Restaurations provisoires diagnostiques en dentisterie restauratrice : le modèle du succès

•  Terry E. Donovan, DDS

George C Cho, DMD

© J Can Dent Assoc 1999; 65:272-5

[Matériaux et méthodes| Patient no1  |Patient no2 |Sommaire et conclusion| Références]


Un prosthodontiste réputé a déjà écrit : «Lorsque l’esthétique est la première source de motivation de tout processus de restauration, celle-ci échouera à coup sûr.»1 Bien qu’il soit difficile d’être en désaccord avec cette affirmation, il est certain qu’un nombre considérable de services de médecine dentaire restauratrice facultative sont principalement motivés par l’esthétique. Et lorsque les restaurations ont surtout des motifs fonctionnels, il est important de traiter des préoccupations esthétiques du patient.

Selon l’expérience des auteurs, le dentiste restaurateur doit clairement comprendre les attentes du patient en matière d’esthétique, et le patient doit comprendre les limites inhérentes à tout type de thérapie restauratrice. Un mode d’intervention à la disposition du clinicien et pouvant aider à la communication entre le dentiste et le patient est souvent négligé : il s’agit de la restauration provisoire. Ces restaurations peuvent souvent être utilisées avant tout traitement irréversible pour voir les résultats esthétiques potentiels et découvrir les limites des thérapies restauratrices spécifiques. Dans d’autres cas, les restaurations peuvent être mises en place et facilement modifiées une fois que la dent a été préparée, mais avant la fabrication de la restauration définitive. Dans ces cas, la restauration provisoire peut être modifiée jusqu’à ce que le patient soit satisfait; elle servira ensuite de modèle pour le technicien qui fabrique la restauration définitive.2,3

Cet article traite des restaurations provisoires, il les illustre et indique de quelle manière elles peuvent servir de diagnostic pour répondre aux attentes esthétiques du patient avant que les restaurations définitives soient fabriquées. Des techniques permettant de communiquer ces renseignements importants au technicien de laboratoire sont aussi décrites.

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Matériaux et méthodes

De nombreux produits et techniques peuvent servir à fabriquer des restaurations provisoires. Ce n’est pas l’objet du présent article. La technique généralement utilisée par les auteurs est la technique indirecte, qui a été décrite adéquatement dans la littérature.4-7 Le matériau de choix pour de telles restaurations est le composé polymérisable méthacrylate de méthyle (Jet Acrylic Resin, Lang Dental Manf. Co., Chicago, IL), qui est polymérisé dans une marmite à pression (Acri-Dense III, GC Dental, Scottsdale, AZ). La recherche a démontré que les restaurations provisoires indirectes sont plus fortes et denses et qu’elles ont une meilleure intégrité marginale que les restaurations provisoires directes.8-11 De plus, lorsqu’on a recourt à la technique indirecte, la dent préparée n’est pas exposée à la réaction exothermique inhérente aux matériaux de résine acrylique. La recherche a démontré qu’une chaleur suffisante est produite pendant la réaction de prise pour causer des dommages pulpaires irréversibles.12-15

De nombreux matériaux sont disponibles aujourd’hui pour fabriquer des restaurations provisoires acceptables au moyen de la technique directe (p. ex., Iso-Temp, 3M Dental, St. Paul, MN; Temp-Phase, Kerr Corporation, Orange, CA). Bon nombre de ces matériaux possèdent des réactions de prise en plusieurs étapes et peuvent être ajustés facilement à l’état caoutchouteux. Ces types de matériaux sont utilisés habituellement pour la dentisterie générale où des changements considérables de grandeur, de forme et de morphologie générale des dents n’entrent pas en considération. Bien que ces matériaux peuvent assurément être très utiles pour certains aspects de la dentisterie clinique, ils sont inférieurs aux matériaux de composé polymérisable méthacrylate de méthyle pour un diagnostic à long terme et des restaurations provisoires esthétiques.

On a recours à la méthode de base suivante lorsqu’on prévoit exécuter des restaurations esthétiques.

