Risque de transmission bactérienne dans le cabinet dentaire

Michael John, MB, Ch.B., FRCP(C) •

© J Can Dent Assoc 2000; 66:550, 552


Des bactéries et des virus sont transmis chaque jour à la maison, au travail et dans la communauté. Étant donné le nombre de ces organismes dans la bouche et le nasopharynx et le potentiel de pulvérisation du sang et de la salive pendant les procédures dentaires, il est probable que la transmission se produise fréquemment dans le milieu. Bien que peu d’études se soient penchées sur la transmission des bactéries dans l’exercice dentaire, des preuves indirectes peuvent être tirées d’études de séroprévalence. Celles-ci montrent que les anticorps de plusieurs virus trouvés dans la salive (comme le cytomégalovirus [CMV], le virus de la grippe et le virus respiratoire syncytiau [VRS]) sont plus courants chez les dentistes que dans la population en général et qu’ils augmentent avec le temps après l’obtention du diplôme1. Les porteurs de bactéries peuvent être asymptomatiques, et la transmission au professionnel et aux patients dentaires peut se produire si les mesures de contrôle des infections, comme le port de gants et de lunettes de protection et les pratiques d’hygiène des mains, ne sont pas respectées.

Bactéries qui peuvent être transmises dans le cabinet dentaire

Tuberculose

La mycobacterium tuberculosis, la cause de la tuberculose, est une des quelques maladies qui se propage dans l’air. Les bactéries peuvent rester suspendues dans l’air pendant longtemps et être aspirées par les poumons d’une personne à risque. On a rapporté des cas de transmission de tuberculose dans le milieu dentaire2,3. Comme le port des masques dans ce milieu n’est pas considéré comme étant suffisant pour prévenir la transmission de la tuberculose, il est important d’identifier les patients à risque élevé. Les patients soupçonnés d’avoir la tuberculose devraient être dirigés vers le bon médecin pour être diagnostiqués et traités avant de recevoir un traitement dentaire. Si un tel traitement est requis d’urgence pour les patients atteints de tuberculose active, on devrait les diriger vers un établissement spécialisé où la pression est négative et le renouvellement de l’air est adéquat. Si ce n’est pas possible, il faudrait obtenir les conseils d’un expert. Au Canada, les patients à risque élevé sont les Autochtones, les habitants de régions à haute prévalence, les personnes infectées au VIH, et les démunis sans logis et toxicomanes. Les signes cliniques qui peuvent suggérer la tuberculose comprennent la toux chronique, la fièvre et la perte de poids.

Staphylococcus aureus

La bactérie staphylococcus aureus, y compris staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM), est l’une des causes les plus communes des infections à la fois d’origine communautaire et hospitalière. Récemment, des souches de ces bactéries résistantes à la plupart des antibiotiques sont devenues problématiques au Canada, particulièrement en Ontario. Ces souches ne se limitent plus aux hôpitaux : Shahin et coll.4 ont rapporté une propagation de cet organisme chez plusieurs enfants d’une garderie de Toronto. On a également relevé des cas d’infection d’origine communautaire aux États-Unis5. Le nez et la bouche sont les habitats naturels de la bactérie staphylococcus aureus, et on a indiqué sa présence sur les prothèses6. Les professionnels dentaires qui sont infectés par la SARM par voie nasale peuvent transmettre l’organisme à leurs patients par des excrétions nasales ou par les mains si les mesures de contrôle des infections sont inappropriées.

Autres bactéries

On peut trouver plusieurs bactéries dans la bouche et la gorge de personnes qui ne présentent aucun symptôme. Les porteurs asymptomatiques peuvent transmettre ces bactéries aux gens susceptibles à une infection. La transmission se fait par gouttelettes, ce qui peut être facilement évité en portant un masque et en se lavant ou en se désinfectant les mains. Pendant l’hiver, 10 à 20 % des gens peuvent être des porteurs asymptomatiques. Les bactéries qui peuvent être ainsi disséminées sont entre autres : streptocoque du groupe A, streptococcus pneumoniae, hémophilus influenzae, Neisseria meningitidis, corynebacterium diphtheriae et bordetella pertussis. Ces bactéries peuvent causer une grande variété de maladies, de la pneumonie à la méningite en passant par l’angine streptococcique. La transmission à d’autres patients et aux mem bres de la famille représente donc un risque notable pour la santé.

Conclusion

Les bactéries capables de causer une maladie grave se trouvent dans la bouche et la salive des patients qui risquent de ne présenter aucun symptôme. De simples mesures de contrôle des infections, comme le port de gants et d’un masque et une bonne hygiène des mains, peuvent prévenir la contamination du personnel dentaire, de leur famille et de leurs patients. Cela est particulièrement important pour les micro-organismes qui résistent aux médicaments. Prévenir la transmission de la tuberculose demande d’abord de reconnaître des patients infectés ou à risque élevé et de les référer immédiatement pour établir un diagnostic et commencer le traitement. Les traitements dentaires facultatifs des patients atteints de la tuberculose active devraient être retardés jusqu’à ce que ces derniers ne soient plus considérés comme infectieux. Parmi ces patients, ceux qui nécessitent des traitements dentaires d’urgence devraient être dirigés vers un établissement approprié7.


Le Dr John est directeur de la Division du contrôle des infections, Sciences de la santé de London et Soins de la santé de St. Joseph, London (Ontario).

Écrire au : Dr Michael John, Microbiologie et immunologie, Centre des sciences de la santé de London, Campus Victoria, Site Westminster, 800, chemin Commissioners E., London, ON N6A 4G5. Courriel : michael.john@lhsc.on.ca.  

Les vues exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques officielles de l’Association dentaire canadienne.


Références

1. Mayhall, G, editor. Nosocomial infections in dental, oral and maxillofacial surgery in hospital epidemiology and infection control. 2nd ed. Baltimore: William & Wilkins; 1999.

2. Smith WH, Davies D, Mason KD, Onions JP. Intraoral and pulmonary tuberculosis following dental treatment. Lancet 1982; 1:842-4.

3. Cleveland JL, Kent J, Gooch BF, Valway SE, Marianos DW, Butler WR, Onorato IM. Multidrug-resistant Mycobacterium tuberculosis in an HIV dental clinic. Inf Control Hosp Epidemiol 1995; 16:7-11.

4. Shahin R, Johnson IL, Jamieson F, McGeer A, Tolkin J, Ford-Jones EL. Methicillin-resistant Staphylococcus aureus carriage in a child care center following a case of disease. Toronto Child Care Centre Study Group. Arch Pediatr Adolesc Med 1999; 153:864-8.

5. Goetz A, Posey K, Fleming J, Jacobs S, Boody L, Wagener MM, Muder RR. Methicillin-resistant Staphylococcus aureus in the community: a hospital-based study. Infect Control Hosp Epidemiol 1999; 20:689-91.

6. Rossi T, Laine J, Eerola E, Kotilainen P, Pettonen R. Denture carriage of methicillin-resistant Staphylococcus aureus. Lancet 1995; 345:1577.

7. Cleveland JL, Gooch BF, Bolyard EA, Simone PM, Mullan RJ, Marianos DW. TB infection control recommendations from the CDC, 1994: considerations for dentistry. United States Centres for Disease Control and Prevention. JAMA 1995; 126:593-9.