Les mesures de contrôle des infections au Canada : les dentistes se conforment-ils aux recommandations?

• Gillian M. McCarthy, BDS, M.Sc. •
• John J. Koval, PhD •
• Michael A. John, M.Sc., M.B.Ch.B., FRCP(C) •
• John K. MacDonald, MA •

Sommaire

Cette étude porte sur les différences provinciales et territoriales touchant la conformité des dentistes aux mesures recommandées pour contrôler les infections au Canada (1995). Des questionnaires ont été postés à un échantillon aléatoire stratifié de 6444 dentistes, et 66,4 p. 100 y ont répondu. Des analyses pondérées comprenaient le test du chi carré et l’analyse de régression logistique de Pearson. Parmi les importantes différences relevées entre les provinces et les territoires, il convient de mentionner la vérification de la réaction immunitaire après administration du vaccin contre le virus de l’hépatite B (VHB), l’administration de ce vaccin à tout le personnel clinique, l’utilisation de guides pour contrôler les infections et de protocoles post-exposition, la surveillance biologique des stérilisateurs à chaleur, le lavage des mains, le port de nouveaux gants et la stérilisation des pièces à main à la chaleur avant le traitement des patients, ainsi que le port de masques et d’uniformes pour se protéger contre les éclaboussures de sang et de salive. Le taux de conformité excellente avec une combinaison de 18 mesures de contrôle des infections recommandées varie de 0 à 10 p. 100; les meilleurs prédicteurs étaient la participation assidue aux cours de formation continue sur le contrôle des infections au cours des deux années précédentes, l’emplacement du cabinet dans une ville de plus de 500 000 habitants et la femme dentiste. Il est donc préférable que les dentistes de toutes les provinces et de tous les territoires améliorent les mesures qu’ils prennent pour contrôler les infections. En incluant les mesures de contrôle des infections dans la formation continue obligatoire, on favoriserait sans doute une meilleure conformité aux recommandations actuelles.


Mots clés MeSH : Canada; dental offices; guideline adherence; infection control, dental.

© J Can Dent Assoc 1999; 65:506-12


[Le sondage des dentistes canadiens |Débat|Conclusion |Références]

Le contrôle des infections constitue un volet important de la pratique pour toutes les professions de la santé et demeure l’une des interventions les plus rentables dont dispose la médecine1. En dentisterie, aussi bien les patients que les travailleurs de la santé sont susceptibles d’être exposés, au contact de sang et de salive, à un nombre de pathogènes à diffusion hématogène et du tractus respiratoire supérieur. Les associations dentaires professionnelles, y compris les organismes de réglementation du Canada, préconisent de prendre des précautions universelles avec tous les patients, étant donné que leur pouvoir infectieux peut être inconnu2-5.

La plupart des études sur les mesures de contrôle des infections prises par les dentistes portent sur la conformité à des procédures spécifiques comme le port de gants et de masques, la protection des yeux, la vaccination contre le virus de l’hépatite B (VHB) et la stérilisation des pièces à main dentaires à la chaleur. Peu d’études globales traitent de la conformité des dentistes aux mesures recommandées pour contrôler les infections, et aucune donnée nationale ne porte sur les dentistes du Canada. En 1995, nous avons sondé les dentistes de l’ensemble du pays sur la conformité aux mesures de contrôle des infections recommandées6 et l’accès aux soins pour les patients possédant des pathogènes à diffusion hématogène7. Ce sondage fait état des résultats obtenus en comparant les mesures de contrôle des infections appliquées par les dentistes de provinces ou de territoires différents.

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Le sondage des dentistes canadiens
On a posté des questionnaires à un échantillon aléatoire de tous les dentistes autorisés à exercer au Canada (n = 6537), stratifiés par province ou territoire. On a obtenu la liste des dentistes de chacune des autorités provinciales ou territoriales. En 1995, les organismes de réglementation canadiens comptaient 15 232 dentistes au Canada. On a inclus tous ceux des provinces et des territoires les plus petits ou les moins densément peuplés. Quant à ceux des autres provinces et territoires, on les a choisis au hasard de manière à ce que les sous-échantillons pour chacune des régions soient d’importance approximativement égale et produisent des intervalles de confiance raisonnablement faibles pour l’estimation des intérêts. Une fois ajusté en raison des questionnaires non livrés, l’échantillonnage a été réduit à 6444 : Terre-Neuve, n = 149; Île-du-Prince-Édouard, n = 48; Nouvelle-Écosse, n = 418; Nouveau-Brunswick, n = 246; Saskatchewan, n = 332; Territoire du Yukon, n = 13; Territoires du Nord-Ouest, n = 34; Colombie-Britannique, n = 1011; Alberta, n = 805; Manitoba, n = 477; Ontario, n = 1655; Québec, n = 1256.