  1. Un examen clinique et radiographique approfondi est exécuté, et les antécédents médicaux et dentaires détaillés sont identifiés.
  1. Le motif de consultation et les attentes esthétiques sont déterminés pendant une entrevue initiale détaillée.
  1. Des empreintes sont prises avec de l’hydrocolloïde irréversible et les modèles d’étude sont montés dans un articulateur approprié à l’aide d’un arc facial et d’un articulé fabriqué dans la relation centrée.
  1. S’il y a lieu, un modèle en cire diagnostique est fabriqué et une empreinte du modèle en cire est prise avec de l’hydrocolloïde irréversible. Un moule du modèle en cire est obtenu de l’empreinte.
  1. Des restaurations provisoires sont fabriquées à l’aide de matrices du moule pour déterminer la morphologie des restaurations. Ces restaurations provisoires sont visualisées dans la bouche du patient et sont ajustées de manière à offrir un support de la lèvre optimal et à obtenir la longueur, la forme, la couleur et l’apparence esthétique générale voulues. Elles sont mises à l’essai relativement à la phonétique à l’aide de fricatives et de sifflantes; en dernier lieu, elles sont évaluées quant au confort et à leur fonction.
  1. Une fois que les exigences esthétiques et fonctionnelles du patient sont satisfaites, une empreinte est prise des restaurations provisoires acceptables, et le moule obtenu est envoyé au laboratoire pour servir de guide quant à la restauration définitive.

Dans certains cas cliniques, les restaurations provisoires peuvent servir à démontrer les résultats finaux sans préparer les dents. Si les exigences esthétiques du patient ne peuvent être satisfaites, ni le dentiste ni le patient ne sont pris avec un traitement irréversible. Dans d’autres cas, les dents doivent être préparées avant de fabriquer les restaurations provisoires, ce qui engage le patient quant à la restauration. Il est tout de même toujours beaucoup plus facile de modifier et d’altérer les restaurations de résine acrylique que de modifier des restaurations définitives fabriquées avec des matériaux métalliques, céramiques ou céramo-métalliques.

Les récits et illustrations suivants démontrent l’utilité et la flexibilité de cette approche.

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Patient no 1

Ce patient s’est présenté avec une usure modérée sur la dent incisive antérieure maxillaire (Ill. 1). Il voulait principalement faire allonger les incisives centrales pour des motifs esthétiques. Un modèle en cire diagnostique a été fait sur des moules montés, une empreinte a été prise du modèle, et un moule de gypse a été fait à partir de l’empreinte. Des coquilles en résine acrylique ont été fabriquées pour faire un essai dans la bouche (Ill. 2). Une fois les coquilles ajustées à la longueur préférée du patient, il est devenu apparent que les incisives latérales auraient besoin d’être allongées un peu pour harmoniser leur apparence avec celle des dents antérieures maxillaires (Ill. 3). On a décidé d’allonger les incisives latérales avec de la résine composite (Herculite XRV, Kerr Corporation, Orange, CA). Les incisives centrales ont été préparées pour recevoir des facettes de porcelaine, et les incisives latérales ont été restaurées avec de la résine composite liée directement. Les coquilles en résine acrylique ont été ensuite regarnies et scellées sur les incisives centrales en vue de restaurations provisoires (Ill. 4).

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Ill. 1 : Le patient voulait faire allonger ses incisives centrales pour des motifs esthétiques.. Ill. 2 : Des coquilles en résine acrylique ont été fabriquées à partir d’un moule de modèle en cire diagnostique. Elles serviront à évaluer la longueur des incisives centrales.
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Ill. 3 : Les coquilles en résine acrylique ont été placées sur les incisives avant que les dents soient préparées. Une fois ajustées à la bonne longueur, elles aident à évaluer la longueur optimale des incisives latérales. Ces dernières seront allongées avec de la résine composite. Ill. 4 : Les incisives centrales maxillaires ont été préparées pour des facettes de porcelaine; les coquilles ont été regarnies et serviront de restaurations provisoires. Les incisives latérales ont été allongées avec de la résine composite.

Une semaine plus tard, les facettes de porcelaine ont été scellées sur les incisives centrales à l’aide d’un matériau de scellement de résine composite photopolymérisable (Opal Luting Composite, 3M Dental, St. Paul, MN). L’illustration 5 montre les restaurations achevées, avec de la résine composite directement liée aux bords incisifs des incisives latérales et les facettes de porcelaine sur les incisives centrales. La clé de la prévisibilité dans ce cas est que la longueur optimale des incisives centrales a été déterminée dans la bouche du patient à l’aide des coquilles en résine acrylique. Les coquilles ont ensuite aidé à déterminer la longueur des incisives latérales liées directement, et le moule des restaurations provisoires a servi de guide au technicien de laboratoire pour fabriquer les facettes de porcelaine.

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Patient no 2

Ce patient s’est présenté avec un pont fixé de la canine gauche maxillaire à la canine droite, avec des pontiques remplaçant les deux incisives centrales et l’incisive latérale gauche. Une rétraction gingivale s’était produite sur toutes les restaurations de pilier, exposant ainsi les bords cervicaux des couronnes-piliers. En plus des problèmes esthétiques causés par cette rétraction, les bords incisifs des dents antérieures formaient une ligne relativement droite, ce qui donnait une apparence plutôt artificielle (Ill. 6). Des moules diagnostiques ont été montés et un modèle de cire diagnostique achevé (Ill. 7). Ce modèle en cire créait intentionnellement des rotations de dent mineures et des irrégularités dans la position de bord incisif de manière à donner une apparence plus naturelle.

