L'essentiel de l'ADC 2016 • Volume 3 • Numéro 2 - page 22

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Volume3Numéro2
P
oint demire
voulait direêtreunepersonneen santébienéquilibréeet, par
extension, unboncitoyen. Pour les famillesqui idéalisaient
lamodernité, la suburbanisationet lanormalité, celavoulait
direconsulter undentistedeux foispar anet s’assurer que les
enfantsgrandissaient dans lesmeilleures conditions, cequi
signifiait enétant épargnésde tout troubledentaireoupresque
et enportant unappareil orthodontique.
Vousassociez lafixationgrandissantesur lesdents
blanchesetdroitesauxeffortsdéployésafinde
préparer lesconscritsauservicepour laSeconde
Guerremondiale.Quevoulez-vousdire?
CQ :
Jenediraispasquedesdentsblanches et droites étaient
liées aux recruesmilitaires,maisplutôt que legouvernement
reconnaissait par l’entremisedecelles-ci lemauvais état de
santébuccodentairede lapopulationet par conséquent la
nécessitéd’investir ence sens. Nous avionsbesoinde soldats
en santéet, aubout ducompte, decitoyens en santépour
atteindrenosobjectifs en tant quenation.
AK :
À l’époquede laSecondeGuerremondiale, la santé
buccodentaireétait tellementmauvaiseque les conscritsne
répondaientmêmepas auxexigencesdentairesminimales
pour entrer au servicemilitaire. Unhomme sur quatreaurait
été rejetéparcequ’il n’avaitmêmepasdeuxdentsopposées
fonctionnelles. Le tauxde rejet était si élevéqu’il aurait
compromis les effortsdeconscription. Enconséquence, les
exigencesdentairesont dûêtre levées et leCorpsdentaire
renforcépour traiter lesmilitaires.
Le secteur associatif dentairea saisi laballeaubondet a lancé
unecampagnequi a réussi non seulement à inciter lesdentistes
àoffrir des soinsgratuits aux conscrits,mais aussi à faireentrer
lesdentistesdans les forces armées aumême rangque les
médecins. Desmilliersdedentistes, surtout lesnouveaux
diplômés, se sont enrôléspour aider les conscrits àavoir une
santédentaire suffisantepour le servicemilitaire. Enparallèle, les
affairesont commencéàfleurir pour lesdentistes aupays.
Votrearticlepuisedansdesétudesmontrant le
biaisdenotreculturepour lesdentsdroiteset
blanches(pour lemarchédu travail, laréussite
engénéral,etc.).Or,d’autrescultures(auJapon,
enGrande-Bretagne)préfèrentdesdents«au
naturel».Pourquoi?
AK :
Associer desdentsblanches et droites à labeauté,
la jeunesseou la réussite socialeest unconcept historique
et culturel propreà l’AmériqueduNord. Chaqueculturea
ses idéaux. Par exemple, lesdentistes japonaisoffrent des
servicespour créer desdentsqui sechevauchent (leyaeba
oudoubledentition), cequi est un look jugéattirant et jeune.
LesBritanniques, eux, préfèrent lesdents aunaturel au lieu
desdentsd’uneblancheur nacrée « à l’américaine »puisque la
majoritéconsidèrecetteobsessioncomme futile. Enun sens, ils
préfèrent la fonctionnalitéavant l’esthétisme.
Quel rôle joue l’attirancesexuelledans tout le
souciquenousavonspour lesdents?
CQ :
D’unpoint devuepurement biologique, c’est un signe
de réussitegénétique, et d’unpoint devue social, un signede
réussite socialeet économique.
AK :
L’attrait sexuel jouepour beaucoupdans tout l’intérêt
quenousportons ànosdents. Lesdents tendent ànoircir et
à jaunir avec l’âge; desdentsblanches sont donc synonymes
de jeunesseet debeauté. Il aétéétabli quenous accordons
davantaged’importanceà l’apparencedesdentsdesgens
du sexeopposé. Un sourire «parfait »est auxhumains ce
qu’unbeauplumageest auxoiseaux. Qui plus est, dansune
perspectiveévolutive, la symétrieet les caractéristiques
sexuelles secondairesont unegrande incidence sur l’attirance.
Jusqu’àquelpointserait-ildifficilepour
quelqu’undebouder l’idéaldesdentsdroiteset
blanches?Quellesseraient lesconséquences?
AK :
Lesmédias créent d’énormespressionspour que l’on
seconformeaux idéauxde la société. Unedentitionparfaite
est presquedevenueuneobsessionenAmériqueduNord.
Même si tel n’est pas lecaspartout enAmériqueduNord,
onnepeut nier qu’elle soit perçuecommeunenormede
beauté. N’importequelmagazineouémissionde télévision
vous renvoie l’imaged’un sourirehollywoodien. Celacrée
despressions sociales, qui rendent certainespersonnes
mécontentesde leur sourire. Onpeut donccomprendreque
lespersonnesdont l’apparencedentairenecorrespondpas
à l’idéal de lacultureet dumarchédominants s’exposent aux
jugementsnégatifsde la société. Lediscoursnord-américain
sur la responsabilité individuelleempire la stigmatisationdes
personnesqui s’écartent decet idéal. Dansunmondeoù
uneapparence impeccableest synonymede réussite sociale,
lespersonnes ayant une «mauvaise »dentition se trouvent
désavantagées sur lemarchéde l’emploi et,malheureusement,
cesmêmespersonnesont généralementmoins accès àdes
soinsdentaires.
CQ :
Jenecroispasqu’il faillenécessairement rejeter l’idéal.
Jepensequecertainespersonnesont fait preuvedecréativité
et ont tracé leur proprevoie, commedans lehip-hoppar
exemple, enportant desdentsplaquées amovibles (grills) ou
enmodifiant autrement leursdents. Jenecroispasnonplus
quequelqu’unchoisirait d’avoir desdents croches, casséesou
tâchées justeen signede résistance. Il subirait le rejet social.
D’ailleursmême lespersonnes lesplus récalcitrantesdumonde
occidental continuent àprivilégier leur santé, c’est-à-direàne
pas êtreatteintesdedouleur oud’infection.
a
Réimpriméavec l’autorisationd’ErinVollick, agentedes communicationsà laFacultédemédecine
dentairede l’UniversitédeToronto.
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