Les étudiants en dentisterie porteurs de l’antigène e de l’hépatite B : un sondage des facultés dentaires du Canada

Timothy McGaw, DDS, MD, M.Sc., FRCD(C) •
Edmund Peters, DDS, M.Sc., FRCD(C) •
Donna Holton, MD, FRCP •

Version abrégée

La version anglaise est affichée au complet sur le site Web du eJCDA à : http://www.cda-adc/jcda/vol-66/issue-10/562.htm  

© J Can Dent Assoc 2000; 66:562-3


Le virus de l’hépatite B (VHB) est l’un des pathogènes humains les plus communs. De 300 à 350 millions de personnes en sont chroniquement infectées dans le monde, et les plus hauts taux d’infection par le VHB chez les travailleurs de la santé se retrouvent parmi les dentistes et les chirurgiens buccaux.

Les porteurs chroniques du VHB peuvent être identifiés par la présence de l’antigène de surface de l’hépatite B (HBsAg). Ces porteurs peuvent être divisés en deux groupes suivant qu’un autre antigène de l’hépatite B, l’antigène e (HBeAg), est également présent. L’état du porteur à l’égard du HBeAg est reconnu comme un marqueur de risque élevé d’infectivité.

Le HBeAg est une sous-particule de l’antigène nucléocapsidique qui, en général, reflète une réplication virale et un ADN viral circulant. Dans les cas de blessure avec aiguille impliquant un sujet qui teste positif pour le HBeAg, le risque de transmission du VHB a été estimé à 30 %, ce qui est 60 fois supérieur au risque de transmission par un porteur du VHB sans antigène e. Aussi les porteurs du VHB possédant l’antigène e sont-ils devenus un très grand sujet de préoccupation dans l’élaboration des politiques de santé publique.

Étant donné les répercussions possibles sur la carrière de quiconque teste positif pour le HBeAg, il est important que toutes les facultés de médecine dentaire se penchent sur la question de l’infection par le VHB chez les étudiants et les candidats de ces facultés. Dans cet article, on donne un aperçu des points controversés à ce sujet et présente les résultats d’un sondage auprès des facultés dentaires du Canada.

Fredekind et coll. de la Faculté de médecine dentaire de l’Université du Pacifique ont discuté des sujets de controverse touchant les candidats testant positif pour le HBeAg qui désirent entreprendre des études en dentisterie. Selon eux, les facultés de médecine dentaire disposent de six options pour résoudre cette question.

1. Faire l’autruche.

2. Passer tous les candidats au crible et refuser l’admission à tous ceux qui testent positif pour le HBeAg.

3. Passer tous les candidats au crible et orienter vers des carrières non cliniques les candidats retenus qui testent positif pour le HBeAg.

4. Passer tous les candidats au crible et leur permettre de traiter les patients, mais uniquement après avoir déclaré à ceux-ci leur état et obtenu leur consentement éclairé.

5. Passer tous les candidats au crible afin d’identifier ceux qui testent positif pour le HBeAg et leur confier des patients protégés.

6. Encourager les candidats qui testent positif pour le HBeAg à se déclarer eux-mêmes et réunir un groupe d’experts pour décider de chaque cas séparément.

La politique dans les facultés dentaires du Canada — Un sondage auprès des 10 facultés dentaires du Canada a révélé que huit d’entre elles exigent que les candidats retenus fournissent une attestation documentée de vaccination contre le VHB, alors que les deux autres encouragent les candidats à se faire vacciner mais n’ont aucune exigence formelle.

Seulement trois des facultés exigent que les candidats se soumettent à un test sérologique après avoir été vaccinés contre le VHB pour confirmer leur immunité. Une autre a indiqué songer mettre cette exigence en vigueur dans un avenir prévisible. Quant au reste, elles continuent d’appliquer la méthode de l’autruche.

Les trois facultés qui exigent que les candidats se soumettent à un test sérologique utilisent les résultats des façons suivantes.

Faculté A : Tous les candidats sont testés avant leur admission pour savoir s’ils ont le HBsAg. Ceux dont le résultat est positif sont également testés pour le HBeAg et l’ADN viral de l’hépatite B. Ceux qui testent positif pour l’un de ces tests ou les deux voient leur admission rejetée, et la décision est sans appel.

Les candidats qui testent négatif pour le HBsAg et qui sont admis aux études dentaires doivent se faire vacciner contre le VHB. Après quoi, ils doivent se soumettre à un second test pour déterminer si la séroconversion a eu lieu. Sinon, ils reçoivent un second vaccin et sont testés de nouveau. Les étudiants chez qui la séroconversion ne se produit pas après la répétition du vaccin sont avisés touchant leur état de risque potentiel durant leur formation et l’exercice futur de leur profession, et ils sont de nouveau testés pour le HBsAg à la fin de leur deuxième année d’études, avant d’entreprendre la formation qui comprend des procédures susceptibles d’exposition. Ceux qui testent positif pour le HBsAg (c.-à-d., une infection acquise depuis leur admission aux études dentaires) sont testés de nouveau pour le HBeAg et l’ADN viral de l’hépatite B. Ceux qui obtiennent un résultat positif pour l’un de ces tests ou les deux peuvent être obligés de se retirer du programme de formation, une décision qu’ils peuvent contester devant le Bureau d’examen professionnel.