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Ill. 5 : Les facettes de porcelaine ont été scellées en place. Notez l’excellente réponse des tissus mous, ainsi que la relation harmonieuse de la longueur des incisives centrales et latérales et des canines. Ill. 6 : Ce patient s’est présenté avec une prothèse fixée de six unités avec une rétraction gingivale autour des couronnes sur les dents-piliers.
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Ill. 7 : Le modèle en cire diagnostique a créé délibérément des rotations de dent mineures et des irrégularités dans la position de bord incisif de manière à donner une apparence plus naturelle. Ill. 8 : Cette restauration provisoire a été faite à partir d’un moule du modèle en cire diagnostique (voir Ill. 7).

Le pont fixé a été enlevé, les dents-piliers ont fait l’objet d’une nouvelle préparation, et une restauration provisoire a été fabriquée à partir d’un moule du modèle en cire diagnostique (Ill. 8). Après une évaluation intra-buccale, le patient et le dentiste étaient tous les deux d’accord sur le fait que l’aspect esthétique de la restauration provisoire n’était pas optimal. Un nouveau modèle en cire a été créé en tenant compte des désirs et des commentaires du patient, puis une nouvelle restauration provisoire a été fabriquée à partir d’un moule du modèle en cire (Ill. 9). Cette restauration provisoire ressemblait davantage au pont fixé d’origine, et le patient était très satisfait des résultats esthétiques, même si l’apparence semblait quelque peu artificielle aux yeux du dentiste. Une empreinte avec de l’hydrocolloïde irréversible a été prise de la restauration provisoire, et le moule résultant a été envoyé au technicien de laboratoire, avec des directives appropriées sur la forme et la conception du pontique. La restauration définitive a été fabriquée à l’aide de la restauration provisoire comme modèle (Ill. 10).

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Ill. 9 : Cette restauration provisoire a été effectuée à partir d’un moule du nouveau modèle en cire diagnostique après l’avoir mis à l’essai dans la restauration provisoire d’origine, laquelle était inacceptable pour le patient. Le patient a approuvé le résultat esthétique de la nouvelle restauration provisoire; les restaurations définitives ont ainsi pu être fabriquées en toute confiance Ill. 10 : Les restaurations définitives du patient (voir Ill. 9) sont très semblables aux restaurations provisoires approuvées..

Le facteur clé assurant la satisfaction de ce patient est la facilité relative avec laquelle on a pu vérifier et modifier l’aspect esthétique grâce à la restauration provisoire. Une fois l’approbation du client obtenue, on a pu fabriquer la restauration définitive en toute confiance.

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Sommaire et conclusion

Il ne fait aucun doute que les patients d’aujourd’hui exigent des services haut de gamme dans le domaine de la dentisterie restauratrice, des points de vue esthétique et fonctionnel. On ne devrait entreprendre aucune intervention en dentisterie restauratrice sans comprendre clairement les attentes du patient et les limites du traitement restaurateur. Le dentiste doit être en mesure de se représenter clairement dans son esprit les résultats finaux avant d’entreprendre un traitement irréversible. L’utilisation des moules diagnostiques montés, des modèles en cire diagnostiques et des restaurations provisoires permet d’obtenir l’approbation du patient avant d’entreprendre l’étape définitive. Il arrive trop souvent que le dentiste ne prenne pas avantage de cette possibilité restauratrice et connaisse des résultats désastreux lorsque le patient voit la restauration définitive pour la première fois. En suivant le plan de traitement décrit dans le présent article, on peut éviter de tels désastres.

Le Dr Donovan est professeur et doyen associé, président, Département de la dentisterie restauratrice, et codirecteur, Études avancées en art de la prothèse dentaire, École dentaire de l’Université de la Californie du sud, Los Angeles, Californie.

Dr Cho est professeur adjoint, Département de la dentisterie restauratrice, et directeur de clinique, Études avancées en art de la prothèse dentaire, École dentaire de l’Université de la Californie du sud, Los Angeles, Californie.

Demandes de tirés à part : Dr Terry E. Donovan, University of Southern California School of Dentistry, 925 W 34 St., Los Angeles CA 90089, USA.

Les auteurs n’ont aucun intérêt financier déclaré dans les sociétés fabricant les produits mentionnés dans le présent article.

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Références

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