada. Am J Pub Health 1999; 89:541-5.

7. McCarthy GM, Koval JJ, MacDonald JK. Compliance with recommended infection control procedures among Canadian dentists: the results of a national survey. Am J Infect Control 1999; 27:377-84.

8. Warwick DP, Lininger CA. The sample survey: Theory and Practice. New York: McGraw-Hill; 1975.

9. Statistique Canada. La santé des Canadiens et des Canadiennes : Rapport de l’enquête canadienne sur la santé. Ottawa : Approvisionnements et Services Canada; 1981.

10. Catlin G. Survey Methods. In: Rootman I, Warren R, Stephens T, Peters L, editors. Canada’s Health Promotion Survey Technical Report. Ottawa: Minister of Supply and Services Canada; 1988. p. 11-15.

11. McCarthy GM, MacDonald JK. Non-response bias in a national study of dentists’ infection control practices and attitudes related to HIV. Comm Dent Oral Epidemiol 1997; 25:319-23.

12. Lee ES, Forthofer RN, Lorimor RJ. Analyzing Complex Survey Data, Sage University Paper Series on Quantitative Applications in the Social Sciences, 07-001. Beverly Hills: Sage Publications; 1989.

13. McNally M, Kenny N. Vieillissement de la population, dilemmes éthiques et soins bucco-dentaires. J Can Dent Assoc 1999; 65:623-6.

14. Chaudhry Z, Scully C. Dental manpower: many questions, weak data and inadequate answers. Br Dent J 1998; 184:432-6.