Le sondage a été déontologiquement approuvé par le Comité d’examen pour la recherche en sciences de la santé sur des sujets humains à l’Université Western Ontario. Afin d’assurer l’anonymat, l’étude a été conçue de manière à ce que personne ne puisse lier réponses et noms. La gestion du sondage comprenait une première expédition des questionnaires avec des numéros d’identité, une carte de rappel et deux autres expéditions des questionnaires aux non-répondants.
L’instrument du sondage, les tests de fiabilité, l’administration du sondage, la pondération des données et l’étude du biais de non-réponse ont été décrits ailleurs6-8.

Les analyses statistiques ont été effectuées à l’aide du SPSS/PC+ (SPSS Inc., Chicago, Illinois) et ont toutes été pondérées de manière à permettre une différente probabilité de sélection et une non-réponse parmi les provinces et les territoires9. Le test d’association Pearson et plusieurs analyses de régression logistique ont servi à étudier les différences provinciales et territoriales touchant la conformité.

Le taux de réponse, ajusté en fonction des non-livraisons, a été de 66,4 p. 100. Parmi les répondants, 174 ont été jugés inadmissibles parce qu’ils ne traitaient pas vraiment des patients, ce qui a réduit à 4107 le nombre des réponses retenues pour l’analyse des données. Il y avait peu de preuve de biais de non-réponse8.

Nous avons constaté des différences importantes dans les mesures d’hygiène professionnelle entre les provinces (voir tableau 1). Ainsi, pour la sérologie après immunisation contre le VHB, le taux de conformité varie de 49 à 78 p. 100, avec 68 à 100 p. 100 des dentistes d’une province ou d’un territoire rapportant que toutes les hygiénistes ont été immunisées contre le VHB et 46 à 100 p. 100 rapportant que tous les autres membres du personnel clinique l’ont également été. Seulement de 0 à 70 p. 100 des dentistes d’une province ou d’un territoire disposent d’un protocole post-exposition; cependant, de 44 à 92 p. 100 rapportent que les aiguilles sont rengainées avec sûreté.

Tableau 1

Différences provinciales dans les pourcentages des participants ayant déclaré prendre des mesures d’hygiène professionnelle (n = 4107)

Variable

Province/Territory

  T.N.O. Yn C-B Alb Sask. Man. Ont QC N.-B. N.-É I..P-É T.-N.
Immunisation contre l’hépatite B 96 90 90 93 88 89 91 90 92 90 90 79
Immunité naturelle au VHB 0 10 4 2 4 2 3 3 1 2 0 2
Sérologie après immunisation contre le VHB 78 56 74 71 63 49 76 58 72 58 58 51
Immunisation contre l’hépatite B pour toutes les hygiénistesa 92 100 89 91 85 72 85 88 88 88 95 68
Immunisation contre l’hépatite B pour tout le reste du personnel clinique 100 86 75 79 75 57 78 70 76 80 86 46
Protocole post-expositiona 70 0 36 54 37 48 36 48 39 43 55 38
Rengainent toujours les aiguilles avec un dispositif ou une technique à écuelle 78 44 50 52 59 55 50 92 48 56 44 50
Utilisent toujours un contenant à l’épreuve des perforations pour jeter les objets pointus 100 100 93 95 92 95 94 95 90 96 100 94

a p < 0,0001

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Les différences constatées dans les autres mesures de contrôle des infections comprennent l’utilisation d’un guide de contrôle des infections au cabinet (de 30 à 78 p. 100), la surveillance biologique des stérilisateurs à chaleur (de 50 à 91 p. 100), le lavage des mains avant le traitement des patients (de 40 à 84 p. 100), le port de gants durant le traitement des patients (de 93 à 100 p. 100) et leur changement après chaque visite (de 94 à 100 p. 100), la stérilisation des pièces à main à la chaleur entre les visites (de 60 à 96 p. 100), ainsi que le port de masques (de 50 à 100 p. 100), de protecteurs oculaires (de 70 à 100 p. 100) et d’uniformes (de 17 à 65 p. 100) pour se protéger contre les éclaboussures de sang et de salive (voir tableau 2).

