Volume 12 • 2025 • Numéro 5

Le Dr Bedos dénonce de plus en plus ouvertement ce qu’il considère comme un échec de l’enseignement supérieur à préparer les professionnels aux réalités écologiques. «Nous formons les étudiants pour qu’ils obtiennent de bons résultats dans un système qui est fondamentalement non durable. Nous devons former les gens à transformer ce système pour le mieux», soutient-il. Il se dit préoccupé par le fait que des pairs et des institutions reconnaissent le changement climatique, mais estiment que c’est la responsabilité d’autrui. «Les universitaires ont tendance à se rassurer en pensant que des solutions technologiques finiront par émerger, rapporte-t-il. Mais dans bien des cas, il s’agit là de vœux pieux. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’une volonté politique, d’une transformation culturelle et d’un sens commun des responsabilités. » Le Dr Bedos reste cependant réaliste. «Je ne suis pas parfait. Je prends encore l’avion pour aller à des événements. Mais il faut bien commencer quelque part. Nous avons besoin que les dirigeants, en particulier en santé et en éducation, prennent cette question au sérieux. Et si ça ne vient pas d’en haut, il faudra que ça parte d’en bas.» Réécrire l’avenir Le sujet tient tout autant à cœur la Dre Toreihi, mais en plus elle est énergique, déterminée et pleine d’espoir. Elle est consciente que le changement peut être lent. Que beaucoup de gens, en particulier dans les pays riches en ressources comme le Canada, n’ont pas encore pris conscience de l’urgence de la situation. «Il existe une idée répandue voulant que, parce que nous avons des forêts et des chutes de neige, nous soyons en quelque sorte protégés contre les dommages environnementaux, signale la Dre Toreihi. Mais les frontières nationales ne sont qu’artificielles. Nous partageons une seule planète, et les impacts environnementaux dans une région se répercutent inévitablement à l’échelle mondiale.» Son optimisme repose sur la communauté : les étudiants et les dentistes qui participent aux ateliers, l’élargissement du dialogue mondial autour de la médecine dentaire écoresponsable et la conviction profonde que l’exercice professionnel peut refléter des convictions éthiques. Selon elle, «il est possible d’arrimer les principes auxquels nous adhérons à notre façon de travailler.» Sa vision est autant personnelle que planétaire. «Je souhaite avoir des enfants un jour, confie-t-elle. Je voudrais qu’ils aient une planète habitable.» À mesure que les efforts des Drs Bedos et Toreihi avancent, quantification des émissions, facilitation du dialogue communautaire, élaboration de cadres éducatifs et remise en question des pratiques établies, ils construisent quelque chose qui dépasse une simple clinique respectueuse de l’environnement. Ils contribuent à orienter la profession vers un avenir durable et réfléchi. Et ce faisant, ils nous rappellent fortement que, pour s’occuper de la santé buccodentaire, il faut nécessairement s’occuper des systèmes vivants qui nous soutiennent tous. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est le principal organe international chargé d’évaluer le changement climatique. Il se fonde sur des études revues par des pairs pour produire des rapports exhaustifs destinés aux stratèges politiques. Sa plus récente publication, parue entre 2021 et 2023, livre un message clair : l’activité humaine est sans conteste à l’origine du changement climatique, et les conséquences de ce dernier – phénomènes météorologiques extrêmes, perte de biodiversité, insécurité alimentaire et hydrique – s’aggravent. Le rapport souligne que, pour limiter le réchauffement à 1,5 °C audessus des niveaux préindustriels, les émissions mondiales de CO2 doivent diminuer d’environ 45 % d’ici 2030 et atteindre zéro net d’ici 2050. Sans réductions draconiennes et immédiates dans les secteurs de l’énergie, des transports et de l’utilisation des terres, les conséquences pourraient être irréversibles. Le rapport fait ressortir que même si le temps presse, il n’est pas trop tard. Il y a des outils et des connaissances pour prévenir un réchauffement catastrophique, mais les gouvernements, les institutions et les sociétés doivent agir dès maintenant, rapidement et à grande échelle. 27 Numéro 5 | 2025 | Point de mire

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