Faculté B : Après avoir été admis, tous les étudiants sont tenus de se faire vacciner contre le VHB, puis sont soumis à un test sérologique pour confirmer leur immunité. Ceux chez qui la séroconversion n’a pas eu lieu sont avisés et soumis au test du HBsAg. Suivant la politique de la faculté, la simple présence du statut de porteur ne doit pas constituer un facteur pour accepter un candidat ni pour déterminer s’il est apte à poursuivre ses études. Les étudiants ayant une maladie transmissible comme le VHB peuvent poursuivre leurs études aussi longtemps que l’avis des médecins indique que leur travail ne constitue pas un danger pour la santé ou la sécurité d’autrui.

Faculté C : Après avoir été admis, tous les étudiants sont tenus de se faire vacciner contre le VHB, puis sont soumis à un test sérologique pour confirmer leur immunité. Les résultats du test sérologique n’ont aucune incidence sur l’admission au programme. Ceux chez qui la séroconversion n’a pas eu lieu sont avisés au sujet des risques possibles d’infection à l’avenir, mais le test d’antigènes n’est pas exigé. La faculté est d’avis que les précautions universelles constituent une mesure de protection suffisante contre toute transmission de la maladie par un étudiant testant positif pour le HBsAg, quel que soit son statut du HBeAg.

Discussion — Le débat pour ou contre l’établissement d’exigences formelles touchant la vaccination contre le VHB et le test sérologique, que ce soit pour les candidats aux études dentaires ou pour les dentistes en train d’exercer, doit porter sur un certain nombre de points de discussion.

L’épidémiologie : Bien qu’aucun cas de transmission du VHB par des dentistes n’ait été signalé depuis 1986, la possibilité d’une transmission non détectée et non déclarée doit être envisagée. Les cas recensés de transmission du VHB par un travailleur de la santé à des patients en affectent ordinairement plusieurs, laissant entendre qu’une morbidité considérable est nécessaire avant que pareille transmission soit remarquée dans un cabinet particulier.

Les précautions universelles : Bien qu’il semble que le port de gants ait eu un impact considérable sur la transmission du VHB par les travailleurs de la santé aux patients, l’exposition n’est pas entièrement prévenue. D’après des études, jusqu’à 24 % des gants seraient percés. En outre, les blessures avec aiguille sont relativement fréquentes; selon un sondage récent, les dentistes sont, en moyenne, sujets à presque une blessure de ce genre chaque année. Même s’ils portaient des gants, deux dentistes et huit chirurgiens ont transmis le VHB à des patients. Dans tous ces cas, les sujets testaient positif pour le HBeAg.

L’immunisation — La conformité des dentistes canadiens avec les programmes volontaires de vaccination contre le VHB serait élevée, allant, dit-on, jusqu’à 91 %. Cependant, seulement 72 % de ces dentistes se sont soumis au test sérologique post-vaccination pour confirmer la séroconversion. Bien que des taux de séroconversion variant de 90 à 95 % aient été recensés chez des récipiendaires immunocompétents du vaccin contre le VHB, ces taux élevés proviennent d’études faites auprès de jeunes adultes, alors que de nombreux dentistes avaient plus de 40 ans lorsque le programme de vaccination a été instauré.

L’ADC et l’Association médicale canadienne ont soutenu que des politiques visant à faire vacciner tous les Canadiens contre le VHB, telles que les a défendues le Comité consultatif national de l’immunisation du Canada, seraient le moyen le plus efficace pour résoudre ce problème de transmission du VHB par les travailleurs de la santé au public en général. D’une façon réaliste, cependant, il faudrait des décennies avant d’obtenir complètement les avantages d’un pareil programme.

Les questions déontologiques et médico-légales : La possibilité de transmission de pathogènes à diffusion hématogène par un travailleur de la santé à un patient soulève deux séries de questions contradictoires : celles qui ont trait à la discrimination contre les travailleurs de la santé infectés et celles qui ont trait à l’obligation de ceux-ci de déclarer leur état avant d’exposer les patients aux risques de ces infections. Ces questions sont couvertes, respectivement, par des lois touchant la discrimination dans l’emploi contre les personnes handicapées et par des lois touchant les droits des patients au consentement éclairé. Cette situation demeure essentiellement inéprouvée devant les tribunaux.

Conclusion : Les débats sur les politiques de santé publique ont, jusqu’à présent, porté sur les porteurs du VHB très infectieux. Bien qu’elle ne soit pas définitive, la présence du HBeAg constitue un marqueur utile pour identifier ce groupe.

Selon une expérience récente, il est difficile de déterminer qu’une transmission a eu lieu par une source de consultation externe, ce qui ne saurait se produire à moins de circonstances spéciales, y compris l’infection de nombreux patients. En outre, les précautions universelles, bien qu’utiles, ne constituent sans doute pas une mesure de protection suffisante dans ces situations.

Par conséquent, les facultés de médecine dentaire doivent reconnaître que les étudiants testant positif pour le HBeAg qui sont formés pour exécuter des procédures susceptibles d’exposition présentent un risque théorique inconnu mais peut-être important de transmission de la maladie à des patients. Ce risque doit être reconnu et formellement pris en compte dans l’élaboration des politiques. À l’heure actuelle, les facultés dentaires du Canada n’ont pas adopté une approche uniforme à cet égard. Cependant, on reconnaît en général qu’il s’agit d’une question mettant en balance les préoccupations des patients vis-à-vis de leur sécurité et les préoccupations des éventuels étudiants en dentisterie vis-à-vis des droits de la personne.