Tableau 2

Pourcentage des répondants de chaque province/territoire ayant déclaré prendre des mesures de contrôle des infections (n = 4107)

Variable

Province/Territoire

  T.N.O. Yn C.-B. Alb Sask. Man. Ont. QC N.-B. N.-É. I.P.-É T.N.
Guide de contrôle des infections au cabineta 78 30 44 78 55 61 48 49 46 59 58 48
Surveillance biologique
des stérilisateurs à chaleura
80 50 71 91 68 75 67 70 66 74 84 57
En traitant les patients :
• lavage des mains
• avant chaque visitea
83 40 71 71 74 77 74 82 77 80 84 73
• lavage des mains après  avoir retiré les gants 74 30 63 63 67 61 62 65 59 69 74 62
• portent toujours des gantsb 100 100 93 99 96 98 94 94 93 97 95 95
• changent toujours de gants après chaque visiteb 100 100 94 98 95 99 96 98 98 100 100 97
• stérilisent toujours les  pièces à main à la chaleur  après chaque visitea 96 80 60 94 82 89 80 71 81 79 86 76
• donnent toujours un rince-bouche antimicrobien   avant les procédures  intra-buccalesa 4 0 2 5 4 2 4 3 2 2 0 0
• lavent toujours à grande eau lesconduites d’eau   après chaque visite 64 20 53 58 56 55 54 57 55 57 68 52
• utilisent toujours une digue en caoutchouc pour les procédures restauratricesa 9 20 60 52 53 62 21 18 44 58 51 24
Pour se protéger contre les éclaboussures desang ou de salive
• portent toujours  un masquea
100 80 84 90 81 85 79 86 82 75 50 75
• portent toujours  un protecteur oculaireou un écran facialc 70 100 85 84 80 82 84 79 71 76 71 73
• portent toujours un  uniforme protecteura 65 50 38 49 45 53 49 55 48 43 17 51
• utilisent toujours la  succion à haute intensitéb 96 90 95 96 94 95 90 90 91 93 95 93

a p < 0,0001
b p < 0,01
c p < 0,05

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Le port régulier de gants en traitant les patients, de même que de masques et de protecteurs oculaires pour se protéger contre les éclaboussures de sang et de salive, varie de 36 à 100 p. 100 et, d’une façon significative, est associé au plus jeune âge, à l’état matrimonial (célibat ou mariage), au nombre moindre de patients par jour, à la femme dentiste, au centre de population dans lequel le cabinet principal est situé (population de 100 000 à 500 000 habitants) et à la participation à un cours de formation continue sur le contrôle des infections.

Le taux de conformité aux 18 mesures de contrôle des infections recommandées («conformité excellente»)6 varie de 0 à 10 p. 100. Du point de vue statistique, les prédicteurs importants de conformité excellente aux mesures recommandées sont la participation à plus de six heures de cours de formation continue sur le contrôle des infections au cours des deux années précédentes (10 heures et plus, risques relatifs [RR] = 9,0; de 6 à 10 heures, RR = 3,8; groupe témoin = aucun), la population de la ville où le cabinet est situé (>500 000, RR = 2,5; groupe témoin = <10 000) et la femme dentiste (RR = 2,1). Il n’y a aucune différence importante par province ou territoire.

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Débat
L’Association dentaire canadienne (ADC) et les organismes de réglementation provinciaux ont publié des recommandations et des directives au sujet du contrôle des infections dans les cabinets dentaires. Notre étude fournit des informations pouvant être utiles pour orienter la formation continue dans les provinces.

Le lavage des mains
Le lavage des mains est l’une des mesures les plus importantes pour prévenir les infections croisées dans l’exercice de la dentisterie. Or, parmi les professionnels de la santé, y compris les dentistes, la conformité est seulement partielle10–13. Les directives de l’ADC recommandent de se nettoyer les mains avec un savon germicide avant de porter des gants et immédiatement après les avoir enlevés2,3. Même si l’on porte des gants, les mains peuvent devenir contaminées à la suite de perforations ou quand on retire les gants14-16.

Certains répondants semblent porter des gants au lieu de se nettoyer les mains. Il est quelque peu réconfortant de remarquer que, parmi ceux qui n’en portent jamais, 100 p. 100 se nettoient les mains entre les visites. Des facteurs reliés aux taux inférieurs de conformité à cet égard ont été antérieurement déterminés : la disponibilité des lavabos, l’effet du lavage des mains sur l’état de la peau, la charge de travail et le risque perçu faible17-23. Par ailleurs, la compréhension du risque de transmission des infections constitue un facteur de motivation important18-19, ce qui laisse entendre que la formation continue peut être utile pour améliorer la conformité même s’il est difficile d’obtenir un changement de comportement permanent sans des rappels constants24-28.

L’immunisation contre le VHB
Le taux d’immunisation contre le VHB parmi les dentistes du Canada se compare favorablement avec les récents résultats des sondages effectués aux États-Unis (93 p. 100 d’immunisés)5 et au Royaume-Uni (86 p. 100 d’immunisés)29 et il est plus élevé que celui qu’ont révélé d’autres études antérieurement effectuées sur les dentistes du Canada de 1987 à 199330-32. Toutefois, la proportion des répondants ayant déclaré s’être fait tester pour une réaction immunitaire après immunisation contre le VHB varie de 49 p. 100 au Manitoba à 78 p. 100 dans les Territoires du Nord-Ouest, ce qui dénote une certaine incertitude envers l’efficacité de la protection contre le VHB chez les dentistes canadiens. C’est là un problème, étant donné qu’il faut connaître le titre des anticorps du VHB pour bien gérer une exposition au virus. Les résultats indiquent qu’il faudrait éduquer davantage sur l’immunisation contre le VHB et les protocoles post-exposition.

Bien que les taux d’immunisation contre le VHB soient généralement élevés parmi les dentistes, des taux d’immunisation inférieurs ont été déclarés pour tout le personnel clinique, surtout par les répondants de Terre-Neuve et du Manitoba. Malheureusement, les répondants qui ont déclaré une conformité moindre à l’immunisation contre le VHB pour le personnel sont également moins susceptibles de déclarer l’utilisation de protocoles post-exposition (p < 0,0001) alors que, pour les personnes non immunisées, un traitement prophylactique s’impose dans les 48 heures après une exposition. Depuis la fin de notre sondage, on a découvert que la zidovudine (AZT) réduit de 79 p. 100 le risque de séroconversion du VIH après un accident de travail si on l’administre dans les deux heures suivant une exposition33-34. Il se peut que les dentistes du Canada soient maintenant plus au courant du traitement prophylactique après une exposition au VIH et, par conséquent, soient plus susceptibles de disposer d’un protocole post-exposition pour les accidents de travail. Cette étude a également porté sur ces accidents et les résultats en sont présentés ailleurs35.

L’utilisation de stérilisateurs à chaleur
Plus de 95 p. 100 des répondants de toutes les provinces et territoires autres que le Territoire du Nord-Ouest (87 p. 100) ont déclaré se servir de stérilisateurs à chaleur.

L’ADC a recommandé une surveillance biologique régulière pour vérifier les stérilisateurs à chaleur2,3. Dans certaines provinces et territoires, une faible surveillance biologique soulève des questions au sujet de la qualité de la stérilisation dans certains cabinets dentaires. Bien que rien ne prouve que des pathogènes, y compris le VIH, aient été transmis à l’aide de pièces à main dentaires, la possibilité d’infection croisée a été démontrée36,37. La stérilisation des pièces à main à la chaleur est donc recommandée entre chaque visite2,3.

Nous avons trouvé des différences importantes entre les provinces et les territoires touchant la stérilisation des pièces à main, les déclarations de stérilisation à la chaleur après chaque visite variant de 60 à 96 p. 100. Cependant, le taux de conformité à la stérilisation des pièces à main à la chaleur est plus élevé dans cette étude-ci qu’il ne l’était dans des études antérieures sur les dentistes du Canada30,32, ce qui confirme les rapports soutenant que le taux de conformité s’améliore avec le temps38,39.

Les conduites d’eau des unités dentaires
Les films biologiques trouvés dans les conduites d’eau des unités dentaires sont une source possible de transmission de pathogènes40-43, un problème qui inquiète de plus en plus. Lors de cette étude, l’ADC recommandait que les conduites d’eau soient nettoyées à grande eau après chaque visite. Or, les variantes interprovinciales à cet égard vont de 20 à 68 p. 100. Les recommandations de l’ADC au sujet des conduites d’eau des unités dentaires ont été récemment mises à jour44, mais elles restent moins sévères que celles de l’Association dentaire américaine45.

Le maniement des objets pointus
Quand des mesures de contrôle des infections sont appliquées, le risque d’acquérir une infection au travail par des pathogènes à diffusion hématogène comme le VHB, le VHC et le VIH se restreint aux accidents causés par des objets pointus ou tranchants. On peut réduire le nombre de ces accidents en utilisant des contenants à l’épreuve des perforations pour jeter ces objets et en évitant de rengainer les aiguilles usagées avec les deux mains.

Bien que le taux de conformité soit élevé pour l’utilisation de tels contenants, le taux de conformité varie beaucoup pour ce qui est de rengainer les aiguilles usagées à l’aide d’une technique à écuelle ou d’un dispositif mécanique3,4. Ainsi, faudrait-il des mesures éducatives pour réduire le nombre des accidents avec des objets pointus. Les dentistes qui n’utilisent pas de contenants à l’épreuve des perforations ou de protocoles post-exposition ont également déclaré un nombre beaucoup plus grand de blessures percutanées35.

Le port de protecteurs
Bien que tout indique une amélioration du taux de conformité à l’utilisation de protecteurs parmi les dentistes du Canada38,39, c’est une minorité de répondants qui, dans cette étude, se conforment aux recommandations demandant de se laver les mains et de porter les protecteurs appropriés. En tenant compte de l’incidence des variables socio-démographiques et de la formation continue, les résultats de l’analyse multivariée indiquent que les dentistes de l’Alberta se conforment plus que ceux des autres provinces et territoires au port de protecteurs.

Notre étude prouve effectivement que les protecteurs sont efficaces. Les protecteurs oculaires et les masques réduisent de beaucoup (mais n’éliminent pas) les expositions des membranes muqueuses. En outre, les dentistes qui ont déclaré porter régulièrement des gants ont en moyenne moins de blessures percutanées par année que ceux qui ont déclaré en porter occasionnellement ou pas du tout. Il est clair qu’une meilleure conformité au port de protecteurs réduit le risque d’exposition et d’infection au travail35.

Combinaisons des procédures recommandées pour contrôler les infections
Dans cette étude, bien que les taux déclarés de conformité à plusieurs procédures spécifiques pour contrôler les infections en dentisterie soient très élevés, le taux de conformité à des combinaisons des procédures recommandées et nécessaires pour réduire la possibilité d’infection croisée est faible. Voilà sans doute pourquoi de nombreux répondants ont déclaré qu’ils utiliseraient, avec les patients atteints du VIH, des mesures supplémentaires pour contrôler les infections. Quand on prend des précautions universelles, tous les patients sont traités comme s’ils étaient infectés par le VHB, VHC ou le VIH; les mesures additionnelles sont alors inutiles pour les patients ayant des infections à diffusion hématogène connues.

Dans cette étude, bon nombre de dentistes ont exprimé des inquiétudes au sujet du VIH. Ces inquiétudes comprennent les craintes du personnel au sujet des patients séropositifs (66,5 p. 100), les craintes des praticiens qui croient qu’ils perdront des patients s’ils en traitent qui sont séropositifs (67,5 p. 100), les craintes des praticiens au sujet de la sécurité du personnel (62,6 p. 100) et le souci que le coût des procédures de contrôle des infections nécessaires au traitement des patients séropositifs serait un fardeau financier pour le cabinet (45,1 p. 100). Il se peut que des dentistes prennent des précautions inutiles en traitant des patients connus pour être séropositifs afin de dissiper les craintes du personnel et ses inquiétudes touchant sa sécurité personnelle. Au Canada, ces précautions supplémentaires peuvent entraîner des accusations de discrimination46,47. La publicité récente au sujet d’accusations de ce genre a sans doute contribué à augmenter la conformité aux procédures recommandées pour contrôler les infections et à favoriser une meilleure compréhension du principe des précautions universelles39.

Cette étude comporte des restrictions. Ainsi, elle n’a pas porté sur toutes les procédures de contrôle des infections recommandées par l’ADC de peur qu’un plus grand nombre de questions ne réduise le taux de réponse. En outre, parce que la fréquence avec laquelle des rince-bouche antimicrobiens et des digues en caoutchouc sont utilisés avant les procédures de restauration est faible, on a éliminé ces deux précautions en calculant le taux de «conformité excellente» : le sous-ensemble de ceux qui se conforment à ces mesures aurait été trop peu nombreux pour des analyses plus poussées. On devrait également noter que la sérologie après immunisation contre le VHB était exclue puisqu’elle ne faisait pas l’objet d’une recommandation au moment du sondage, et ce, bien qu’il en soit tout autrement aujourd’hui48. Enfin, tout indique que les déclarations des intéressés peuvent surestimer la conformité aux procédures recommandées pour contrôler les infections49. Étant donné la faible fréquence de conformité déclarée pour certaines procédures et certaines combinaisons de procédures, ce problème n’est sans doute pas pertinent dans cette étude.

Les différences provinciales et territoriales touchant la «conformité excellente» semblent être déterminées par la participation à des cours de formation continue sur le contrôle des infections, le sexe (femme) et l’endroit du cabinet dans les centres de population supérieurs à 500 000 habitants. Même si la dynamique de cette association n’est pas claire, la participation à plus de six heures de cours de formation continue sur le contrôle des infections au cours des deux années précédentes est le plus important prédicteur de «conformité excellente» aux procédures recommandées pour contrôler les infections. Les dentistes qui appliquent les mesures de contrôle des infections recommandées avec le plus de sérieux sont peut-être également ceux qui participent aux cours de formation continue avec le plus d’assiduité. L’association à la formation continue confirme un rapport précédent suivant lequel les améliorations touchant la conformité, par les dentistes de l’Ontario, aux procédures recommandées pour contrôler les infections, peut être reliée au fait que le Collège royal des chirurgiens dentistes de l’Ontario a rendu obligatoire la formation continue en dentisterie39. Dans neuf des 12 provinces et territoires, la formation continue est maintenant obligatoire pour les dentistes afin de pouvoir conserver leur droit d’exercer. Si l’on accordait plus d’importance aux crédits pour les cours donnés sur le contrôle des infections ou si ces cours étaient rendus obligatoires en formation continue, la conformité aux procédures recommandées pour contrôler les infections serait sans doute encore plus grande

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Conclusion
Pour conclure, nous avons découvert que la plupart des dentistes portent des gants, des masques et des protecteurs oculaires et qu’ils se font immuniser contre le VHB. Cependant, nombreux sont ceux qui ne suivent pas l’ensemble des procédures recommandées pour contrôler les infections et nécessaires pour minimiser le risque d’infection croisée dans l’exercice de la dentisterie. Il est important de remarquer que, dans les comparaisons internationales touchant les mesures de contrôle des infections prises par les dentistes, celles des Canadiens semblent meilleures ou comparables à celles des dentistes mentionnées dans la littérature internationale6. Les résultats que nous avons obtenus appuient le principe de la formation continue obligatoire comprenant un volet spécifique sur le contrôle des infections. Avec aujourd’hui la montée des craintes vis-à-vis de la transmission de pathogènes à diffusion hématogène comme les virus de l’hépatite et le VIH, et avec l’apparition de micro-organismes pharmacorésistants, la conformité aux mesures de contrôle des infections recommandées doit être améliorée.

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Le Dr McCarthy est professeure agrégée au Département de l’épidémiologie et de la biostatistique de l’École de dentisterie de l’Université Western Ontario. Elle est actuellement scientifique de carrière dévouée au Programme de perfectionnement des chercheurs dans le domaine de la santé du ministère de la Santé de l’Ontario.

Le Dr Koval est professeur agrégé au Département de l’épidémiologie et de la biostatistique de la Faculté de médecine et de dentisterie de l’Université Western Ontario.

Le Dr John est professeur agrégé au Département de la microbiologie et de l’immunologie de l’Université Western Ontario.

M. MacDonald est adjoint à la recherche à l’École de dentisterie et au Département de l’épidémiologie et de la biostatistique de la Faculté de médecine et de dentisterie de l’Université Western Ontario.

Demandes de tirés à part : Dr Gillian M. McCarthy, Université Western Ontario, Faculté de médecine et de dentisterie, École de dentisterie, Bâtiment des sciences dentaires, London ON N6A 5C1

Ce sondage a bénéficié de l’appui financier du Programme national de recherche et de développement en matière de santé de Santé Canada (6606-5463-AIDS).

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